par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 7 février 2012, 10-19505
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Cour de cassation, chambre sociale
7 février 2012, 10-19.505

Cette décision est visée dans la définition :
Discrimination




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 avril 2010), que M. X... engagé le 1er juillet 1970 par la société Renault en qualité de cadre stagiaire et occupant en dernier lieu les fonctions de chef de projet de l'organisation informatique d'une direction de cette société, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de dommages-intérêts pour discrimination dans l'évolution de sa carrière en raison de son origine et de son appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de faire droit aux demandes du salarié alors, selon le moyen :

1°/ que dès lors qu'il se penche sur des faits couverts par une amnistie mais présentés par le salarié comme laissant supposer l'existence d'une discrimination au sens de l'article L. 1134-1 du code du travail, le juge doit veiller à ce que la combinaison de ce texte et de l'interdiction de faire état des faits couverts par l'amnistie ne réalise pas un net désavantage au détriment du défendeur à l'action en discrimination, de sorte qu'en se bornant à déclarer insuffisant le témoignage de la supérieure hiérarchique de M. Boubakar X..., la cour de Versailles a violé par fausse application l'article L. 1134-1 du code du travail et la réserve d'interprétation que lui a donnée le Conseil constitutionnel ainsi que la règle du procès équitable résultant de l'article 6 de la CEDH ;

2°/ que la lettre de convocation à un entretien préalable à une poursuite disciplinaire fait partie intégrante de la procédure d'instruction des faits amnistiés dont l'article 12 alinéa 1 de la loi du 6 août 2002 interdit de faire état, de sorte qu'en reprochant à la société Renault de ne pas avoir produit un tel document, la cour d'appel a, de plus fort, violé le texte susvisé ;

Mais attendu, d'abord, qu'eu égard à la nécessité de protéger les droits fondamentaux de la personne concernée, l'aménagement légal des règles de preuve prévues par l'article L. 1134-1 du code du travail, ne viole pas le principe de l'égalité des armes tel que résultant de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Et attendu, ensuite, qu'abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche du moyen, la cour d'appel a, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, relevé, pour rejeter les éléments avancés par l'employeur afin de justifier l'évolution de carrière du salarié, d'une part, que les insuffisances professionnelles alléguées n'étaient pas établies et, d'autre part, que les faits invoqués dans la lettre du 18 septembre 1992 et qualifiés par l'employeur de " problème plutôt disciplinaire " ce dont il résultait qu'ils n'étaient pas amnistiés par application de l'article 12 de la loi n° 2002-496 du 6 août 2002, n'étaient pas avérés ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que la société fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que la seule absence de justification d'un différentiel de carrière peut caractériser une violation de la règle « à travail égal salaire égal » et ouvrir droit à une réparation de ce chef mais ne saurait, en l'absence d'un autre élément, constituer une discrimination de caractère « racial » ; qu'à défaut d'indiquer une quelconque circonstance dans laquelle l'entreprise aurait pris en considération l'appartenance vraie ou supposée de M. Boubakar X... à une ethnie, la cour d'appel qui se fonde exclusivement sur l'examen du cas de l'intéressé par rapport à une « moyenne » déterminée par les calculs de l'expert, ne justifie pas légalement le reproche fait à l'entreprise d'avoir pratiqué une discrimination de nature raciale, privant ainsi sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1134-1 et L. 1134-2 du code du travail ;

2°/ qu'en se bornant à énoncer, en termes généraux, que « la discrimination opérée à l'égard de M. X..., notamment en matière de rémunération, de mutation et de promotion professionnelle en raison de son origine et de son appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nation ou une race » sans identifier par un élément quelconque la nature réelle de la discrimination retenue, la cour d'appel de Versailles ne justifie pas légalement sa décision d'accueillir l'intervention de l'association « Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples » (MRAP) ni de lui allouer une indemnité en réparation d'une atteinte directe aux valeurs correspondant à son seul objet social ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1134-3 du code du travail ;

