par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



DISCRIMINATION DEFINITION
Dictionnaire juridique

Définition de Discrimination

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En droit du travail, consulter les articles L. 1237-5, L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail, et l'article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail. Aux termes de l'article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000, des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. La discrimination se définit comme étant le traitement inégal et défavorable appliqué à certaines personnes en raison notamment, de leur origine, de leur nom, de leur sexe, de leur apparence physique ou de leur appartenance à un mouvement philosophique, syndical ou politique. Ainsi a t-il, pu être reconnu que constituait une telle discrimination, le fait que le demandeur était le seul salarié dont le coefficient n'avait pas évolué depuis plusieurs années, qu'il avait été pénalisé dans ses évaluations en raison de son indisponibilité liée à son mandat syndical, qu'il avait fait personnellement l'objet de mesures sanctionnant son activité syndicale " considérée trop insistante et incisive " et qu'il était établi qu'il avait fait l'objet de plusieurs sanctions disciplinaires et d'une tentative de licenciement en raison de " son activité syndicale soutenue au sein des institutions représentatives du personnel ", tous éléments laissant supposer une discrimination (Chambre sociale, 30 avril 2009, pourvoi : 06-45939, BICC n°709 du 15 octobre 2009 et Legifrance). La Chambre sociale a également estimé qu'en retenant que l'employeur ne justifiait pas de raisons objectives pouvant expliquer le retard important subi par le salarié dans le déroulement de sa carrière par rapport aux autres salariés se trouvant dans une situation comparable, le juge du fond a pu en déduire que ce retard n'était pas étranger à la discrimination ethnique invoquée par le salarié (Chambre sociale 7 février 2012, pourvoi n°10-19505, BICC n°764 du 15 juin 2012 et Legifrance). Consulter la note de M. Daniel Boulmier référencée dans la Bibliographie ci-après.

La discrimination prend différentes formes, ainsi, le fait de demander au salarié de changer son prénom de Mohammed pour celui de Laurent est de nature à constituer une discrimination à raison de son origine. La circonstance que plusieurs salariés portaient le prénom de Mohamed n'était pas de nature à caractériser l'existence d'un élément objectif susceptible de la justifier, (chambre sociale 10 novembre 2009, pourvoi : n°08-42286, BICC n°720 du 15 avril 2010, publication suivie d'une note du SDEC et Legifrance). Consulter aussi le commentaire de Madame Dauxerre référencé dans la Bibliographie ci-après)

L'avis émis par un médecin du travail ayant déclaré le salarié apte à son poste sous réserves, la proposition de mutation du salarié par la mise en oeuvre de la clause de mobilité figurant au contrat, ne constitue pas un élément laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison de son état de santé. Le licenciement prononcé, par l'employeur fondé sur le refus par le salarié de cette mutation n'est pas discriminatoire (Chambre sociale 26 avril 2017, pourvoi n°14-29089, BICC n°869 du 15 octobre 2017 et Legifrance)

La Loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 prévoit, dans des dispositions qui sont dès maintenant applicables, que les Conseils d'administration, comme les Conseils de surveillance, doivent délibérer annuellement en matière d'égalité professionnelle et salariale sur la politique que mène les société qu'ils administrent ou qu'ils dirigent. De son côté, la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations qui peut être consultée sur le site de "Legifrance" avait déjà interdit une pratique discriminatoire et ce, à tous les nivaux de la vie professionnelle. Elle dispose notamment qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements ci-dessus ou pour les avoir relatés.

La Loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes est destinée à obtenir dans les 5 ans qui suivent sa promulgation, une égalité des rémunérations services aux salariés hommes et femmes. Elle prévoit des négociations par branches ou dans chaque entreprise, et la réunion d'une conférence nationale devant dans un délai de 3 ans qui devra dresser un bilan de l'application de la loi. Elle entend renforcer les droits des femmes en congé de maternité, prévoit des majoration d'allocations de formation pour compenser les frais de garde d'enfants, pour favoriser une formation en dehors du temps de travail, et accélérer l'accès des femmes et des jeunes filles à la formation professionnelle et à l'apprentissage. Sur ce thème, consulter Circulaire du 19 avril 2007 concernant l'application de la loi n° 2006-340 du 23 mars 2006.

