par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 4 novembre 2015, 14-22630
Dictionnaire Juridique

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Cour de cassation, 1ère chambre civile
4 novembre 2015, 14-22.630

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Mise en état
Recours en annulation (arbitrage)




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 mai 2014), que les consorts X..., héritiers de l'artiste peintre et plasticien du même nom (dit Vasarely), ayant pour conseil Mme Z..., ont conclu en juin 1995 un compromis d'arbitrage avec la Fondation Vasarely, ayant pour conseil M. A..., qui soumettait le litige portant sur les donations consenties par l'artiste et son épouse à la Fondation, à un tribunal arbitral composé de MM. B..., C... et D... ; que celui-ci, statuant en amiable composition, a rendu une sentence le 11 décembre 1995 et une sentence rectificative le 7 février 1996 ; que M. E..., en sa qualité de mandataire ad hoc de la Fondation, a introduit un recours en annulation contre ces sentences ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que Mme F... fait grief à l'arrêt de rejeter les fins de non-recevoir qu'elle a soulevées ;

Attendu que l'arrêt rappelle, à bon droit, qu'il résulte de la combinaison des dispositions des articles 914, alinéa 2, et 916, alinéa 2, du code de procédure civile, applicables au recours en annulation, que les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant, dans le cadre de la compétence exclusive qui lui est dévolue, sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité du recours, ont autorité de chose jugée au principal et, en ce cas, peuvent être déférées par simple requête à la cour d'appel dans les quinze jours de leur date ; que la cour d'appel, qui n'avait pas à inviter les parties à s'expliquer contradictoirement sur un moyen qui était dans le débat, a exactement décidé que l'ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 19 décembre 2013 était revêtue de l'autorité de la chose jugée et devenue irrévocable ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que Mme F... fait grief à l'arrêt d'annuler les sentences arbitrales des 11 décembre 1995 et 7 février 1996, alors, selon le moyen :

1°/ que la simulation suppose l'existence d'une convention secrète destinée à modifier ou annihiler les effets d'un acte ostensible ; qu'ayant admis que les consorts Vasarely étaient recevables et fondés à agir contre la fondation Vasarely en réduction des libéralités, ce dont il résultait que le différend était réel, la cour d'appel, qui s'est bornée à relever, pour affirmer que l'arbitrage était un simulacre, que Mme Vasarely et M. C... se trouvaient en situation de conflit d'intérêts, qu'aucune mesure d'expertise n'avait été organisée pour évaluer les oeuvres de Victor Vasarely et le bâtiment de la fondation Vasarely à Aix-en-Provence, que la référence au prix obtenu lors d'une vente publique à Londres en 1990 n'était pas pertinente ou encore que le seul sachant entendu lors de la procédure était un avocat qui avait déjà défendu les intérêts des héritiers Vasarely, sans constater pour autant l'existence d'un accord secret entre les intervenants à l'arbitrage, destiné à en modifier ou à en annihiler les effets, a statué par des motifs impropres à caractériser la simulation retenue, privant sa décision de base légale au regard de l'article 1321 du code civil et de l'article 1484-6° du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable en la cause ;

2°/ qu'en outre, la simulation n'est pas en soi une cause de nullité ; qu'elle n'est illicite que si elle est l'instrument d'une fraude à la loi ; que la cour d'appel, qui s'est bornée à affirmer, pour retenir l'existence d'un concert frauduleux entre les intervenants à l'arbitrage, qu'ils avaient cherché à échapper à l'avis impartial d'experts du marché de l'art dans le dessein de favoriser les consorts Vasarely au détriment de la fondation Vasarely, sans constater que les oeuvres de Victor Vasarely ou le bâtiment de la fondation Vasarely à Aix-en-Provence avaient été surévalués par les sentences arbitrales, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser la fraude retenue, privant sa décision de base légale au regard de l'article 1321 du code civil, de l'article 1484-6°du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable en la cause, et du principe fraus omnia corrumpit ;