3°/ que l'imputation d'une discrimination raciale à la société Renault qui se prévalait de la réussite professionnelle en son sein de nombreux cadres appartenant à des ethnies particulières (conclusions pages 38 et 39) est de nature à porter atteinte à l'image de l'entreprise, de sorte qu'en s'abstenant de motiver précisément sa décision sur ce point, la cour d'appel a également violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant retenu que l'employeur ne justifiait pas de raisons objectives pouvant expliquer le retard important subi par le salarié dans le déroulement de sa carrière, par rapport à l'ensemble des salariés se trouvant dans une situation comparable, la cour d'appel a pu en déduire que ce retard n'était pas étranger à la discrimination ethnique invoquée par le salarié ;

Et attendu qu'une fois [la] discrimination établie, la cour d'appel pouvait valablement statuer sur la demande du MRAP en lui allouant une indemnité en réparation d'une atteinte directe aux valeurs correspondant à son seul objet social ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Renault aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Renault à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Renault

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le pourvoi reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR constaté la discrimination, directe et indirecte, notamment en matière de promotion professionnelle et de rémunération dont Monsieur X... a été victime dans sa carrière professionnelle au sein de la SAS RENAULT en raison de son origine, de son appartenance ou de sa non-appartenance vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race ; condamné la SAS RENAULT à payer à Monsieur X... la somme de 249. 900 € à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices professionnel, matériels et moral subis du fait de la discrimination dont il a fait l'objet ; condamné la SAS RENAULT à payer à la Fédération des Travailleurs de la Métallurgie CGT et à l'Union Générale des Ingénieurs Cadres Techniciens CGT-Ouvriers et Employés la somme de 3. 000 € à chacune d'elles en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif qu'elles défendent ; condamné la SAS RENAULT à payer au Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples la somme de 3. 000 € en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif qu'il défend ; condamné la SAS RENAULT à payer au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile les sommes de :-5. 000 € à Monsieur X...,-800 € à la Fédération des Travailleurs de la Métallurgie CGT,-800 € à l'Union Générale des Ingénieurs Cadres Techniciens CGT-Ouvriers et Employés,-800 € au Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples ;