Une différence de traitement entre les salariés d'une même entreprise ne constitue pas en elle-même une discrimination illicite au sens de l'article L. 122-45 du code du travail. Le principe de l'égalité salariale s'applique aussi lorsque des différences sont constatées dans les avantages accordées par une entreprise à certain de ses salariés. Pour la Cour de cassation, une différence de traitement ne peut reposer que sur des raisons objectives, dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence. Dès lors, la cour d'appel qui a décidé que l'employeur qui avait réservé l'octroi de tickets-restaurant au seul personnel non-cadre de son entreprise ne justifiait d'aucune raison objective et pertinente pouvant légitimer cette disparité, a fait une exacte application des textes prétendument violés. (Soc., 20 février 2008, BICC n°683 du 1er juin 2008 et 30 avril 2009, pourvoi : 07-40527, Legifrance et note du SDER au BICC n°709 du 15 octobre 2009 à propos d'un arrêt portant sur des avantages tels que « prime exceptionnelle », « prime de résultats » ou « bonus »). Un accord d'entreprise ne peut prévoir de différences de traitement entre salariés d'établissements différents d'une même entreprise exerçant un travail égal ou de valeur égale, que si, comme il est dit ci-dessus, elles reposent sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence (chambre sociale, 28 octobre 2009, pourvoi n°08-40457 et divers autres, BICC n°719 di 1er avril 2010 et Legifrance). Jugé dans le même sens que, au regard du principe d'égalité de traitement, la seule différence de statut juridique ne permet pas de fonder une différence de rémunération entre des salariés qui effectuent un même travail ou un travail de valeur égale, sauf s'il est démontré, par des justifications dont le juge contrôle la réalité et la pertinence, que la différence de rémunération résulte de l'application de règles de droit public (Chambre sociale 16 février 2012, pourvoi : 10-21864 10-21865 10-21866 10-21867 10-21868, BICC n°764 du 15 juin 2012 et Legifrance).

Mais, si la seule différence de catégorie professionnelle ne peut en elle-même justifier une différence de salaire entre deux salariés placés dans une situation identique, elle est cependant admissible, lorsque s'agissant d'un artiste de la Comédie Française, il a été retenu que l'évolution de sa situation professionnelle par rapport à d'autres comédiens, pensionnaires ou sociétaires, reposait sur la prise en considération, dans les conditions prévues par le statut de la Comédie-Française, des qualités, de l'expérience et de la notoriété de chacun (Chambre sociale 19 octobre 2011, pourvoi n°10-17337, BICC n°756 du 15 février 2012 et Legifrance). Consulter la note de M. François Dumont référencée dans la Bibliographie ci-après. De même, sur le fond des mêmes principes, la Chambre sociale juge qu'en raison des particularités des régimes de prévoyance couvrant les risques maladie, incapacité, invalidité, décès et retraite, qui reposent sur une évaluation des risques garantis, en fonction des spécificités de chaque catégorie professionnelle, prennent en compte un objectif de solidarité et requièrent dans leur mise en oeuvre la garantie d'un organisme extérieur à l'entreprise, l'égalité de traitement ne s'applique qu'entre les salariés relevant d'une même catégorie professionnelle (Chambre sociale 13 mars 2013, pourvoi n° 11-20490 11-20491 et divers autres, BICC n°785 du 1er juillet 2013 avec un commentaire du SDER et Legifrance).

Lorsque survient un litige relatif à l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, le salarié présente des éléments de fait en laissant supposer l'existence et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Dès lors, même lorsque la différence de traitement en raison d'un des motifs visés à l'article L. 1132-1 du code du travail résulte des stipulations d'une convention ou d'un accord collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, les stipulations concernées ne peuvent être présumées justifiées au regard du principe de non-discrimination. (Chambre sociale 9 octobre 2019, pourvoi n°17-16642, BICC n°917 du 1er mars 2020 et Legifrance). Consulter la note de M. Jérôme Daniel, JCP. 2019, éd. S., n°47, 1336.

Une admission à la retraite prononcée d'office par l'employeur peut elle constituer une mesure individuelle discriminatoire contraire à l'article L. 1132-1 du code du travail, qui serait nulle et de nul effet et, en conséquence, permettrait au salarié d'obtenir sa réintégration avec effet rétroactif et la condamnation de l'employeur à en supporter les conséquences financières. ? La Chambre sociale estime à cet égard que les différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un objectif légitime, notamment de politique de l'emploi, et lorsque les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. Tel n'est pas le cas si l'entreprise ne précise pas que sa décision doit lui permettre d'adapter ses effectifs à l'évolution du contexte dans lequel elle se situe et de lui apporter une souplesse durable dans la gestion de ses effectifs, en fonction de l'évolution de son organisation et de son activité. Des motifs généraux invoqués par l'employeur ne permettent pas de considérer la mise à retraite du salarié comme étant justifiée par un objectif légitime : la décision de l'employeur est alors constitutive d'une discrimination fondée sur l'âge et elle doit être annulée. (Chambre sociale 16 février 2011, pourvoi n°10-10465, BICC n°744 du 15 juin 2011 et Legifrance).