3°/ que la sentence arbitrale du 11 décembre 1995, énonce, dans ses motifs, qu'elle se fonde, pour évaluer les oeuvres en bon état, sur la cote officielle établie par Victor Vasarely entre 1971 et 1990, corroborée par les prix de vente réels résultant des ventes publiques de la même période, selon une valeur au point inversement proportionnelle à la taille des oeuvres (motifs p. 5 ; dispositif, p 15) et, pour les oeuvres en mauvais état, sur les valeurs résultant de l'expertise de M. G..., qui a précisément porté sur des oeuvres en mauvais état (motifs, p. 5 ; dispositif, p. 16) ; qu'en affirmant, pour corroborer l'hypothèse de la fraude et faire droit au recours en annulation, que le tribunal arbitral aurait retenu, pour évaluer les oeuvres de Victor Vasarely, un point de valeur dégagé par extrapolation à partir de la ventes de tableaux de Victor Vasarely effectuées en 1990 à Londres et appliqué à la totalité des oeuvres, et n'aurait tenu compte ni de leur état, ni de leur format, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la sentence précitée, en violation de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu, qu'ayant retenu que les conditions dans lesquelles l'arbitrage avait été décidé, organisé et conduit en faisaient un simulacre de procédure mise en place par les héritiers de l'artiste pour favoriser leurs intérêts au détriment de ceux de la Fondation, la cour d'appel a pu, hors toute dénaturation, en déduire l'existence d'une fraude à l'arbitrage contraire à l'ordre public ; que le moyen n'est pas fondé ;



PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme F... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme F... à payer les sommes de 1 500 euros à M. A... et de 3 000 euros à M. E..., ès qualités, et rejette les autres demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mme F....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les fins de non-recevoir soulevées par Mme Vasarely,

AUX MOTIFS QUE Mme F... oppose à l'action principale de M. E... les fins de non-recevoir tirées, de première part, de la prescription, de deuxième part, de l'absence d'ouverture de cette voie de recours en l'état de l'acquiescement de la fondation à la sentence, de troisième part, de l'application du principe de concentration des moyens, de l'unicité de l'instance et de l'autorité de la chose jugée, de quatrième part, de l'absence d'intérêt et de qualité à agir de M. E... ; que, toutefois, il résulte de la combinaison des dispositions des articles 914, alinéa 2, et 916, alinéa 2, du code de procédure civile, en leur rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 2011, applicables en matière d'arbitrage, que les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant, dans le cadre de la compétence exclusive qui lui est dévolue, sur la recevabilité du recours, ont autorité de chose jugée au principal et, en ce cas, peuvent être déférées par simple requête à la cour d'appel dans les quinze jours de leur date ; qu'en l'espèce, l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 19 décembre 2013, qui a statué sur la recevabilité du recours en annulation formé par M. E... es-qualités, est revêtue de l'autorité de la chose jugée et est devenue irrévocable, en sorte que les fins de non-recevoir soulevées ne peuvent qu'être rejetées, peu important à cet égard, au regard de la compétence exclusive dictée par les textes susvisés, que certaines d'entre elles n'aient pas été soumises au conseiller de la mise en état ;

1°/ ALORS QUE l'ordonnance du conseiller de la mise en état statuant sur la recevabilité du recours en annulation formé contre une sentence arbitrale n'a l'autorité de la chose jugée au principal et ne peut être déférée à la cour d'appel que si elle met fin à l'instance ; qu'en retenant, pour refuser d'examiner les fins de nonrecevoir rejetées par le conseiller de la mise en état, que l'ordonnance du 19 décembre 2013, en tant qu'elle statuait sur la recevabilité du recours en annulation, était revêtue de l'autorité de la chose jugée au principal et aurait dû lui être déférée par voie de requête, bien que cette ordonnance n'ait pas mis fin à l'instance, la cour d'appel a violé les articles 775 et 907 du code de procédure civile par refus d'application, ensemble les articles 914, alinéa second, et 916, alinéa second, du même code, par fausse application ;