AUX MOTIFS QU'« en l'espèce il résulte des éléments versés aux débats par l'expert judiciaire que celui-ci a pu relever un différentiel de rémunération entre les salariés du panel et M. X... d'un montant global sur la période retenue entre 1981 et 1998 de 332 736 € ; qu'il résulte de l'exploitation des données chiffrées mises en exergue par l'expert qu'en 1981 M. X... avait une rémunération plus élevée que l'essentiel de ses autres collègues figurant dans le panel, mais que cependant, par un effet de ciseau, il a été rattrapé par 42 des 51 salariés de l'échantillon retenu ; que c'est ainsi qu'en 1997, en moyenne, un cadre position III A avait un âge moyen de 43 ans et une ancienneté de 17 ans et demi ; un cadre en position II C avait un âge moyen de 50 ans et une ancienneté de 22 ans et demi ; que M. X..., toujours en position III A, sans évolution pendant toute sa carrière, avait 57 ans et une ancienneté de 27 ans à la fin de sa carrière en 1997 ; qu'à ce titre il recevait une rémunération annuelle de 317 800 F, alors que le salaire moyen annuel d'un cadre III C s'élevait au même moment à 546 000 F ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, la Cour constate l'existence de faits caractérisant une atteinte au principe d'égalité de traitement susceptible de constituer une discrimination quant à l'évolution de la carrière professionnelle de l'appelant ; que dès lors il convient d'examiner les éléments produits par la SAS Renault comme constituant des éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur l'origine raciale ou ethnique ; que sur ce point la SAS Renault fait valoir qu'il est manifeste que les avis des deux supérieurs hiérarchiques, repris dans le rapport d'expertise, bien qu'entendus séparément, convergent totalement et démontrent que les résultats de travail de M. X... n'ont pas été, pendant toute cette période, à la hauteur des attentes de ses supérieurs hiérarchiques ; qu'ainsi la société intimée invoque qu'il ressort en effet des auditions reprises dans le rapport d'expertise que sur des travaux spécifiques et des missions dont le périmètre était défini, l'appelant a, à chaque fois, tenté de faire dévier sa prestation sur des priorités qui étaient les siennes et qui, en fin de compte, ne lui permettaient sûrement pas de fournir à sa hiérarchie, les travaux finalisés dans le cadre sollicité ; qu'ainsi il a été mis en lumière par des éléments objectifs, par des témoignages et l'audition de sachants lors de l'expertise, que la prestation de travail de M. X... n'étant pas satisfaisante, son évolution de carrière ne pouvait sûrement pas être celle qu'il revendique pour les besoins de la cause ; que la SAS Renault en conclut que ce n'est donc sûrement pas pour un problème de discrimination raciale, comme M. X... voudrait le faire admettre, que sa prestation n'a pas été jugée satisfaisante par sa hiérarchie mais bien sur une appréciation objective de son travail ; qu'à l'appui de ses dires la SAS Renault produit plusieurs témoignages dont celui de Mme Y... qui indique avoir constaté une insuffisance professionnelle imputable à M. X... et avoir eu avec lui un problème « plutôt disciplinaire et concernant une prise de congés » ; que la Cour constate qu'aucune procédure disciplinaire à travers une convocation à un entretien préalable n'a été mis en oeuvre et que Mme Y... a seulement envoyé à M. X..., le 18 septembre 1992, une lettre critiquant le fait que celui-ci serait rentré de ses congés payés à mi-course pour venir achever un travail difficile dont il avait reçu la responsabilité ; que M. X... indique qu'il avait été autorisé par Mme Y... elle-même à se rendre à son bureau aux « jour et heure nécessaires au bon fonctionnement de son activité » ; que de même Mme Y... a reproche le 15 mars 2005 à M. X... de s'être inscrit, de sa propre initiative, à un stage les 14 et 15 octobre 1992 pour organiser le développement informatique ; qu'au vu de ces éléments la cour constate que ces deux griefs ne sauraient constituer des éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur l'origine raciale ou ethnique, alors que le salarié n'a fait preuve que d'une conscience professionnelle certaine ; qu'en ce qui concerne M. B..., la cour relève que ce dernier s'était déclaré satisfait du travail de M. X..., ainsi que celui-ci s'en était prévalu le 30 août 1992 dans une lettre à Mme Y..., et dans l'entretien individuel annuel de 1991 qu'il a eu avec l'appelant M. B... écrit que celui-ci avait « acquis une bonne connaissance d'un milieu totalement nouveau pour lui. Il est bien accepté dans son environnement » ; que d'ailleurs la cour constate qu'à l'époque M. B... avait suggéré à sa hiérarchie une augmentation de la rémunération de M. X... de 7 % au 1er janvier 1992 et l'on voit dès lors mal comment aujourd'hui il peut