L'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés. Est une discrimination la circonstance que l'employeur n'ait pas fourni de travail au salarié pendant de longues périodes, élément de nature à laisser supposer l'existence d'une telle discrimination. Les décisions de l'employeur doivent être justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La circonstance qu'en raison de ses absences pour exercer ses mandats représentatifs un salarié s'était vu affecter un autre véhicule que celui qu'il conduisait habituellement jusqu'à l'intervention de l'inspecteur du travail, qu'il n'avait bénéficié ni des frais de repas lors de ses journées de délégation ni de diverses primes attachées à son exercice professionnel, que son salaire moyen était le plus faible de tous les chauffeurs, à l'exception d'un autre, qu'il n'avait pas d'entretien d'évaluation, et qu'il était l'un des seuls chauffeurs-exception faite de trois autres délégués syndicaux-à ne pas bénéficier d'un téléphone mobile, présentait des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination (Soc. 29 juin 2011, deux arrêts, pourvois n°10-14067 et 10-15792, BICC n°751 du 15 novembre 2011 avec une Note du SDER et Legifrance).

En cas de litige, au vu des éléments fournis par le salarié, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Jugé, concernant des pilotes d'une compagnie aérienne licenciés à l'âge de 60 ans que l'employeur déclarait ne pouvoir reclasser, qu'il convenait d'examiner si les objectifs poursuivis par l'employeur étaient légitimes, et qu'il appartenait au juge du fond de rechercher, ainsi qu'il y avait été invité, si la cessation des fonctions de pilote à l'âge de 60 ans était nécessaire à leur réalisation. (Chambre sociale 11 mai 2010, [2 arrêts], pourvoi n°08-45307, BICC n°728 du 1er octobre 2010 et Legifrance). Mêmes principes dégagés par un arrêt du même jour pourvoi n°08-43681, concernant une personne employée par l'Opéra National de Paris en qualité de régisseur de production, puis de chef du service patrimoine, (même BICC que ci-dessus et note du SDER).

Les organisations syndicales représentatives au plan national, départemental, pour ce qui concerne les départements d'outre-mer, ou dans l'entreprise peuvent exercer en justice toutes actions qui naissent de ces dispositions en faveur d'un candidat à un emploi, à un stage ou une période de formation en entreprise ou d'un salarié de l'entreprise sans avoir à justifier d'un mandat de l'intéressé, pourvu que celui-ci ait été averti par écrit et ne s'y soit pas opposé dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l'organisation syndicale lui a notifié son intention. L'intéressé peut toujours intervenir à l'instance engagée par le syndicat.

Le mot "discrimination" ne s'applique pas qu'en droit du travail, on le rencontre chaque fois que des avantages d'ordre économique ont été attribués à des produits, à des personnes ou à des professions, chaque fois que l'inégalité de traitement qui leur a été réservés ne s'est pas trouvée justifiée par des considérations puisées dans le droit positif ou par des considérations d'équité.

Textes

  • L. n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations.
  • Loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle
  • Décret n° 2011-822 du 7 juillet 2011 relatif à la mise en oeuvre des obligations des entreprises pour l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
  • Bibliographie

  • Boulmier (D.), Eléments objectifs et justification de la discrimination., La Semaine juridique, édition social, n°14, 3 avril 2012, Jurisprudence, n°1150, p. 24 à 27, note à propos de Soc. 7 février 2012.
  • Dumont (F.), Différence de situation professionnelle et principe à travail égal, salaire égal. Revue de jurisprudence sociale, n°1/12, janvier 2012, décision n°83, p. 71-72, note à propos de Soc. - 19 octobre 2011.
  • Maillard (S.), Discrimination et harcèlement, précisions de la Cour de cassation, Recueil Dalloz, n°43, 10 décembre 2009, Actualité jurisprudentielle, p. 2857-58, note à propos de Soc. - 10 novembre 2009.
  • Dauxerre (N.), Changement de prénom à la demande de l'employeur. La Semaine juridique, édition générale, n°49, 30 novembre 2009, Jurisprudence, n°513, p. 31, note à propos de Soc. - 10 novembre 2009.

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