par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 3, 28 mars 2012, 10-26531
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
28 mars 2012, 10-26.531
Cette décision est visée dans la définition :
Société civile
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 27 mai 2010), que Mme X..., veuve Y... et Mme Y..., épouse Z... (Mmes Y...- Z...) ont assigné la société civile immobilière Domaine de Champigny (la SCI), M. Max Y..., gérant associé et Mme Y..., épouse A..., associée, en autorisation de retrait de la société et désignation d'un expert pour l'évaluation de leurs droits sociaux ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la SCI et M. Y... font grief à l'arrêt d'autoriser le retrait de Mmes Y...- Z... de la SCI, alors, selon le moyen, que le retrait d'un associé peut être autorisé pour justes motifs par une décision de justice ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, sans caractériser un juste motif de retrait de Mmes X..., veuve Y... et Y..., épouse Z..., de la SCI Domaine du Champigny, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1869 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'aucune assemblée générale n'avait été tenue depuis 2004, que M. Y... ne justifiait d'aucun acte de gestion et ne présentait aucun compte, que la propriété, unique actif de la SCI n'était pas entretenue depuis plusieurs années, que le bâtiment principal était en mauvais état intérieur et qu'il existait d'importantes dégradations et retenu qu'il n'existait, depuis le décès de M. Marcel Y..., aucune entente entre les associés s'agissant des décisions à prendre en vue de l'administration, la mise en valeur ou même l'entretien courant du patrimoine composant l'actif de la SCI et que cette situation qui caractérisait la perte de toute " affectio societatis " ne pouvait conduire qu'à la détérioration et à la dévalorisation de cet actif, la cour d'appel a légalement justifié sa décision en retenant qu'il existait de justes motifs permettant l'autorisation de retrait ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, qui est recevable :
Vu les articles 1843-4 et 1869 du code civil ;
Attendu que dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible ;
Attendu que pour ordonner une expertise avec pour mission de déterminer la valeur des droits sociaux détenus par Mmes Y...- Z..., l'arrêt retient que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a ordonné une expertise conformément aux dispositions des articles 1869 et 1843-4 du code civil, aucun accord n'étant intervenu entre les parties sur la valeur des droits sociaux ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le pouvoir de désigner un expert chargé de l'évaluation des droits sociaux en vertu des dispositions de l'article 1843-4 du code civil appartient au seul président du tribunal, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne une expertise, l'arrêt rendu le 27 mai 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;
Condamne Mmes Y...- Z... aux dépens du présent arrêt ;
Dit n'y avoir lieu à modifier la condamnation aux dépens prononcée par les juges du fond ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils pour M. Max Y... et la société Domaine de Champigny
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir autorisé le retrait de Mme Conception X... , veuve Y..., et de Mme Claire Y..., épouse Z..., de la Sci Domaine de Champigny ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le retrait d'un associé d'une société civile peut être autorisé pour justes motifs ; qu'il résulte des pièces produites que dès le 22 décembre 1997, Monsieur Marcel Y..., gérant de la SCI, étant décédé le 19 septembre 1996, le Centre Comptable, société d'expertise comptable, écrivait à Madame Claire Z... " Nous sommes navrés de constater que la situation au sein de la Sa du Domaine de Champigny soit à ce point figée, qu'aucune décision ne semble avoir été prise malgré les multiples réunions tenues entre associés-au cours desquelles toutes solutions possibles avaient été envisagées. De plus nous n'avons pas eu de réponse à nos courriers du 2 octobre dernier de la part de vos co-associés, ce qui ne permet pas la régularisation du dossier notamment concernant la désignation de la gérance... " ; que certes, à la suite de l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la SC1 Domaine de Champigny par jugement du tribunal de grande instance de Dijon du 6 décembre 2002, Mesdames Z... et Y... X... ont donné pouvoir à chacun de leurs deux co-associés pour les représenter à l'assemblée générale du 5 avril 2004, Maitre B..., désigné comme administrateur judiciaire, ayant été chargé de convoquer une telle assemblée aux fins de désignation d'un nouveau gérant suite au décès de Monsieur Marcel Y... ; qu'elles n'étaient toutefois pas présentes personnellement à cette assemblée et qu'elles expliquent ne pas s'être opposées à la désignation de Monsieur Max Y... au poste de gérant en raison de la procédure en cours ; que par ailleurs il n'est pas contesté que Monsieur Max Y... a réglé le passif de la SCI et que par jugement du 7 mai 2004, le tribunal de grande instance de Dijon a constaté l'extinction du passif et a prononcé la clôture de la procédure de redressement judiciaire de la SCI Domaine de Champigny ; que la demande de retrait est en date du 12 juillet 2004 ; qu'il est constant qu'aucune