prétendre avoir des difficultés à se souvenir des tâches qu'il avait confiées à ce dernier, ni pouvoir faire aucune remarque sur la qualité du travail de celui-ci durant l'année où il a été son chef de section, puis ensuite déclaré : « il n'y a pas eu de résultats tangibles » ; que la Cour considère que si l'opinion de M. B... concernant M. X... avait évolué depuis sa demande hiérarchique, rien ne l'aurait alors empêché de renoncer à cette demande d'augmentation et d'en prévenir la direction des affaires sociales sans que M. X... en ait eu connaissance ; que M. X... de son côté produit une attestation de Mme Z... qui confirme : « en accord avec le chef de service, Marc C..., une augmentation de salaire a bien été allouée à M. Boubakar X.... Cette augmentation … était justifiée en raison des efforts qu'il avait fournis pour s'intégrer au sein du projet tout en apprenant un nouveau métier, cela en fin de carrière » ; que par ailleurs M. X... produit un bilan d'évaluation effectué à son sujet fin septembre 1994 par Mme Z..., lequel est tout à fait positif à son égard ; qu'aussi constatant que ce bilan d'évaluation réalisé en septembre 1994 contient des appréciations positives sur la qualité du travail fourni par M. X..., qu'aucune autre évaluation n'est intervenue postérieurement et que les critiques de l'employeur relatives à une prestation de travail de M. X... insuffisamment satisfaisante, n'ont été formulées qu'a posteriori et peu de temps avant la saisine par le salarié de la juridiction prud'homale, la cour considère que les éléments objectifs dont fait état l'employeur pour justifier une moindre progression salariale du salarié par comparaison avec ses collègues ne sont pas établie et que la différence de traitement constatée n'est ainsi fondée sur aucun motif valable ; que cette considération est d'ailleurs confortée par l'attestation délivrée le 12 avril 2005 par M. A... qui témoigne de la compétence dans le suivi des dossiers que M. X... avait à traiter et de la sympathie que dégageait sa personnalité dans le cadre d'un service de moins d'une dizaine de personnes pour beaucoup très qualifiées ; que par ailleurs la cour constate que M. A..., salarié chez Renault de 1975 à 2002, est devenu cadre III B en janvier 1995 et qu'en 2000 il percevait une rémunération annuelle brute de 443 253 F, augmentée de primes annuelles, soit une rémunération nettement supérieure à celle de M. X... cantonné cadre III A pendant toute sa carrière ; que la SAS Renault ne satisfaisant pas à l'obligation de preuve objective lui incombait il convient d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et de constater la discrimination, directe et indirecte, notamment en matière de promotion professionnelle et de rémunération dont M. X... a été victime dans sa carrière professionnelle au sein de l'entreprise en raison de son origine, son appartenance ou de sa non-appartenance vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race ; Sur les demandes présentées par les intervenants volontaires : La discrimination opérée à l'égard de M. X..., notamment en matière de rémunération, de mutation et de promotion professionnelle en raison de son origine et de son appartenance, vraie ou supposée à une ethnie, une nation ou une race en violation des dispositions contenues dans le code du travail cause un préjudice à l'intérêt collectif défendu tant par la Fédération des Travailleurs de la Métallurgie CGT et de l'Union Générale des Ingénieurs Cadres Techniciens CGT-Ouvriers et Employés que par le Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples qui interviennent à l'instance aux côtés de l'appelant et demandent réparation du dommage causé ; qu'aussi il convient de condamner la SAS Renault à payer à chacun des trois intervenants la somme de 3000 € en réparation du dommage causé » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE l'expert avait reçu mission, en vertu de l'arrêt avant dire droit du 23 mars 2007, de rechercher le « degré de technicité »
atteint par Monsieur Boubakar X... par rapport aux salariés ayant atteint un niveau III C qu'il revendiquait et que prive sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 du Code du travail et 1er de la loi du 27 mai 2008 la Cour de VERSAILLES qui, sans relever que l'expert n'avait pas rempli cette partie de sa mission, accepte de se référer à une simple « moyenne » basée sur l'ancienneté, omet de s'expliquer sur les conclusions faisant valoir que l'ancienneté ne pouvait pas remplacer la compétence (conclusions RENAULT p. 32 et 33) et s'abstient de rechercher, comme elle y était invitée (p. 27, 28, 31 et 35) si les écarts entre les salariés du panel participant à la composition de cette « moyenne » ne correspondaient pas précisément au critère de « technicité » éludé par le rapport d'expertise ;

