par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 8 mars 2017, 15-16005
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Cour de cassation, chambre commerciale
8 mars 2017, 15-16.005

Cette décision est visée dans la définition :
Dirigeant de société




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 4 février 2015), que la Sarl TMAG (la société) a été mise en redressement judiciaire par un jugement du 28 avril 2008 ; que la procédure a été convertie en liquidation judiciaire par un jugement du 23 juin 2008 qui a pris acte de l'engagement personnel de M. A..., gérant de la société, d'effectuer un virement mensuel de 3 000 euros sur le compte ouvert à la Caisse des dépôts et consignations pour apurer le passif social et l'éteindre ; qu'après avoir effectué plusieurs versements entre les mains du liquidateur, M. A... a invoqué des difficultés puis a été mis en redressement judiciaire par un jugement du 9 janvier 2012 ; que le 14 février 2012, Mme C..., liquidateur de la société, a déclaré une créance de 343 076 euros à titre chirographaire au passif du redressement judiciaire de M. A..., correspondant au solde du passif de la société restant à apurer ; que le juge-commissaire a rejeté cette créance ;

Attendu que M. Y..., désigné liquidateur de la société TMAG en remplacement de Mme C..., fait grief à l'arrêt de confirmer le rejet de la créance déclarée alors, selon le moyen :

1°/ qu'il faut que l'obligation ait pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce ; que la quotité de la chose peut être incertaine, pourvu qu'elle puisse être déterminée ; qu'en jugeant que l'engagement de M. A... de rembourser le passif de la société TMAG, dont le jugement du 23 juin 2008 lui a donné acte, n'avait pas un objet certain puisqu'à cet engagement n'était fixé aucun terme précis et que son montant n'était pas déterminé, tandis que la détermination de la dette de M. A... ou de sa durée n'était pas nécessaire dès lors que son montant était déterminable, une fois le passif social définitivement admis par le juge-commissaire, la cour d'appel a violé les articles 1108 et 1129 du code civil ;

2°/ que l'existence d'un engagement de payer peut être établie par tout moyen lorsqu'elle résulte d'un commencement de preuve par écrit, rendant vraisemblable l'engagement allégué, qui est corroboré par des éléments extrinsèques ; qu'en l'espèce, M. Y..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société TMAG, se prévalait de quatre courriers adressés à son prédécesseur, Mme C..., par M. A... dans lesquels ce dernier reconnaissait s'être engagé à rembourser mensuellement la somme de 3 000 euros jusqu'à apurement du passif de la société TMAG et soutenait que ces courriers constituaient autant de commencements de preuve par écrit de l'engagement de M. A... ; que ces courriers étaient corroborés par d'autres échanges de correspondances ainsi que par le jugement du 23 juin 2008, dont M. Y... rappelait qu'il avait la force probante d'un acte authentique ; que pour écarter néanmoins l'existence de l'engagement de payer de M. A..., la cour d'appel a affirmé de façon inopérante que le jugement de donné-acte n'avait pas autorité de chose jugée et ne constituait pas un aveu judiciaire ; qu'en se prononçant ainsi, sans répondre au moyen selon lequel le jugement constituait un commencement de preuve par écrit de nature à établir l'engagement de payer de M. A... puisqu'il était corroboré par des éléments extrinsèques, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que, lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, les dispositions des articles L. 651-2 et suivants du code de commerce ouvrent, aux conditions qu'ils prévoient, une action en responsabilité contre le ou les dirigeants, en cas de faute de gestion de leur part ayant contribué à cette insuffisance ; qu'il en résulte que l'insuffisance d'actif ne peut être mise, en tout ou partie, à la charge d'un dirigeant qu'à la suite d'une assignation de celui-ci à cette fin et seulement par une décision de condamnation ou, avant l'intervention d'une telle décision, par une transaction ; qu'après avoir rappelé que les conditions dans lesquelles l'insuffisance d'actif d'une société en liquidation judiciaire peut être mise à la charge de son dirigeant sont strictement définies par le code de commerce, l'arrêt retient exactement qu'aucune obligation à ce titre ne saurait résulter des mentions du jugement de conversion en liquidation judiciaire du redressement de la société ; qu'en l'état de ces seuls motifs, rendant inopérantes les critiques du moyen, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de rejeter la créance déclarée ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi  ;

Condamne M. Y..., en qualité de liquidateur de la société TMAG, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. Y..., ès qualités.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la créance de 343.076 €
déclarée à titre chirographaire au passif de M. A... par le liquidateur judiciaire de la société TMAG ;

