par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 1, 15 mars 2017, 15-27574
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
15 mars 2017, 15-27.574
Cette décision est visée dans la définition :
Prescription
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 17 novembre 2015), que, par acte authentique du 9 octobre 2007, la société Crédit foncier de France (la banque) a consenti à André B... et Marie Z... A..., son épouse, un prêt viager hypothécaire d'un montant de 230 000 euros, exigible lors du décès du dernier vivant des co-emprunteurs ou lors de l'aliénation du bien immobilier donné en garantie ; qu'André B... est décédé le [...] et son épouse, le 21 juin 2010 ; qu'informée, le 17 août 2010, du décès de cette dernière, la banque a vainement fait sommation, le 7 février 2012, à Mme B..., fille des emprunteurs, de lui faire connaître les nom et coordonnées de l'office notarial chargé de la succession, de notifier une attestation notariée précisant ses qualités héréditaires et de prendre position sur son acceptation ou sa renonciation à la succession ; que, le 19 juin 2012, la banque lui a fait délivrer un commandement valant saisie immobilière du bien donné en garantie, puis l'a assignée, le 9 octobre 2012, à l'audience d'orientation ; que, par jugement du 26 juin 2013, le juge de l'exécution a prononcé la nullité du commandement ; que, le 3 janvier 2014, la banque a fait délivrer un nouveau commandement de payer valant saisie, suivi d'une assignation, le 17 avril 2014, à l'audience d'orientation ;
Attendu que Mme B... fait grief à l'arrêt de déclarer non prescrite l'action de la banque, alors, selon le moyen :
1°/ qu'à l'égard d'une dette de remboursement d'un prêt qui est payable en une seule fois, le délai de la prescription court à compter de l'échéance de ce remboursement, c'est-à-dire : à compter du jour de son exigibilité ; qu'en faisant courir la dette de remboursement du prêt du 9 octobre 2007, non pas à compter de son échéance contractuelle unique (le 21 juin 2010, qui est la date du décès de Marie Z... A...-B...), mais à compter de la date à laquelle le Crédit foncier de France a appris le décès de Marie Z... A...-B... et, en outre, a connu l'identité de l'unique héritière des époux B...-A..., Mme Véronique B... (le 7 février 2012), la cour d'appel, qui reconnaît pourtant que « l'acte [du 9 octobre 2007] prévoit que le prêt sera exigible en principal, intérêts et accessoires lors du décès du dernier vivant des co-emprunteurs », c'est-à-dire : Marie Z... A...-B..., a violé les articles L. 137-2 et L. 314-1 du code de la consommation ;
2°/ que l'acte du 9 octobre 2007 prévoit, à sa page 7, § remboursement au terme du prêt, que « le prêt, objet de la présente offre, est exigible en principal, intérêts et accessoires /. lors du décès de l'emprunteur ou du dernier vivant des co-emprunteurs » ; qu'en fixant la date d'exigibilité du remboursement du prêt que relate cet acte, non pas à la date du décès du dernier des co-emprunteurs (le [...] ), mais à la date où le Crédit foncier de France a appris le décès de Marie Z... A...-B... et a connu l'identité de l'unique héritière des époux B...-A... (le 7 février 2012), la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
3°/ que la juridiction de l'exécution, qui est compétente pour statuer sur la validité du commandement valant saisie, est compétente pour statuer sur l'existence de la créance dont le saisissant se prévaut dans ce commandement, et, par conséquent, sur son extinction par voie d'acquisition du délai de prescription auquel elle est soumise ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel viole l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire ;
Mais attendu que, selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'après avoir relevé que le décès du dernier co-emprunteur constituait l'événement déclenchant le remboursement du prêt, en ce qu'il rendait la créance exigible, la cour d'appel a exactement énoncé, sans dénaturer l'acte de prêt, que cet événement n'était pas suffisant pour constituer le point de départ du délai de prescription et qu'il était nécessaire que le prêteur ait connaissance de la survenance du décès mais aussi de l'identité du ou des débiteurs de l'obligation de remboursement ; que le moyen, qui critique en sa troisième branche des motifs erronés mais surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme B... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Crédit foncier de France la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Capron, avocat aux Conseils, pour Mme B...