autre assemblée générale n'a été tenue depuis celle du 5 avril 2004 ; que Monsieur Max Y... ne justifie d'aucun acte de gestion et ne présente aucun compte ; qu'il résulte de l'expertise diligentée par ordonnance de référé en date du 8 février 2005, rendue à la requête des deux intimées, que la propriété qui constitue le Domaine de Champigny, unique actif de la SCI, n'est pas entretenue depuis de nombreuses années ; que seule la maison d'habitation des gardiens est occupée par les époux C...en contrepartie du gardiennage ; que le bâtiment principal, appelé " château ", se trouve en mauvais état général intérieur et qu'il existe d'importantes dégradations ; » que les autres dépendances ne sont ni habitées ni entretenues ; que seuls 13 ha 80 de parcelles sont loués sur un total de 24 ha 79 a ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments qu'il n'existe manifestement, depuis lé décès de Monsieur Marcel Y..., aucune entente entre les associés s'agissant des décisions à prendre en vue de l'administration et de la mise en valeur ou même simplement de l'entretien courant du patrimoine composant l'actif de la SCI ; que cette situation, qui caractérise la perte de tout affectio societatis, ne peut conduire qu'à la détérioration et à la dévalorisation de cet actif ; que le tribunal a donc constaté : à bon droit et par des motifs que la cour adopte, l'existence de justes motifs permettant d'autoriser Mesdames Z... et Y..., X... à se retirer de la société ; que la décision déférée doit donc être entièrement confirmée, notamment en ce qu'elle a ordonné une expertise conformément aux dispositions des articles 1869 et 1843-4 du code civil, aucun accord n'étant intervenir entre les parties sur la valeur des droits sociaux ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il résulte des éléments de la cause que par Madame Conception X... veuve Y... et Madame Claire Y... épouse Z... sont titulaires de parts sociales au sein de la SCI Domaine de Champigny ; que l'article 1869 du code Civil énonce que sans préjudice des droits des tiers, un associé peut se retirer totalement ou partiellement de la société dans les conditions prévues par les statuts ou à défaut après autorisation donnée par une décision unanime des autres associés, retrait pouvant également être autorisé pour juste motif par une décision de justice ; que l'alinéa 2 de l'article susvisé ajoute que à moins qu'il ne soit fait application de l'article 1844-9 alinéa 3, l'associé qui se retire a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux fixée, à défaut d'accord amiable, conformément à l'article 1843-4 du code civil ; que l'article 15 des statuts de la SCI Domaine de Champigny prévoit qu'un associé, sans préjudice des droits des tiers, peut se retirer totalement ou partiellement de la société sans l'accord unanime des coassociés, pris dans le cadre d'une assemblée ; que la demande de retrait peut être notifiée par courrier recommandé avec demande d'avis de réception à la société et à chacun des associés trois mois avant la date d'effet et que le retrait peut également être autorisé pour justes motifs par décision du Tribunal de Grande Instance ; qu'il importe de relever que par courrier recommandé en date du 12 juillet 2008 par Madame Conception X... veuve Y... et Madame Claire Y... épouse Z... ont notifiés aux autres associés ainsi qu'au gérant de la SCI Domaine de Champigny leur intention de se retirer de ladite société civile ; qu'il y a lieu de constater que l'article 15 des statuts de la SCI Domaine de Champigny n'a pas prévu que la demande de retrait par décision de justice impliquait une offre préalable faite par l'associé qui se retire aux autres associés de leur céder ses parts sociales ; qu'il apparaît en outre que les demanderesses n'ont pas obtenu la communication des éléments de comptabilité par la SCI Domaine de Champigny et qu'elles n'ont de ce fait pas été en mesure d'entreprendre une négociation amiable portant sur la valeur et le prix de cession de leurs parts sociales ; qu'il y a lieu de déclarer Madame Conception X... veuve Y... et Madame Claire Y... épouse Z... recevables en leurs demandes ; que s'il est vrai qu'en outre Claire Y... épouse Z... avait envisagé, tel que cela ressort d'un courrier en date du 22 décembre 1997 son retrait de la SCI Domaine de Champigny il n'en demeure pas moins qu'elle n'y a donné aucune suite ; qu'il résulte cependant du courrier susvisé adressé par le centre comptable à Madame Claire Z... que la situation au sein de la SC1 Domaine de Champigny " est figée " ; qu'il est constant qu'un jugement du Tribunal de Grande Instance de Dijon du 6 décembre 2002 a prononcé le redressement judiciaire de la SCI Domaine de Champigny et qu'un jugement de ce même Tribunal en date du 7 ami 2004 a prononcé la clôture de la procédure de redressement judiciaire de ladite société ; qu'il est constant que Monsieur Max Y... a été désigné à la suite de la tenue d'une Assemblée générale extraordinaire de la SCI Domaine de Champigny en date du 5 avril 2004 en qualité de gérant alors que le précédent gérant Monsieur Marcel Y... est décédé en 1996 ; qu'il apparaît que par Madame Conception X... et Madame Claire Z... ne se sont pas opposées à la désignation de Monsieur Max Y... en qualité de gérant et qu'elles ont donné un pouvoir à ce dernier et à Madame Michèle A... pour les représenter lors