AUX MOTIFS PROPRES QU' il n'est pas contesté que, à la date du jugement du 23 juin 2008 donnant acte à M. A... de son engagement personnel d'effectuer un virement mensuel de 3000 € pour apurer le passif de la société TMAG, la liste des créances déclarées n'était pas encore établie puisqu'elle l'a été ultérieurement le 19 janvier 2009 et qu'elle a été déposée au greffe le 27 janvier suivant ; qu'en application de l'article 1108 du code civil, pour qu'une convention soit valide, il est nécessaire qu'elle ait un objet certain qui forme la matière de l'engagement ; que tel n'est pas le cas en l'espèce puisque l'engagement dont il a été donné-acte à titre personnel dans le jugement du 23 juin 2008 a pour objet l'apurement du passif de la société TMAG sans que son montant en soi déterminé ; qu'il en résulte que, à l'engagement de payer une somme de 3000 € par mois, n'était fixé aucun terme précis ; que l'obligation n'était donc pas pourvue d'un objet certain ; qu'aucun aveu judiciaire ne saurait en être tiré ; que la créance déclarée à ce titre a été à juste titre rejetée par le juge-commissaire ; qu'au surplus que, comme l'a retenu également à juste titre le juge-commissaire, le jugement du 23 juin 2008 avait pour objet la conversion de la procédure de redressement judiciaire en procédure de liquidation ; que si M. A... a comparu devant le tribunal, c'est en sa qualité de représentant légal de la société TMAG ; que, faute de citation de M. A... à titre personnel, aucune obligation ne saurait résulter du jugement à son égard sauf à enfreindre le droit à un procès équitable et le principe de la contradiction ; qu'il sera à ce titre rappelé que le code de commerce réglemente de façon étroite les modalités procédurales suivant lesquelles le passif résiduel d'une société peut être mis à la charge de son dirigeant ; que, dans ces conditions, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'argumentation développée à titre subsidiaire quant à la portée de la transaction conclue avec l'administration fiscale, transaction qui d'ailleurs est ultérieurement devenue caduque, il y a lieu de confirmer l'ordonnance déférée (arrêt, p. 4) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE Mme C..., alors liquidateur de la société TMAG dont M. Patrick A... était gérant, fonde sa déclaration du montant du passif résiduel de la société TMAG au passif du redressement judiciaire de M. A... sur la mention figurant dans le jugement du 23 juin 2008 ayant prononcé la conversion du redressement judiciaire de la société TMAG en liquidation judiciaire et ayant mentionné dans son dispositif : « Prends acte de l'engagement pris personnellement par M. A... gérant de la société TMAG d'effectuer un virement mensuel de 3.000 € sur le compte ouvert à la Caisse des Dépôts et Consignations pour apurer le passif de la société et l'éteindre » ; que la décision de « donner acte » renferme, non une décision consacrant la reconnaissance d'un droit, mais une simple constatation ; que la décision de « donner acte » n'a pas l'autorité de la chose jugée et ne peut constituer un titre ; que, de surcroît, M. Patrick A... n'était pas personnellement partie à l'instance, dont l'objet était de statuer sur la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire de la société TMAG et non de statuer sur la charge du passif ; qu'admettre que le dispositif du jugement du 23 juin 2008 constitue un titre de créance sur M. Patrick A... contreviendrait par ailleurs aux règles du contradictoire, et du procès équitable, ce dernier n'ayant pas été informé préalablement à l'audience que la question de la charge du passif serait évoquée et jugée ; qu'il ne s'agit pas non plus d'un aveu judiciaire, celui étant aux termes de l'article 1356 du code civil une déclaration et non un engagement (ord., p. 1 et 2) ;

1°) ALORS QU' il faut que l'obligation ait pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce ; que la quotité de la chose peut être incertaine, pourvu qu'elle puisse être déterminée ; qu'en jugeant que l'engagement de M. A... de rembourser le passif de la société TMAG, dont le jugement du 23 juin 2008 lui a donné-acte, n'avait pas un objet certain puisqu'à cet engagement n'était fixé aucun terme précis et que son montant n'était pas déterminé (arrêt, p. 4 § 2), tandis que la détermination de la dette de M. A... ou de sa durée n'était pas nécessaire dès lors que son montant était déterminable, une fois le passif social définitivement admis par le juge-commissaire, la cour d'appel a violé les articles 1108 et 1129 du code civil ;


2°) ALORS QUE l'existence d'un engagement de payer peut être établie par tout moyen lorsqu'elle résulte d'un commencement de preuve par écrit, rendant vraisemblable l'engagement allégué, qui est corroboré par des éléments extrinsèques ; qu'en l'espèce, M. Y..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société TMAG, se prévalait de quatre courriers adressés à son prédécesseur, Mme C..., par M. A... dans lesquels ce dernier reconnaissait s'être engagé à rembourser mensuellement la somme de 3.000 € jusqu'à apurement du passif de la société TMAG (concl., p. 6 et 7) et soutenait que ces courriers constituaient autant de commencements de preuve par écrit de l'engagement de M. A... (concl., p. 7 § 5) ; que ces courriers étaient corroborés par d'autres échanges de correspondances ainsi que par le jugement du 23 juin 2008, dont M. Y... rappelait qu'il avait la force probante d'un acte authentique (concl., p. 6 § 4) ; que pour écarter néanmoins l'existence de l'engagement de payer de M. A..., la cour d'appel a affirmé de façon inopérante que le jugement de donné-acte n'avait pas autorité de chose jugée et ne constituait pas un aveu judiciaire ; qu'en se prononçant ainsi, sans répondre au moyen selon lequel le jugement constituait un commencement de preuve par écrit de nature à établir l'engagement de payer de M. A... puisqu'il était corroboré par des éléments extrinsèques, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.