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué :
. d'avoir écarté la fin de non-recevoir tirée de l'extinction, par voie de prescription, de la créance que le Crédit foncier de France prétend détenir contre Mme Véronique B..., comme venant aux droits d'André B... et Marie Z... A...-B... ;
. décidé que l'action du Crédit foncier de France formée contre Mme Véronique B... sur le fondement de cette même créance ne se heurte pas à ladite prescription ;
. constaté que les conditions prévues par les articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution sont réunies dans l'espèce ;
AUX MOTIFS QUE, « selon acte reçu le 9 octobre 2007, [
] le Crédit foncier de France a consenti au profit de M. André B... et Mme Marie Z... A..., son épouse, un prêt viager hypothécaire d'une montant de 230 000 € » (cf. arrêt attaqué, p. 2, 1er alinéa) ; que « l'acte prévoit que le prêt sera exigible en principal, intérêts et accessoires lors du décès du dernier vivant des co-emprunteurs ou lors de l'aliénation du bien immobilier donné en garantie, à savoir une maison d'habitation située [...] » (cf. arrêt attaqué, p. 2, 2e alinéa) ; que « les emprunteurs sont décédés, à savoir : M. André B... le [...] et Mme Marie Z... A..., son épouse, le 21 juin 2010 [; que] le Crédit foncier de France a été informé du décès de cette dernière par l'Udaf le [...] » (cf. arrêt attaqué, p. 24e alinéa) ; « que le délai de prescription de deux ans prévu par les dispositions de l'article L. 137-2 du code de la consommation lui est applicable [au litige] » (cf. arrêt attaqué, p. 9, 4e alinéa) ; qu'« il ressort de la définition du prêt viager hypothécaire, telle qu'elle résulte de l'article L. 314-1 du code de la consommation que le remboursement ne peut être exigé qu'au décès de l'emprunteur ou lors de l'aliénation ou du démembrement de la propriété de l'immeuble hypothéqué s'ils surviennent avant le décès [; que] le contrat de prêt passé le [...] reprend ces dispositions » (cf. arrêt attaqué, p. 9, 8e alinéa) ; que « l'événement déclenchant le remboursement est propre à ce contrat particulier, à savoir dans le cas présent le décès du dernier des deux co-emprunteurs, Mme Marie Z... B..., [que] cependant si cet élément est nécessaire, il n'est pas suffisant pour fixer le point de départ du délai ouvert au prêteur pour engager les poursuites en paiement : il faut, d'une part, qu'il ait eu connaissance de la survenance du décès et d'autre part qu'il ait connaissance de l'identité du(es) débiteur(s) de l'obligation de rembourser puisque par hypothèse il ne s'agit pas des emprunteurs, mais nécessairement de leurs héritiers » (cf. arrêt attaqué, p. 10, 1er alinéa) ; que « la cour retiendra le 7 février 2012, comme date certaine à laquelle le Crédit foncier a eu connaissance de l'existence de Mme B... en qualité d'héritière unique, débitrice de l'obligation de rembourser le prêt hypothécaire viager souscrit par ses parents » (cf. arrêt attaqué, p. 10, 9e alinéa) ; qu'« il s'ensuit que le point de départ du délai de prescription biennal sera fixé à compter de cette date du 7 février 2012 » (cf. arrêt attaqué, p. 11, 2e alinéa) ; que « l'assignation du 9 octobre 2012 constitue une demande en justice interrompant la prescription en application de l'article 2241 du code civil » (cf. arrêt attaqué, p. 11, 10e alinéa) ; que « le deuxième commandement de payer [valant saisie] délivré par le Crédit foncier le 3 janvier 2014 [
] a également un caractère interruptif du délai de prescription » (cf. arrêt attaqué, p. 12, 1er alinéa) ; qu'« il s'ensuit, par l'effet combiné des deux actes sus-mentionnées, que l'assignation délivrée à Mme B... par le Crédit foncier le 17 avril 2014 pour l'audience d'orientation, sur le fondement du commandement de payer du 3 janvier 2014, est intervenue avant que le délai de prescription biennal prévu par l'article L. 137-2 du code de la consommation soit expiré » (cf. arrêt attaqué, p. 12, 2e alinéa) ; qu'« il n'entre pas dans les pouvoirs du juge de l'exécution de se prononcer sur la prescription de la créance, sa compétence étant limitée aux difficultés d'exécution et aux demandes tendant à remettre en cause un titre exécutoire sans son principe ou la validité des droits et obligations qu'il constate » (cf. arrêt attaqué, p. 12, 4e alinéa) ; qu'« en effet, en application des dispositions de l'article R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution le juge de l'exécution vérifie que les conditions des articles L. 311-2, L. 311-4 et L.311-6 du code des procédures civiles d'exécution sont réunies et statue sur les contestations et demandes incidentes des parties » (cf. arrêt attaqué, p. 12, 5e alinéa) ; que « le jugement déféré sera également infirmé en ce qu'il a constaté la prescription de la créance du Crédit foncier à l'égard de Mme Véronique B... »
(cf. arrêt attaqué, p. 12, 6e alinéa) ;
1. ALORS QU'à l'égard d'une dette de remboursement d'un prêt qui est payable en une seule fois, le délai de la prescription court à compter de l'échéance de ce remboursement, c'est-àdire : à compter du jour de son exigibilité ; qu'en faisant courir la dette de remboursement du prêt du 9 octobre2007, non pas à compter de son échéance contractuelle unique (le 21 juin 2010, qui est la date du décès de Marie Z... A...-B...), mais à compter de la date à laquelle le Crédit foncier de France a appris le décès de Marie Z... A...-B... et, en outre, a connu l'identité de l'unique héritière des époux B...-A..., Mme Véronique B... (le 7 février 2012), la cour d'appel, qui reconnaît pourtant que « l'acte [du 9 octobre 2007] prévoit que le prêt sera exigible en principal, intérêts et accessoires lors du décès du dernier vivant des coemprunteurs», c'est-à-dire : Marie Z... A...-B..., a violé les articles L. 137-2 et L. 314-1 du code de la consommation ;
2. ALORS QUE l'acte du 9 octobre 2007 prévoit, à sa p. 7, § remboursement au terme du prêt, que « le prêt, objet de la présente offre, est exigible en principal, intérêts et accessoires / . lors du décès de l'emprunteur ou du dernier vivant des co-emprunteurs » ; qu'en fixant la date d'exigibilité du remboursement du prêt que relate cet acte, non pas à la date du décès du dernier des co-emprunteurs (le [...] ), mais à la date où le Crédit foncier de France a appris le décès de Marie Z... A...-B... et a connu l'identité de l'unique héritière des époux B...-A... (le 7 février 2012), la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
3. ALORS QUE la juridiction de l'exécution, qui est compétente pour statuer sur la validité du commandement valant saisie, est compétente pour statuer sur l'existence de la créance dont le saisissant se prévaut dans ce commandement, et, par conséquent, sur son extinction par voie d'acquisition du délai de prescription auquel elle est soumise ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel viole l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire.
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