de l'assemblée générale de la SCI Domaine de Champigny, dans le but d'éviter la liquidation judiciaire de ladite société ; que la SCI Domaine de Champigny, Monsieur Max Y... et Madame Michèle A... ne sauraient dès lors soutenir que le mandat donné à leurs co-associés afin de permettre la désignation d'un nouveau gérant de la SCI révèle une entente entre associés et l'existence de l'affectio societatis ; qu'il s'avère qu'aucune assemblée générale de la SCI Domaine de Champigny n'a été convoquée et tenue depuis le décès de Monsieur Marcel Y... en 1996 jusqu'au 05 avril 2004 ; que les demanderesses n'ont pas été informées de la situation comptable de ladite société, et que le gérant de la SCI Monsieur Max Y... n'a pas donné de réponse à la demande de retrait de la SCI effectuée par Madame Conception X... et Madame Claire Z... par courrier recommandé du 12 juillet 2008 ; qu'il résulte du rapport d'expertise établi le 15 avril 2008 par Monsieur René D...que les immeubles appartenant à la SCI Domaine de Champigny peuvent être évalué à la somme de 340. 000 , que le château principal d'une surface de 913. 13m2 est inhabitable en l'état et que de nombreux travaux de réfection doivent être réalisés, que seule la maison d'habitation mise à disposition des époux C...en contrepartie du gardiennage de la propriété est occupée, que le troisième bâtiment d'habitation du domaine le Château de Champigny d'une surface de 479, 30 m2 n'est ni habité ni entretenu que le parc du Château n'est également pas entretenu et que seuls 13 hectares 80 ares de parcelles font l'objet d'un bail à ferme alors que la propriété compte 24 hectares 79 ares et 96 centiares ; qu'il est indéniable qu'il existe des divergences entre les associés sur la gestion, l'administration et la mise en valeur du patrimoine de la SCI Domaine de Champigny ; qu'il y a lieu au vu des développements susvisés de constater qu'il existe une mésentente grave entre les associés et de justes motifs pour Madame Conception X... veuve Y... et Madame Claire Y... épouse Z... de se retirer de la SCI Domaine de Champigny ; qu'il convient dès lors d'autoriser le retrait, en application de l'article 1869 du code civil, de ces dernières de la SCI Domaine de Champigny ; qu'il est opportun en vertu des dispositions de l'article 1843-4 du code civil d'ordonner une expertise confiée à Monsieur Christophe H... demeurant ... lequel aura pour mission de fournir tous éléments, de nature à permettre au Tribunal de déterminer la valeur des droits sociaux détenus respectivement par Madame Conception X... veuve Y... et Madame Claire Y... épouse Z... au sein de la SC1 Domaine de Champigny ;
ALORS QUE le retrait d'un associé peut être autorisé pour justes motifs par une décision de justice ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, sans caractériser un juste motif de retrait de Mmes Conception X..., veuve Y..., et Claire Y..., épouse Z..., de la Sci Domaine de Champigny, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1869 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir ordonné une expertise, confiée à M. Christophe H..., avec pour mission de déterminer la valeur des droits sociaux détenus respectivement par Mme Conception X... veuve Y... et Mme Claire Y... épouse Z..., au sein de la Sci Domaine de Champigny ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la décision déférée doit être entièrement confirmée, notamment en ce qu'elle a ordonné une expertise conformément aux dispositions des articles 1869 et 1843-4 du code civil, aucun accord n'étant intervenu entre les parties sur la valeur des droits sociaux ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il est opportun en vertu des dispositions de l'article 1843-4 du code civil d'ordonner une expertise confiée à M. Christophe H..., demeurant ..., lequel aura pour mission de fournir tous éléments, de nature à permettre au tribunal de déterminer la valeur des droits sociaux détenus respectivement par Mme Conception X... veuve Y... et Mme Claire Y... épouse Z... au sein de la Sci Domaine de Champigny ;
1°) ALORS QU'à moins qu'il ne soit fait application de l'article 1844-9 (3ème alinéa), l'associé qui se retire a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux, fixée, à défaut d'accord amiable, conformément à l'article 1843-4 du code civil ; que dans tous les cas où sont prévu la cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du premier président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, le pouvoir de désigner un expert chargé de l'évaluation des droits sociaux appartenant au seul président du tribunal, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs, au regard des articles 1843-4 et 1869 du code civil ;
2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la mise en oeuvre des dispositions de l'article 1843-4 du code civil, en ce qu'elles prévoient la détermination de la valeur des droits sociaux par un expert, est subordonnée à la constatation d'une contestation sur le prix de retrait ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, sans constater l'existence d'une contestation sur la détermination de la valeur des parts sociales de Mmes Z... et X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1843-4 et 1869 du code civil.
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Société civile
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.