par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. soc., 1er juin 2017, 16-12221
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Cour de cassation, chambre sociale
1er juin 2017, 16-12.221
Cette décision est visée dans la définition :
Licenciement
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 2 avril 2015), que Mme Y... a été engagée le 1er juin 2011 en qualité de responsable des ressources humaines par M. A..., lequel exploitait en son nom personnel une entreprise de surveillance sous l'enseigne ATS Sécurité privée ; qu'elle exerçait depuis le mois de décembre 2002 les fonctions de conseiller prud'homme ; que, par jugement du 27 septembre 2012, le tribunal de commerce a placé M. A... en redressement judiciaire puis, par jugement du 27 novembre 2012, en liquidation judiciaire, M. Z... étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire ; que la salariée a été convoquée par lettre du 29 novembre 2012 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 10 décembre 2012 ; que, par lettre du 12 décembre, le liquidateur lui a notifié son licenciement pour motif économique, avec une proposition d'adhésion à un contrat de transition professionnelle ; que la salariée ayant adhéré à ce dispositif, le contrat de travail a pris fin le 31 décembre 2012 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de nullité du licenciement prononcé pour motif économique et de ses demandes d'indemnité pour violation du statut protecteur et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, qu'un salarié est en droit de prévaloir de la protection attachée à son mandat de conseiller prud'homme dès lors qu'il rapporte la preuve que l'employeur en avait connaissance ; que cette preuve vaut également à l'égard du liquidateur judiciaire qui exerce les droits et actions de l'employeur revêtant un caractère patrimonial ; qu'en reprochant à Mme Y... de ne pas avoir informé M. Z..., ès qualités de liquidateur judiciaire de M. A..., au plus tard lors de l'entretien préalable de licenciement, de l'existence de son mandat de conseiller prud'homal quand il est acquis aux débats que son employeur, M. A..., lui-même investi d'un mandat de conseiller prud'homal, connaissait celui de Mme Y..., pour lui dénier ainsi toute protection, la cour d'appel a violé les articles L. 2411-1, 17°, L. 1442-19 et L. 2411-22 du code du travail ;
Mais attendu qu'il appartient au salarié qui se prévaut d'une protection en raison d'un mandat extérieur à l'entreprise d'établir qu'il a informé le liquidateur de l'existence de ce mandat au plus tard lors de l'entretien préalable au licenciement, ou, s'il s'agit d'une rupture ne nécessitant pas un entretien préalable, au plus tard avant la notification de l'acte de rupture, ou que le liquidateur en avait connaissance ;
Qu'ayant constaté que la salariée n'avait pas informé le liquidateur, lors de l'entretien préalable, de l'existence de son mandat de conseiller prud'homme, qu'elle n'établissait pas que ce dernier en avait connaissance et que le liquidateur justifiait au contraire que l'employeur avait omis de l'en informer, la cour d'appel en a exactement déduit que la salariée ne pouvait pas se prévaloir de la protection attachée à son mandat ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité compensatrice de préavis, alors, selon le moyen, que la recherche de reclassement doit s'effectuer au sein des entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer une permutation de tout ou partie du personnel ; qu'il n'est pas exigé que les entreprises du groupe fassent partie du même secteur d'activité ; qu'en jugeant que le liquidateur judiciaire avait satisfait à son obligation de reclassement au motif que la société Prévenir sécuriser intervenir dont M. A... était cogérant avait une activité d'ingénierie et d'études techniques distincte de celle de M. A... exploitée sous l'enseigne « ATS Surveillance » pour en déduire que n'est pas établie une permutation du personnel entre les entreprises, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;