2°/ ALORS QUE, si le conseiller de la mise en état est investi d'une compétence exclusive pour trancher toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel formé contre une sentence arbitrale, les fins de non-recevoir tirées de l'irrecevabilité du recours en annulation peuvent en revanche être soumises à la formation collégiale de la cour d'appel ; qu'en retenant, pour refuser d'examiner la fin de non-recevoir tirée du caractère tardif du recours en annulation, qui n'avait pas été soumise au conseiller de la mise en état, que ce dernier jouissait à son égard d'une compétence exclusive, la cour d'appel a violé l'article 914, alinéa 1er, du code de procédure civile par fausse application ;

3°/ ALORS QU' en toute hypothèse, la cour d'appel, qui a soulevé d'office le moyen tiré de l'article 914, alinéa 1er, du code de procédure civile, sans provoquer les observations des parties, a violé l'article 16 du même code.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé les sentences arbitrales des 11 décembre 1995 et 7 février 1996, AUX MOTIFS QUE, si le requérant fonde son recours en annulation sur les dispositions de l'article 1492 du code de procédure civile dans leur rédaction issue du décret du 13 janvier 2011 portant réforme de l'arbitrage, il convient de relever que la sentence arbitrale ayant été rendue le 11 décembre 1995, le recours doit être examiné par référence aux dispositions de l'article 1484 ancien du code de procédure civile ; que, sur le moyen d'annulation tiré de la contrariété à l'ordre public (article 1492-5° du code de procédure civile, en réalité article 1484-6° ancien dudit code), M. E..., ès-qualités, soutient que l'arbitrage est frauduleux pour être fictif et simulé, dans la mesure où « Mme F... et les consorts X... ont, à dessein, et dans le but de s'approprier des oeuvres dont la propriété était acquise à la fondation Vasarely, imaginé de recourir à une procédure d'arbitrage fictive à laquelle les arbitres et les conseils ont apporté un concours actif et nécessaire », ce dont témoignerait, selon lui, « l'existence d'un pacte préalable à la procédure d'arbitrage prévoyant par anticipation le partage et la rémunération des intervenants » ; qu'il est constant et d'ailleurs non contesté que les héritiers de Claire H..., épouse Vasarely, se sont prévalus d'une atteinte portée à leur réserve héréditaire par l'effet des libéralités consenties sous forme d'oeuvres de Victor Vasarely à la fondation Vasarely en sus de sa dotation initiale lors de sa constitution, pour enrichir son fonds et financer ses frais d'exploitation ; que la question de l'atteinte portée à la réserve héréditaire, après avoir été évoquée lors de la réunion du conseil d'administration du 24 avril 1995 au cours de laquelle le droit revendiqué par les héritiers devait être reconnu légitime par le président de la fondation, M. André I..., lequel devait d'ailleurs, au cours de cette séance, démissionner de ses fonctions pour être remplacé aussitôt par Mme F..., a été à nouveau portée à l'ordre du jour de la réunion du conseil d'administration du 16 juin 1995 (point n° 5) ; que, lors de cette séance, le conseil a débattu du mode de résolution de ce différend ; qu'invité à se prononcer, le conseil a voté majoritairement en faveur de l'arbitrage, donné pouvoir à sa présidente de signer en son nom un compromis d'arbitrage dont il a préalablement approuvé le texte qui lui était soumis et accepté expressément la désignation en qualité d'arbitres, d'une part, par la fondation, de M. Pierre C... et, d'autre part, par les consorts X..., de M. Marc B... ; qu'aux termes du compromis qui réservait aux arbitres, dès acceptation de leur mission, de procéder à la désignation d'un troisième arbitre, ce qu'ils ont fait en la personne de M. Didier D..., ceux-ci avaient mission, d'une part, à la demande des héritiers X..., de « constater et d'ordonner la réduction des donations faites en violation de leurs droits », d'autre part, à la demande de la fondation, « d'arrêter les comptes définitifs entre les parties des donations et réductions éventuelles » et « d'aménager les éventuelles réductions de donations, de telle sorte qu'elle la fondation puisse poursuivre