par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. crim., 8 décembre 2015, 14-87182
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Cour de cassation, chambre commerciale
8 décembre 2015, 14-87.182
Cette décision est visée dans la définition :
Sécurité sociale
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Lawrence X...,
- La société MATMUT, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 26 septembre 2014, qui, dans la procédure suivie contre le premier des chefs d'homicide involontaire et contraventions au code de la route, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 27 octobre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Schneider, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de Mme le conseiller SCHNEIDER, les observations de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE DE BRUNETON, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général CORDIER;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire commun aux demandeurs, le mémoire en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, 29 et 30 de la loi du 5 juillet 1985, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a condamné M. X... à payer à Mme Y..., épouse Z..., la somme de 792 150,71 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice économique, à Tiphaine Z... la somme de 55 600,79 euros en réparation de son préjudice économique et à Sacha Z... la somme de 63 045,91 euros en réparation de son préjudice économique ;
"aux motifs que, selon l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985, ne donnent lieu à recours subrogatoire que les prestations versées par les organismes, établissements et services gérant un régime obligatoire de sécurité sociale et par ceux qui sont mentionnés aux articles 1106-9, 1234-8 et 1234-20 du code rural, celles énumérées au II de l'article 1er de l'ordonnance 59-76 du 7 janvier 1959, relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques, les sommes versées en remboursement des frais de traitement médical et de rééducation, les salaires et accessoires du salaire maintenus par l'employeur pendant la période d'inactivité consécutive à l'événement qui a occasionné le dommage et les indemnités journalières de maladie et les prestations d'invalidité versées par les groupement mutualistes régis par le code de la mutualité, les institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale ou le code rural et les sociétés d'assurances régis par le code des assurances ; qu'à l'évidence, les rentes d'orphelin et de veuve n'entrent pas dans les prévisions de cet article ; qu'il n'y a donc pas lieu à sursis à statuer ;
"et que, vu la nature aléatoire des revenus d'un homme exerçant une profession libérale, il convient de prendre en considération une moyenne des deux dernières années ; qu'au vu des justificatifs, Pascal Z... a perçu 49 952,00 euros en 2010, et 30 961,00 euros entre le 1er janvier 2011 et son décès, le 15 juin 2011, soit pour l'année entière (30 961/ 5,5 X 12) = 67 551 euros, soit une moyenne de 58 752 euros par an ; que les revenus de Mme Jacqueline Z... s'élèvent à 26 580 euros par an ; que la perte de revenus résultant du décès peut donc se définir :
- revenus annuels de Pascal Z... : 58 752,00 euros ;
- revenus annuels de Mme Jacqueline Z... : 26 580,00 euros ;
- total des revenus du foyer : 85 332 euros ;
- à déduire : la part d'autoconsommation du défunt (20%) : 17 066 euros - à déduire : les revenus de Mme Jacqueline Z... : 26 580 euros, soit la somme de 41 686 euros ; que pour le choix du barème, il est nécessaire de retenir la valeur de l'euro de rente définie comme la somme nécessaire à un organisme de capitalisation pour obtenir une rente annuelle d'un euro, en fonction de l'espérance de vie à un âgé donné et du taux d'intérêts de rémunération du capital ; qu'il convient d'appliquer le barème publié à la gazette du Palais en mars 2013, qui est fondé sur les tables d'espérance de vie les plus récentes et sur un taux d'intérêts de 1,2% proche des conditions économiques du moment et reprend une différenciation par sexe qui tient compte de l'espérance de vie plus élevée chez les femmes ; que l'indice retenu sera donc celui applicable à l'âge de Pascal Z..., 54 ans, à son décès, soit 21,849 ; que le préjudice viager résultant du décès est donc de (41 686 x 21,849) = 910 797,41 euros ; que le préjudice de chacun des enfants sera évalué sur la base de 20% de la perte annuelle, capitalisé selon l'indice à 25 ans applicable à leur âge et à leur sexe lors du décès ; qu'ainsi il revient :
