par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 4 mai 2012, 11-15617
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
4 mai 2012, 11-15.617

Cette décision est visée dans la définition :
Prescription




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon les arrêts attaqués, que se prétendant créancière à l'égard de la société Hôtel les Arbousiers d'une certaine somme, la SCI Résidence des Sables l'a assignée en paiement, par acte du 29 décembre 2008 ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 2248 du code civil, dans sa rédaction alors applicable ;

Attendu que la prescription est interrompue par la reconnaissance que le débiteur ou son mandataire fait du droit de celui contre lequel il prescrivait ;

Attendu que pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action engagée par la SCI Résidence des Sables, l'arrêt, après avoir relevé que l'inscription de la créance litigieuse au passif des bilans de la société Hôtel les Arbousiers ne pouvait emporter, à elle seule, reconnaissance de la dette, énonce que la lettre de son expert-comptable du 17 mai 2005 établit la reconnaissance par la société du droit de la SCI Résidence des Sables en sorte que le délai de prescription a été interrompu à cette date ;

Qu'en statuant ainsi, alors que pour interrompre la prescription, la reconnaissance doit émaner du débiteur ou de son mandataire et que l'expert-comptable n'est ni le mandataire ni le préposé de son client auquel il est lié par un contrat de louage d'ouvrage, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le second moyen :

Et attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation intervenue sur le premier moyen entraîne la cassation de la disposition critiquée par le second moyen, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en la disposition déboutant la SCI Résidence des Sables de sa demande d'indemnisation pour résistance abusive et injustifiée, les arrêts rendus le 20 juillet 2010 et le 3 janvier 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;

Condamne la SCI Résidence des Sables aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCI Résidence des Sables, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Hôtel les Arbousiers ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille douze et signé par M. Charruault, président et par Mme Laumône, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Blondel, avocat aux Conseils pour la société Hôtel les Arbousiers.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché au premier arrêt attaqué (Reims, 20 juillet 2010) d'avoir déclaré recevable, comme non prescrite, l'action de la SCI RESIDENCE DES SABLES ;

AUX MOTIFS QU'à l'appui de ses prétentions tendant à l'infirmation du jugement déféré, la SARL HOTEL LES ARBOUSIERS soulève, sur le fondement de l'article 122 du Code de procédure civile, une fin de non-recevoir tirée de l'acquisition de la prescription de l'article L 110-4 du Code de commerce et de l'article 2224 du Code civil ; que l'obligation dont le paiement est poursuivi et qui, selon les indications fournies par les parties, est née en 1996, constitue de toute évidence une créance entre commerçant et non-commerçant soumise à la prescription alors décennale de l'article L 110-4 du Code de commerce ; que l'instance a été introduite après l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 laquelle conduit à une réduction de la prescription qui a été ramenée à cinq ans ; qu'en vertu de l'article 26 de cette loi, cette dernière s'applique aux prescriptions à compter du jour de son entrée en vigueur sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'en application de l'article 2248 ancien du Code civil, la prescription est interrompue par la reconnaissance que le débiteur ou le possesseur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait ; que si l'inscription de la créance au passif des bilans de la SARL HOTEL LES ARBOUSIERS depuis son origine ne peut valoir à elle seule reconnaissance de la dette, il en va différemment lorsque cette inscription est accompagnée de commentaires devant s'analyser en une reconnaissance de la dette ; que les bilans de la SARL HOTEL LES ARBOUSIERS versés aux débats des exercices clos les 31 mars 2003, 31 mars 2006 et 31 mars 2007 font en effet tous apparaître au passif, sous la rubrique « autres dettes », la créance dont la SCI RESIDENCE DES SABLES poursuit le paiement ; qu'en réponse à une demande de la SCI RESIDENCE DES SABLES, l'expert-comptable de la SARL HOTEL LES ARBOUSIERS écrivait le 17 mai 2005 une lettre dont les termes n'ont pas été contredits par cette dernière et qui établissaient une reconnaissance par le débiteur du droit de la SCI RESIDENCE DES SABLES ; que la S.A. KPMG écrivait en effet: « (...) Concernant le remboursement du compte-courant de la SCI LES SABLES, nous ne sommes pas en mesure ni en responsabilité de vous donner une quelconque date de remboursement. Nous pouvons juste vous assurer que ce compte courant figure toujours au passif de la SARL comme vous pourrez le constater dans les documents joints. Nous avons pris bonne note que vous aviez demandé au gérant de la société LES ARBOUSIERS le remboursement « rapide et intégral » de la créance de la SCI, ce qui est une démarche normale à suivre dans ce cadre. C'est en effet à lui qu'il appartient de vous répondre sur les possibilités et les modalités d'un remboursement par la société » ; qu'il ressort des développements suivants de l'expert-comptable que c'est la situation financière de la débitrice qui ne lui permettait pas de payer sa dette ; que la S.A. KPMG indique en effet que : « A défaut de recapitalisation ou d'apport en compte-courant de la part des associés de la SARL à proportion de leur part, nous serons contraints, en raison de votre demande, de faire procéder à la déclaration de cessation des paiements auprès du Tribunal de commerce (...) » ; qu'il s'ensuit que la prescription, alors décennale, ayant été interrompue à tout le moins le 17 mai 2005 par la reconnaissance du droit de la SCI RESIDENCE DES SABLES et l'assignation ayant été délivrée le 29 décembre 2008, l'action de cette dernière doit être déclarée recevable ;