QUE, DE SURCROIT, la Cour d'Appel laisse dépourvues de toute réponse, en violation de l'article 455 du Code de Procédure Civile, les conclusions de la société exposante faisant valoir que, hors du principe « à travail égal salaire égal » et sauf discrimination établie, il n'existe aucun droit à obtenir de l'employeur le bénéfice d'une « carrière moyenne » et que, depuis l'année 1991, la politique de rémunération et d'avancement des cadres reposait chez RENAULT sur une individualisation des situations en fonction des compétences (p. 6, 13, 16 et 32 à 36) ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE ne caractérise nullement une « conscience professionnelle » prétendument exclusive des griefs formulés par l'employeur, la Cour d'Appel qui se fonde sur les initiatives unilatérales de Monsieur Boubakar X... de ne pas respecter ses dates de congés et de partir en stage sans autorisation de la hiérarchie ; qu'en méconnaissant ainsi le pouvoir d'organisation et de direction de l'entreprise, la Cour de VERSAILLES a violé ensemble les articles L. 1221 et L. 1131-1 du Code du travail ;

ALORS, ENFIN, QU'en retenant la circonstance qu'un témoin, Monsieur A..., était devenu cadre III B avec une rémunération nettement supérieure à celle de Monsieur Boubakar X... « cantonné cadre III A », sans s'expliquer sur l'acquis professionnel de l'intéressé au cours de neuf années passées dans un ministère avant d'être embauché chez RENAULT, la Cour d'Appel a une fois encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1132-1 du Code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Le pourvoi reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR constaté la discrimination, directe et indirecte, notamment en matière de promotion professionnelle et de rémunération dont Monsieur X... a été victime dans sa carrière professionnelle au sein de la SAS RENAULT en raison de son origine, de son appartenance ou de sa non-appartenance vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race ; condamné la SAS RENAULT à payer à Monsieur X... la somme de 249. 900 € à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices professionnel, matériels et moral subis du fait de la discrimination dont il a fait l'objet ; condamné la SAS RENAULT à payer à la Fédération des Travailleurs de la Métallurgie CGT et à l'Union Générale des Ingénieurs Cadres Techniciens CGT-Ouvriers et Employés la somme de 3. 000 € à chacune d'elles en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif qu'elle défendent ; condamné la SAS RENAULT à payer au Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples la somme de 3. 000 € en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif qu'il défend ; condamné la SAS RENAULT à payer au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile les sommes de :-5. 000 € à Monsieur X...,-800 € à la Fédération des Travailleurs de la Métallurgie CGT,-800 € à l'Union Générale des Ingénieurs Cadres Techniciens CGT-Ouvriers et Employés,-800 € au Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples ;

AUX MOTIFS QU'ainsi la société intimée invoque qu'il ressort en effet des auditions reprises dans le rapport d'expertise que sur des travaux spécifiques et des missions dont le périmètre était défini, l'appelant a, à chaque fois, tenté de faire dévier sa prestation sur des priorités qui étaient les siennes et qui, en fin de compte, ne lui permettaient sûrement pas de fournir à sa hiérarchie, les travaux finalisés dans le cadre sollicité ; qu'ainsi il a été mis en lumière par des éléments objectifs, par des témoignages et l'audition de sachants lors de l'expertise, que la prestation de travail de M. X... n'étant pas satisfaisante, son évolution de carrière ne pouvait sûrement pas être celle qu'il revendique pour les besoins de la cause ; que la SAS Renault en conclut que ce n'est donc sûrement pas pour un problème de discrimination raciale, comme M. X... voudrait le faire admettre, que sa prestation n'a pas été jugée satisfaisante par sa hiérarchie mais bien sur une appréciation