utilement son objet » ; que, s'il ne peut être contesté, ce qu'aucune des parties ne fait au demeurant, que, dans la mesure où aucun acte de disposition ne peut modifier les droits que les héritiers réservataires tiennent de la loi, les héritiers de Claire H... étaient recevables et bien fondés à exercer l'action en réduction prévue par l'article 922 du code civil, dès lors que les libéralités consenties par cette dernière excédaient de fait la quotité disponible, il résulte toutefois des conditions mêmes dans lesquelles I'arbitrage a été décidé, organisé et conduit, que celui-ci doit être regardé comme participant d'un simulacre mis en place par les héritiers X... pour favoriser leurs intérêts au détriment de ceux de la fondation ; qu'en effet, il doit être relevé, d'une part, que la fondation a accepté de recourir à l'arbitrage alors qu'elle était présidée par Mme Michèle F..., qui l'a représentée tout au long de la procédure arbitrale, alors qu'épouse de l'un des héritiers réservataires, M. Jean-Pierre X..., et bénéficiaire par ailleurs, suivant convention du 1er août 1995, d'un mandat rémunéré reçu d'André X..., Henriette X... et Jean-Pierre X..., « de gérer, administrer et disposer dans leur intérêt exclusif de l'ensemble des oeuvres de Victor Vasarely qu'ils détiennent ou seront amenés à détenir pour quelques raisons que ce soit », et antérieurement investie par Victor Vasarely d'un mandat similaire, d'ailleurs rappelé dans le pacte du 1er août 1995, ses intérêts étaient inséparables de ceux d'André X..., Jean-Pierre X... et Victor Vasarely, parties demanderesses à l'instance arbitrale ; qu'une telle situation caractérisée de conflit d'intérêts ne pouvait se satisfaire d'une simple déclaration de l'intéressée disant sa détermination, « bien que mariée à l'un des ayantsdroit », à défendre « les intérêts de l'institution », la fondation n'étant pas à même, dans une telle occurrence, de défendre efficacement et en toute indépendance ses intérêts à l'égard des ayants droit de ses fondateurs ; que, par ailleurs, la fondation a choisi de désigner ellemême pour arbitre M. C..., dont il n'est pas contesté qu'il était le notaire de la famille Vasarely, avait reçu l'acte de constitution de la fondation, ainsi que l'ensemble des actes de donations successives consenties à la fondation par les époux Vasarely, avait établi la déclaration de succession de Claire H... et était membre du conseil d'administration de la fondation depuis l'origine, alors que l'objet de l'arbitrage étant de déterminer l'assiette du droit de réduction que les héritiers étaient fondés à exercer à l'encontre de la fondation, celui-ci imposait, sauf à méconnaître la condition d'impartialité consubstantielle à l'arbitrage, d'exclure la désignation d'un arbitre qui, par ses différentes qualités, avait été associé à la mise en oeuvre des actes ayant précisément concouru au différend soumis aux arbitres ; que, dans ces conditions, la circonstance que les deux parties au compromis, savoir la fondation, d'une part, les consorts X..., d'autre part, ont indiqué expressément accepter cette nomination, ne voulant pas considérer les qualités de M. C... « comme cause de récusation », loin de constituer un motif de validation de sa nomination, doit être regardée au contraire comme participant du processus frauduleux mis en place ; que l'existence de la fraude trouve une nouvelle confirmation dans le fait que le tribunal arbitral, alors même que la solution du litige qui imposait de valoriser une très importante quantité d'oeuvres d'art qui nécessitait une connaissance approfondie de ce marché spécifique, s'est abstenu, alors même qu'aucun de ses membres n'était qualifié en ce domaine, M. C... étant notaire, M. B... architecte et M. D... avocat, conseil en droit des sociétés, de recourir à l'avis d'un expert, ayant, pour déterminer la valeur des donations, retenu un point de valeur dégagé par extrapolation, à partir de ventes de tableaux de Victor Vasarely effectuées en 1990 et appliqué à la totalité des oeuvres objets des donations, sans distinction et sans pondération pour tenir compte de leur état, de leur qualité, de leur format et du temps nécessaire d'écoulement