Mais attendu qu'appréciant les éléments de fait et de preuve soumis à son examen, la cour d'appel, qui a constaté, d'une part, que la salariée avait été licenciée au motif de la fermeture de l'entreprise de M. A... faisant suite à sa liquidation judiciaire, et, d'autre part, que, s'il est justifié qu'à l'époque de l'engagement de la procédure de licenciement, M. A... était le cogérant de la société Prévenir sécuriser intervenir ayant pour activité l'ingénierie et les études techniques, les éléments produits, qui se limitent à des renseignements fournis par un site internet relatifs au siège social, au capital social, à la date d'immatriculation, aux noms des gérants, ne permettent pas de constater qu'il existait des possibilités de permutation de personnel entre cette société et l'entreprise de M. A..., a pu en déduire que le liquidateur avait loyalement satisfait à son obligation de reclassement ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le troisième moyen ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme Y... de sa demande de nullité du licenciement prononcé pour motif économique et de ses demandes d'indemnité pour violation du statut protecteur et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
AUX MOTIFS QUE Mme Y... prétend que son licenciement est nul, motifs pris de ce que :
- M. A... n'ignorait pas l'existence de son mandat de conseiller prud'homme, étant lui- même titulaire d'un tel mandat, et ayant siégé avec elle ;
- sa protection courait jusqu'au 31 décembre 2015 ;
- Me Z..., qui représente l'employeur, devait recueillir au titre de ses fonctions de liquidateur les renseignements auprès de M. A... concernant les salariés ;
- il ne peut donc soutenir ne pas avoir eu connaissance de son mandat ;
- son licenciement pour motif économique lui a été notifié, en l'absence d'une autorisation administrative ;
que cependant, d'une part, le salarié, titulaire d'un mandat de conseiller prud'homal mentionné par l'article L. 2411-1 17° du code du travail ne peut se prévaloir de cette protection que si, au plus tard lors de l'entretien préalable au licenciement, il a informé l'employeur de l'existence de ce mandat, ou s'il rapporte la preuve que l'employeur en avait alors connaissance ; d'autre part, selon l'article L. 641-9 du code du commerce, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée, que les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur ; qu'il résulte de ces articles qu'à compter du prononcé de la liquidation judiciaire, le mandataire liquidateur pour l'exécution de ses missions, notamment celle de licencier les salariés dans les quinze jours du jugement, représente le débiteur, et qu'il appartient en conséquence au salarié titulaire d'un mandat de conseiller prud'homal, s'il veut bénéficier de la protection prévue par l'article L. 2411-22 du code du travail, d'informer non pas le débiteur, mais le liquidateur, au plus tard lors de l'entretien préalable au licenciement ; qu'en l'espèce, il ressort du compte rendu de l'entretien préalable établi par M. Patrick D..., en sa qualité de conseiller de Mme Y..., que celle-ci n'a pas informé le représentant de Me Z..., lors de cet entretien, de l'existence de son mandat de conseiller prud'homal ; qu'elle ne prouve pas que ce dernier en avait connaissance ; qu'au contraire Me Z... produit une attestation de M. A... par laquelle celui-ci déclare ne pas l'avoir informé, par oubli, de l'existence de ce mandat ; que dans ces conditions, la nullité du licenciement ne peut être prononcée ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS DES PREMIERS JUGES QUE par jugement du 27 novembre 2012, le tribunal de commerce de Lyon prononçait la liquidation judiciaire de M. A... et désignait Me Z... en qualité de liquidateur, que seul Me Z... avait qualité pour procéder au licenciement ; que Me Z... a convoqué Mme Y... à un entretien préalable en vue de son licenciement le 29 novembre 2012 ; que Mme Y... n'a pas fait état de son mandat extérieur à l'entreprise en qualité de conseiller prud'homme, ni par écrit, ni par oral lors de l'entretien préalable au licenciement ; que Me Z... indique qu'il n'avait pas connaissance du statut protecteur de Mme Y..., que Mme Y... n'a pas porté à la connaissance de Me Z... qu'elle était titulaire d'un mandat prud'homal au plus tard lors de l'entretien préalable au licenciement ; qu'elle ne peut se prévaloir d'une telle protection ;
ALORS QU'un salarié est en droit de prévaloir de la protection attachée à son mandat de conseiller prud'homal dès lors qu'il rapporte la preuve que l'employeur en avait connaissance ; que cette preuve vaut également à l'égard du liquidateur judiciaire qui exerce les droits et actions de l'employeur revêtant un caractère patrimonial ; qu'en reprochant à Mme Y... de ne pas avoir informé Me Z..., ès qualités de liquidateur judiciaire de M. A... au plus tard lors de l'entretien préalable de licenciement de l'existence de son mandat de conseiller prud'homal quand il est acquis aux débats que son employeur, M. A..., lui-même investi d'un mandat de conseiller prud'homal, connaissait celui de Mme Y... pour lui dénier ainsi toute protection, la cour d'appel a violé les articles L. 2411-1 17°, L. 1442-19 et L. 2411-22 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme Y... de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité compensatrice de préavis,