objective de son travail ; qu'à l'appui de ses dires la SAS Renault produit plusieurs témoignages dont celui de Mme Y... qui indique avoir constaté une insuffisance professionnelle imputable à M. X... et avoir eu avec lui un problème « plutôt disciplinaire et concernant une prise de congés » ; que la Cour constate qu'aucune procédure disciplinaire à travers une convocation à un entretien préalable n'a été mis en oeuvre et que Mme Y... a seulement envoyé à M. X..., le 18 septembre 1992, une lettre critiquant le fait que celui-ci serait rentré de ses congés payés à mi-course pour venir achever un travail difficile dont il avait reçu la responsabilité ; que M. X... indique qu'il avait été autorisé par Mme Y... elle-même à se rendre à son bureau aux « jour et heure nécessaires au bon fonctionnement de son activité » ; que de même Mme Y... a reproche le 15 mars 2005 à M. X... de s'être inscrit, de sa propre initiative, à un stage les 14 et 15 octobre 1992 pour organiser le développement informatique ; qu'au vu de ces éléments la cour constate que ces deux griefs ne sauraient constituer des éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur l'origine raciale ou ethnique, alors que le salarié n'a fait preuve que d'une conscience professionnelle certaine » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE dès lors qu'il se penche sur des faits couverts par une amnistie mais présentés par le salarié comme laissant supposer l'existence d'une discrimination au sens de l'article L. 1134-1 du Code du travail, le juge doit veiller à ce que la combinaison de ce texte et de l'interdiction de faire état des faits couverts par l'amnistie ne réalise pas un net désavantage au détriment du défendeur à l'action en discrimination, de sorte qu'en se bornant à déclarer insuffisant le témoignage de la supérieure hiérarchique de Monsieur Boubakar X..., la Cour de VERSAILLES a violé par fausse application l'article L. 1134-1 du Code du travail et la réserve d'interprétation que lui a donnée le Conseil Constitutionnel ainsi que la règle du procès équitable résultant de l'article 6 de la CEDH ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la lettre de convocation à un entretien préalable à une poursuite disciplinaire fait partie intégrante de la procédure d'instruction des faits amnistiés dont l'article 12 alinéa 1 de la loi du 6 août 2002 interdit de faire état, de sorte qu'en reprochant à la société RENAULT de ne pas avoir produit un tel document, la Cour d'Appel a, de plus fort, violé le texte susvisé.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Le pourvoi reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR constaté la discrimination, directe et indirecte, notamment en matière de promotion professionnelle et de rémunération dont Monsieur X... a été victime dans sa carrière professionnelle au sein de la SAS RENAULT en raison de son origine, de son appartenance ou de sa non-appartenance vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race ; condamné la SAS RENAULT à payer à Monsieur X... la somme de 249. 900 € à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices professionnel, matériels et moral subis du fait de la discrimination dont il a fait l'objet ; condamné la SAS RENAULT à payer à la Fédération des Travailleurs de la Métallurgie CGT et à l'Union Générale des Ingénieurs Cadres Techniciens CGT-Ouvriers et Employés la somme de 3. 000 € à chacune d'elles en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif qu'elle défendent ; condamné la SAS RENAULT à payer au Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples la somme de 3. 000 € en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif qu'il défend ; condamné la SAS RENAULT à payer au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile les sommes de :-5. 000 € à Monsieur X...,-800 € à la Fédération des Travailleurs de la Métallurgie CGT,-800 € à l'Union Générale des Ingénieurs Cadres Techniciens CGT-Ouvriers et Employés,-800 € au Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples ;