sur le marché ; qu'il doit être relevé, à cet égard, que si les ventes intervenues en 1990 ne sont pas autrement identifiées, il s'agit nécessairement, par référence à la pièce n° 30 remise par l'avocat des consorts X... au tribunal arbitral, de la vente publique de deux tableaux à Londres au mois d'avril 1990, ce qui ne pouvait constituer un échantillonnage suffisant à dégager une cote ayant vocation à être appliquée à la totalité des oeuvres, au surplus hétérogènes, alors surtout que le tribunal arbitral décidait d'écarter la valeur moins favorable résultant de l'expertise G..., sollicitée par les héritiers X... eux-mêmes en vue de l'établissement de la déclaration de succession de Claire H... ; que, dans ces conditions, la circonstance mise en avant par le tribunal arbitral « qu'aucune des parties (...) ne peut assumer les coûts d'une expertise exhaustive de l'ensemble des donations faites à la fondation Vasarely » et qu'« une telle expertise serait nécessairement polémique compte tenu des difficultés à y procéder », loin de constituer un fait justificatif admissible, est un indice supplémentaire du choix concerté de l'ensemble des intervenants à la procédure arbitrale d'échapper à l'avis impartial d'experts du marché de l'art, dans le dessein de favoriser au détriment de la fondation, les intérêts des héritiers X... ; que la réalité de cette connivence se trouve encore renforcée par le fait que la fondation, non seulement, s'est abstenue de solliciter une mesure d'expertise, mais est venue affirmer que les pièces produites par les consorts X... pour valoriser les donations étaient « crédibles, s'agissant de valeurs établies par des tiers à la présente instance », alors qu'ainsi qu'il a été dit, le prix obtenu par deux oeuvres en vente publique à Londres au mois d'avril 1990 ne pouvait être considéré comme un critère pertinent d'estimation ; que, de la même manière, alors qu'il lui incombait de déterminer la valeur du bâtiment de plus de 4 000 m2 abritant la fondation à Aix-en-Provence et que les parties disaient ne pas s'accorder sur cette valeur, sans pour autant solliciter une mesure d'expertise ou fournir des éléments objectifs d'appréciation, le tribunal arbitral n'a, pour la fixer à 20.000 francs le mètre carré, recouru à aucun avis technique et ne s'est référé ni à une méthode de calcul, ni à des termes de comparaison, se bornant à indiquer, de manière lapidaire, tirer « des faits soumis (à son) appréciation, des éléments suffisants » ; qu'il n'est pas sans intérêt de relever également que le seul sachant entendu par le tribunal arbitral le 15 novembre 1995, motif pris de « sa compétence en matière de droit des associations et des fondations », a été M. Yann Streiff, avocat qui, présent lors de la réunion du conseil d'administration de la fondation lors de sa réunion du 16 juin 1995, était chargé par ailleurs, par les héritiers X..., de la défense de leurs intérêts auprès de l'administration fiscale et dont la très grande proximité avec Mme F... est révélée par le courrier qui lui a été adressé par cette dernière le 30 avril 1999 dans lequel elle le qualifie « d'allié et bien plus » et rappelle qu'après avoir « traversé les années difficiles », leur « route en commun se dirige vers un horizon plus serein et par là même plus porteur de bénéfices de toutes sortes » et que les très importants honoraires de ce conseil devaient être réglés sous forme de dation d'oeuvres de Victor Vasarely ; que la décision prise par le conseil d'administration lors de sa séance du 12 février 1996 à la suite d'un vote auquel devaient participer Mme F... en sa qualité de présidente de la fondation, ainsi que M. André X... et M. Jean-Pierre X..., parties à l'arbitrage, de renoncer à interjeter appel de la sentence en dépit des réserves exprimées par certains des représentants des autorités de tutelle, alors même qu'il était constaté que son exécution était de nature à compromettre la pérennité même de l'institution, constitue un indice supplémentaire révélateur d'un arbitrage simulé ; qu'en l'état de ces éléments dont la réunion est suffisante à caractériser le concert frauduleux des parties à l'arbitrage, la sentence doit être annulée ;