- à Sacha Z... : 41 868 x 20% x 7,562 : 63 045,91 euros ;
- à Tiphaine Z... : 41 868 x 20% x 6,669 : 55 600,79 euros ;
- que le préjudice de Mme Jacqueline Z... sera indemnisé par le solde, soit 910 797,41 ¿ 63 045,91 ¿ 55 600,79 = 792 150,71 euros ;
"1°) alors que, selon le 1er alinéa de l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985, ouvrent droit à recours subrogatoire, et dès lors doivent être imputées sur l'indemnité mise à la charge du tiers responsable, toutes les prestations sans distinction versées en conséquence du fait dommageable par les organismes, établissements et services gérant un régime obligatoire de sécurité sociale ; que la CIPAV est le régime de base obligatoire de sécurité sociale auquel sont affiliés les travailleurs des professions libérales, autres que les avocats, et notamment les architectes ; qu'en jugeant qu'il n'y avait pas lieu d'imputer sur le préjudice des victimes par ricochet le montant des rentes de veuve et d'orphelin qui leur sont versées par la CIPAV, auquel la victime était affiliée, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
"2°) alors que, en toute hypothèse, si les juges du fond apprécient souverainement le préjudice causé par une infraction, il ne saurait en résulter pour la victime ni perte ni profit ; que la pension de réversion ne peut, sans qu'il en résulte un avantage indu pour les ayants droit de la victime, être écartée du calcul des revenus du foyer postérieurs au décès de celle-ci ; qu'en évaluant le montant du préjudice économique de Mme Z... et de Sacha et Tiphaine Z... sans prendre en compte la pension de réversion anticipée perçue par la veuve, pour évaluer les revenus du foyer postérieurement au décès, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
"3°) alors que, en toute hypothèse, si les juges du fond apprécient souverainement le préjudice causé par une infraction, il ne saurait en résulter pour la victime ni perte ni profit ; que les pensions d'orphelin ne peuvent, sans qu'il en résulte un avantage indu pour les ayants droit de la victime, être écartées du calcul des revenus du foyer postérieurs au décès de celle-ci ; qu'en évaluant le montant du préjudice économique de Mme Z... et de Sacha et Tiphaine Z... sans prendre en compte les rentes d'orphelin perçues par les enfants de la victime, pour évaluer les revenus du foyer postérieurement au décès, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;
Vu les articles 1382 du code civil et 29 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé, dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ;
Attendu que, selon le second de ces textes, toutes les prestations, sans distinction, versées en conséquence de faits dommageables par les organismes, établissements et services gérant un régime obligatoire de sécurité sociale ouvrent droit à un recours subrogatoire et dès lors doivent être imputées sur l'indemnité mise à la charge du tiers responsable ;
Attendu que, statuant sur les conséquences dommageables de l'accident de la circulation dont Pascal Z..., architecte, a été victime et dont M. X... a été déclaré tenu à réparation intégrale, l'arrêt attaqué fixe les préjudices économiques de Mme Jacqueline Y..., épouse Z..., de Tiphaine Z... et de Sacha Z... respectivement à 792 150,71 euros, 55 600,79 euros et 63 045,91 euros ;
Attendu que, pour refuser la demande de sursis à statuer formée par la MATMUT, assureur de M. X..., dans l'attente de la justification des rentes orphelin et de veuve versées aux victimes par la CIPAV, organisme auquel la victime était affiliée et fixer les montants des préjudices économiques, l'arrêt, après avoir constaté que la CIPAV gère les régimes obligatoires d'assurance vieillesse de base, complémentaire et d'invalidité-décès, énonce que les rentes d'orphelin et de veuve n'entrent pas dans les prévisions de l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 ne fait aucune distinction entre les prestations versées en conséquence du fait dommageable, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 26 septembre 2014, mais en ses seules dispositions relatives à la réparation des préjudices économiques de Mme Jacqueline Y..., épouse Z..., de Tiphaine Z... et de Sacha Z..., toutes autres dispositions étant maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit décembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
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Cette décision est visée dans la définition :
Sécurité sociale
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.