AUX MOTIFS QU'« en l'espèce il résulte des éléments versés aux débats par l'expert judiciaire que celui-ci a pu relever un différentiel de rémunération entre les salariés du panel et M. X... d'un montant global sur la période retenue entre 1981 et 1998 de 332 736 € ; qu'il résulte de l'exploitation des données chiffrées mises en exergue par l'expert qu'en 1981 M. X... avait une rémunération plus élevée que l'essentiel de ses autres collègues figurant dans le panel, mais que cependant, par un effet de ciseau, il a été rattrapé par 42 des 51 salariés de l'échantillon retenu ; que c'est ainsi qu'en 1997, en moyenne, un cadre position III A avait un âge moyen de 43 ans et une ancienneté de 17 ans et demi ; un cadre en position II C avait un âge moyen de 50 ans et une ancienneté de 22 ans et demi ; que M. X..., toujours en position III A, sans évolution pendant toute sa carrière, avait 57 ans et une ancienneté de 27 ans à la fin de sa carrière en 1997 ; qu'à ce titre il recevait une rémunération annuelle de 317 800 F, alors que le salaire moyen annuel d'un cadre III C s'élevait au même moment à 546 000 F ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, la Cour constate l'existence de faits caractérisant une atteinte au principe d'égalité de traitement susceptible de constituer une discrimination quant à l'évolution de la carrière professionnelle de l'appelant ; que dès lors il convient d'examiner les éléments produits par la SAS Renault comme constituant des éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur l'origine raciale ou ethnique ; que sur ce point la SAS Renault fait valoir qu'il est manifeste que les avis des deux supérieurs hiérarchiques, repris dans le rapport d'expertise, bien qu'entendus séparément, convergent totalement et démontrent que les résultats de travail de M. X... n'ont pas été, pendant toute cette période, à la hauteur des attentes de ses supérieurs hiérarchiques ; qu'ainsi la société intimée invoque qu'il ressort en effet des auditions reprises dans le rapport d'expertise que sur des travaux spécifiques et des missions dont le périmètre était défini, l'appelant a, à chaque fois, tenté de faire dévier sa prestation sur des priorités qui étaient les siennes et qui, en fin de compte, ne lui permettaient sûrement pas de fournir à sa hiérarchie, les travaux finalisés dans le cadre sollicité ; qu'ainsi il a été mis en lumière par des éléments objectifs, par des témoignages et l'audition de sachants lors de l'expertise, que la prestation de travail de M. X... n'étant pas satisfaisante, son évolution de carrière ne pouvait sûrement pas être celle qu'il revendique pour les besoins de la cause ; que la SAS Renault en conclut que ce n'est donc sûrement pas pour un problème de discrimination raciale, comme M. X... voudrait le faire admettre, que sa prestation n'a pas été jugée satisfaisante par sa hiérarchie mais bien sur une appréciation objective de son travail ; qu'à l'appui de ses dires la SAS Renault produit plusieurs témoignages dont celui de Mme Y... qui indique avoir constaté une insuffisance professionnelle imputable à M. X... et avoir eu avec lui un problème « plutôt disciplinaire et concernant une prise de congés » ; que la Cour constate qu'aucune procédure disciplinaire à travers une convocation à un entretien préalable n'a été mis en oeuvre et que Mme Y... a seulement envoyé à M. X..., le 18 septembre 1992, une lettre critiquant le fait que celui-ci serait rentré de ses congés payés à mi-course pour venir achever un travail difficile dont il avait reçu la responsabilité ; que M. X... indique qu'il avait été autorisé par Mme Y... elle-même à se rendre à son bureau aux « jour et heure nécessaires au bon fonctionnement de son activité » ; que de même Mme Y... a reproche le 15 mars 2005 à M. X... de s'être inscrit, de sa propre initiative, à un stage les 14 et 15 octobre 1992 pour organiser le développement informatique ; qu'au vu de ces éléments la cour constate que ces deux griefs ne sauraient constituer des éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur l'origine raciale ou ethnique, alors que le salarié n'a fait preuve que d'une conscience professionnelle certaine ; qu'en ce qui concerne M. B..., la cour relève que ce dernier s'était déclaré satisfait du travail de M. X..., ainsi que celui-ci s'en était prévalu le 30 août 1992 dans une lettre à Mme Y..., et dans l'entretien individuel annuel de 1991 qu'il a eu avec l'appelant M. B... écrit que celui-ci avait « acquis une bonne connaissance d'un milieu totalement nouveau pour lui. Il est bien accepté dans son environnement » ; que d'ailleurs la cour constate qu'à l'époque M. B... avait suggéré à sa hiérarchie une augmentation de la rémunération de M. X... de 7 % au 1er janvier 1992 et l'on voit dès lors mal comment aujourd'hui il peut prétendre avoir des difficultés à se souvenir des tâches qu'il avait confiées à ce dernier, ni pouvoir faire aucune remarque sur la qualité du travail de celui-ci durant l'année où il a été son chef de section, puis ensuite déclaré : « il n'y a pas eu de résultats tangibles » ; que la Cour considère que si l'opinion de M. B... concernant M. X... avait évolué depuis sa demande hiérarchique, rien ne l'aurait alors empêché de renoncer à cette demande d'augmentation et d'en prévenir la direction des affaires sociales sans que M. X... en ait eu connaissance ; que M. X... de son côté produit une attestation de Mme Z... qui confirme : « en