AUX MOTIFS QUE Mme Y... soutient que son licenciement est intervenu en l'absence de toute recherche de reclassement, alors même que M. A... était à la tête de plusieurs sociétés ; mais, qu'au regard de la lettre du 12 décembre 2012, elle a été licenciée au motif de la fermeture de l'entreprise de M. A..., suite à sa liquidation judiciaire, de sorte que des recherches de reclassement dans cette entreprise étaient impossibles ; qu'ensuite, s'il est justifié qu'à l'époque de l'engagement de la procédure de licenciement, M. A... était le co-gérant de la SARL PSI (Prévenir, Sécuriser, Intervenir), ayant pour activité l'ingénierie et les études techniques, les éléments du débat sur ce point, qui se limitent à la production de renseignements fournis par un site internet relatifs au siège social, au capital social, à la date d'immatriculation, aux noms des gérants, ne permettent pas de constater qu'il existait des possibilités de permutations de personnel entre cette société et l'entreprise de M. A..., que le mandataire liquidateur a donc satisfait à son obligation de reclassement ;
ALORS QUE la recherche de reclassement doit s'effectuer au sein des entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer une permutation de tout ou partie du personnel ; qu'il n'est pas exigé que les entreprises du groupe fassent partie du même secteur d'activité ; qu'en jugeant que le liquidateur judiciaire avait satisfait à son obligation de reclassement au motif que la société Prévenir Sécuriser Intervenir dont M. A... était co-gérant avait une activité d'ingénierie et d'études techniques distincte de celle de M. A... exploitée sous l'enseigne « ATS Surveillance » pour en déduire que n'est pas établie une permutation du personnel entre les entreprises, la Cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme Y... de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé,
AUX MOTIFS QUE pour justifier de cette demande, Mme Y... fait valoir :
- que M. A... ne pouvait ignorer l'obligation de procéder à la déclaration préalable à son embauche dès le 1er juin 2011 ;
- qu'il a effectué cette démarche dès l'instant où elle s'est rapprochée de son cabinet d'expertise comptable afin d'obtenir la remise de ses bulletins de paie ;
- qu'il s'est donc soustrait intentionnellement à son obligation de déclaration ;
mais que s'il est constant que M. A... a procédé à la déclaration d'embauche de Mme Y... avec plus de onze mois de retard, cette circonstance n'est pas de nature à elle seule à caractériser l'élément intentionnel prévu par l'article L. 8221-5 du code du travail ; qu'en effet, le mandataire liquidateur démontre que M. A..., avant son dessaisissement, avait accompli les déclarations relatives aux salaires de l'année 2011 ; que Mme Y... produit elle-même un courrier que lui a envoyé l'URSSAF duquel il ressort qu'elle figure sur la déclaration annuelle des données sociales afférente à l'année 2011, souscrite par M. A..., pour un montant de salaire brut égal à 22.206 €, soit la somme qui figure sur son bulletin de salaire du mois de décembre 2011 ; que les éléments du débats ne font donc pas apparaître de manière certaine que M. A... a intentionnellement omis de procéder aux déclarations légales dans les délais ;
ALORS QU'en l'absence de déclaration préalable d'embauche, l'élément intentionnel du travail dissimulé est caractérisé dès lors que l'employeur, M. A..., en sa qualité de conseiller prud'homal ne pouvait ignorer qu'il devait satisfaire à cette obligation avant d'engager Mme Y... et qu'il n'a procédé à cette régularisation que onze mois plus tard comme l'a constaté la cour ; qu'en déduisant pourtant le caractère non intentionnel du seul fait que M. A... avait procédé à la déclaration annuelle des données sociales et que le bulletin de salaire de décembre 2011 ne comportait pas d'erreur, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a statué par des motifs inopérants et ne s'est pas expliquée sur la qualité de conseiller prud'homal de M. A... et les raisons de cette régularisation très tardive, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 8221-5 du code du travail.
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Licenciement
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.