ALORS QUE la reconnaissance du droit de celui contre lequel la prescription est invoquée n'est interruptive de prescription que si elle émane du débiteur lui-même ou de son représentant ; que l'expert-comptable étant lié à son client par un contrat de louage d'ouvrage, et non par un contrat de mandat, il ne peut être regardé comme le représentant de celui-ci ; qu'en faisant néanmoins produire un effet interruptif de prescription à la reconnaissance de dette prétendument contenue dans une lettre du 17 mai 2005, qui émanait, non de la SCI RESIDENCE DES SABLES elle-même, mais de son expert-comptable, la société KPMG, la Cour viole les articles 1984 du Code civil et 2248, devenu 2240, du même Code.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est reproché au second arrêt attaqué (Reims, 3 janvier 2011) d'avoir condamné la société HOTEL LES ARBOUSIERS à payer à la SCI RESIDENCE DES SABLES la somme principale de 170.020,97 euros ;

AUX MOTIFS QUE la SARL HOTEL LES ARBOUSIERS ne conteste pas l'existence de la créant invoquée par la SCI RESIDENCE DES SABLES, mais soutient qu'elle devrait être compensée avec une indemnité de résiliation des baux dont la SCI RESIDENCE DES SABLES s'est exonérée ; que la SARL HOTEL LES ARBOUSIERS ne peut cependant pas prétendre à la compensation qu'elle invoque dès lors que la créance dont elle se prévaut à l'encontre de la SCI RESIDENCE DES SABLES - mais qu'elle ne chiffre pas - ne répond pas aux conditions d'exigibilité et de liquidité posées par l'article 1291 du Code civil ;

ALORS QUE, D'UNE PART, la cassation à intervenir du premier arrêt attaqué (Reims, 20 juillet 2010) entraînera l'annulation du second (Reims, 3 janvier 2011), qui en constitue la suite et la conséquence, ce par application de l'article 625 du Code de procédure civile ;


ALORS QUE, D'AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT, seule la compensation légale requiert les conditions de liquidité et d'exigibilité, à la différence de la compensation judiciaire qui peut être ordonnée, si même l'une des créances ne réunit pas encore toutes les conditions requises pour la compensation légale ; qu'aussi bien, dès lors que la société HOTEL LES ARBOUSIERS ne précisait pas dans ses conclusions d'appel le fondement juridique de sa demande tendant à voir opérer compensation entre la créance invoquée par la société RESIDENCE DES SABLES et sa propre créance d'indemnité de résiliation des baux, la Cour d'appel de Reims devait apprécier la demande dont elle était saisie en se plaçant, non seulement sur le fondement des règles gouvernant la compensation légale, mais également sur le fondement des règles gouvernant la compensation judiciaire ; que dès lors, en se bornant à opposer à la société HOTEL LES ARBOUSIERS l'absence de liquidité et d'exigibilité de sa créance, la Cour ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article 1289 du Code civil, ensemble au regard de l'article 12 du Code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Prescription


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.