accord avec le chef de service, Marc C..., une augmentation de salaire a bien été allouée à M. Boubakar X.... Cette augmentation … était justifiée en raison des efforts qu'il avait fournis pour s'intégrer au sein du projet tout en apprenant un nouveau métier, cela en fin de carrière » ; que par ailleurs M. X... produit un bilan d'évaluation effectué à son sujet fin septembre 1994 par Mme Z..., lequel est tout à fait positif à son égard ; qu'aussi constatant que ce bilan d'évaluation réalisé en septembre 1994 contient des appréciations positives sur la qualité du travail fourni par M. X..., qu'aucune autre évaluation n'est intervenue postérieurement et que les critiques de l'employeur relatives à une prestation de travail de M. X... insuffisamment satisfaisante, n'ont été formulées qu'a posteriori et peu de temps avant la saisine par le salarié de la juridiction prud'homale, la cour considère que les éléments objectifs dont fait état l'employeur pour justifier une moindre progression salariale du salarié par comparaison avec ses collègues ne sont pas établie et que la différence de traitement constatée n'est ainsi fondée sur aucun motif valable ; que cette considération est d'ailleurs confortée par l'attestation délivrée le 12 avril 2005 par M. A... qui témoigne de la compétence dans le suivi des dossiers que M. X... avait à traiter et de la sympathie que dégageait sa personnalité dans le cadre d'un service de moins d'une dizaine de personnes pour beaucoup très qualifiées ; que par ailleurs la cour constate que M. A..., salarié chez Renault de 1975 à 2002, est devenu cadre III B en janvier 1995 et qu'en 2000 il percevait une rémunération annuelle brute de 443 253 F, augmentée de primes annuelles, soit une rémunération nettement supérieure à celle de M. X... cantonné cadre III A pendant toute sa carrière ; que la SAS Renault ne satisfaisant pas à l'obligation de preuve objective lui incombait il convient d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et de constater la discrimination, directe et indirecte, notamment en matière de promotion professionnelle et de rémunération dont M. X... a été victime dans sa carrière professionnelle au sein de l'entreprise en raison de son origine, son appartenance ou de sa non-appartenance vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race ; Sur les demandes présentées par les intervenants volontaires : La discrimination opérée à l'égard de M. X..., notamment en matière de rémunération, de mutation et de promotion professionnelle en raison de son origine et de son appartenance, vraie ou supposée à une ethnie, une nation ou une race en violation des dispositions contenues dans le code du travail cause un préjudice à l'intérêt collectif défendu tant par la Fédération des Travailleurs de la Métallurgie CGT et de l'Union Générale des Ingénieurs Cadres Techniciens CGT-Ouvriers et Employés que par le Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples qui interviennent à l'instance aux côtés de l'appelant et demandent réparation du dommage causé ; qu'aussi il convient de condamner la SAS Renault à payer à chacun des trois intervenants la somme de 3000 € en réparation du dommage causé » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la seule absence de justification d'un différentiel de carrière peut caractériser une violation de la règle « à travail égal salaire égal » et ouvrir droit à une réparation de ce chef mais ne saurait, en l'absence d'un autre élément, constituer une discrimination de caractère « racial » ; qu'à défaut d'indiquer une quelconque circonstance dans laquelle l'entreprise aurait pris en considération l'appartenance vraie ou supposée de Monsieur Boubakar X... à une ethnie, la Cour d'Appel qui se fonde exclusivement sur l'examen du cas de l'intéressé par rapport à une « moyenne » déterminée par les calculs de l'expert, ne justifie pas légalement le reproche fait à l'entreprise d'avoir pratiqué une discrimination de nature raciale, privant ainsi sa décision de toute base légale au regard des articles L 1134-1 et L 1134-2 du Code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'en se bornant à énoncer, en termes généraux, que « la discrimination opérée à l'égard de Mr X..., notamment en matière de rémunération, de mutation et de promotion professionnelle en raison de son origine et de son appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nation ou une race » sans identifier par un élément quelconque la nature réelle de la discrimination retenue, la Cour de VERSAILLES ne justifie pas légalement sa décision d'accueillir l'intervention de l'association « Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples » (MRAP) ni de lui allouer une indemnité en réparation d'une atteinte directe aux valeurs correspondant à son seul objet social ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1134-3 du Code du Travail ;

ALORS, ENFIN, ET DE TOUTES FACONS, QUE l'imputation d'une discrimination raciale à la société RENAULT qui se prévalait de la réussite professionnelle en son sein de nombreux cadres appartenant à des ethnies particulières (conclusions pages 38 et 39) est de nature à porter atteinte à l'image de l'entreprise, de sorte qu'en s'abstenant de motiver précisément sa décision sur ce point, la Cour d'appel a également violé l'article 455 du Code de Procédure Civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Discrimination


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.