1°/ ALORS QUE la simulation suppose l'existence d'une convention secrète destinée à modifier ou annihiler les effets d'un acte ostensible ; qu'ayant admis que les consorts Vasarely étaient recevables et fondés à agir contre la fondation Vasarely en réduction des libéralités, ce dont il résultait que le différend était réel, la cour d'appel, qui s'est bornée à relever, pour affirmer que l'arbitrage était un simulacre, que Mme Vasarely et M. C... se trouvaient en situation de conflit d'intérêts, qu'aucune mesure d'expertise n'avait été organisée pour évaluer les oeuvres de Victor Vasarely et le bâtiment de la fondation Vasarely à Aix-en-Provence, que la référence au prix obtenu lors d'une vente publique à Londres en 1990 n'était pas pertinente ou encore que le seul sachant entendu lors de la procédure était un avocat qui avait déjà défendu les intérêts des héritiers Vasarely, sans constater pour autant l'existence d'un accord secret entre les intervenants à l'arbitrage, destiné à en modifier ou à en annihiler les effets, a statué par des motifs impropres à caractériser la simulation retenue, privant sa décision de base légale au regard de l'article 1321 du code civil et de l'article 1484-6° du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable en la cause ;

2°/ ALORS QU' en outre, la simulation n'est pas en soi une cause de nullité ; qu'elle n'est illicite que si elle est l'instrument d'une fraude à la loi ; que la cour d'appel, qui s'est bornée à affirmer, pour retenir l'existence d'un concert frauduleux entre les intervenants à l'arbitrage, qu'ils avaient cherché à échapper à l'avis impartial d'experts du marché de l'art dans le dessein de favoriser les consorts Vasarely au détriment de la fondation Vasarely, sans constater que les oeuvres de Victor Vasarely ou le bâtiment de la fondation Vasarely à Aix-en-Provence avaient été surévalués par les sentences arbitrales, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser la fraude retenue, privant sa décision de base légale au regard de l'article 1321 du code civil, de l'article 1484-6°du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable en la cause, et du principe fraus omnia corrumpit ;

3°/ ALORS QUE la sentence arbitrale du 11 décembre 1995, énonce, dans ses motifs, qu'elle se fonde, pour évaluer les oeuvres en bon état, sur la cote officielle établie par Victor Vasarely entre 1971 et 1990, corroborée par les prix de vente réels résultant des ventes publiques de la même période, selon une valeur au point inversement proportionnelle à la taille des oeuvres (motifs p. 5 ; dispositif, p 15) et, pour les oeuvres en mauvais état, sur les valeurs résultant de l'expertise de M. G..., qui a précisément porté sur des oeuvres en mauvais état (motifs, p. 5 ; dispositif, p. 16) ; qu'en affirmant, pour corroborer l'hypothèse de la fraude et faire droit au recours en annulation, que le tribunal arbitral aurait retenu, pour évaluer les oeuvres de Victor Vasarely, un point de valeur dégagé par extrapolation à partir de ventes de tableaux de Victor Vasarely effectuées en 1990 à Londres et appliqué à la totalité des oeuvres, et n'aurait tenu compte ni de leur état, ni de leur format, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la sentence précitée, en violation de l'article 1134 du code civil.



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Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Mise en état
Recours en annulation (arbitrage)


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.