par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 1, 12 juillet 2017, 16-22158
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
12 juillet 2017, 16-22.158
Cette décision est visée dans la définition :
Fond
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article 15 e) de la Convention relative à l'entraide judiciaire en matière civile et commerciale et à la reconnaissance et à l'exécution des décisions judiciaires du 28 juin 1972 entre la France et la Tunisie ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 11 avril 2011, Mme X... a saisi le juge aux affaires familiales d'une requête en divorce, alors que le 14 décembre 2010, son mari, M. Y..., avait saisi aux mêmes fins la juridiction tunisienne ; que l'ordonnance de non-conciliation, dont ce dernier n'a pas relevé appel, a rejeté l'exception de litispendance qu'il avait soulevée, au motif de l'incompétence indirecte du juge tunisien conduisant à l'irrégularité du jugement étranger à intervenir ; que, devant la cour d'appel statuant au fond, M. Y... a opposé à la demande en divorce de Mme X... l'autorité de chose jugée attachée au jugement de divorce tunisien ;
Attendu que, pour accueillir la fin de non-recevoir, l'arrêt retient notamment que ce jugement n'est pas contraire à une décision judiciaire française ayant autorité de la chose jugée ;
Q'en statuant ainsi, alors que le juge aux affaires familiales avait déclaré le juge français compétent pour connaître du divorce par une décision passée en force de chose jugée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour Mme X....
LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT INFIRMATIF ATTAQUÉ D'AVOIR reconnu l'autorité de la chose jugée s'attachant au jugement de divorce des époux prononcé le 19 décembre 2011 par le tribunal de première instance de Bizerte (Tunisie), confirmé par arrêt du 19 novembre 2012 de la cour d'appel de Bizerte (Tunisie) et, en conséquence, d'avoir déclaré irrecevable la demande en divorce formée par l'exposante devant la juridiction française ;
AUX MOTIFS QUE, antérieurement au dépôt par Mme Monia X... le 11 avril 2011 de sa requête en divorce devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Metz, M. Cherif Y... avait saisi le 14 décembre 2010 le tribunal de première instance de Bizerte (Tunisie) d'une demande tendant également au divorce des époux ; que M. Cherif Y... a dès lors soulevé une exception de litispendance devant le magistrat conciliateur français que celui-ci a rejeté dans les motifs de sa décision en relevant, après avoir rappelé les dispositions des articles 15 et 16 de la convention franco-tunisienne du 28 juin 1972 relative à l'entraide judiciaire en matière civile et commerciale et à la reconnaissance et à l'exécution des décisions judiciaires, qu'aucun élément, alors que les époux avaient leur résidence en France, si ce n'est leur double nationalité et le lieu de leur mariage, ne permettait de rattacher le litige à la Tunisie et que la décision tunisienne n'était pas susceptible d'être reconnue en France ; que les deux époux étant de nationalité française, il s'est déclaré compétent en application de l'article 2 paragraphe 1 b) du règlement CE n° 1347/2000 et a déclaré la loi française applicable en vertu de l'article 309 du code civil ; que M. Cherif Y... n'a pas relevé appel de cette décision qui lui a été signifiée le 10 août 2011 ; que, par jugement du 19 décembre 2011, le tribunal de grande instance de Bizerte (Tunisie) a prononcé le divorce des époux par volonté unilatérale de l'époux ; qu'il s'est reconnu compétent en raison de la double nationalité franco-tunisienne des époux et de l'établissement en Tunisie de leur contrat de mariage et rejeté l'exception de litispendance au profit de la juridiction française soulevée par l'épouse ; que Mme Monia X... a relevé appel de ce jugement ; que par arrêt du 19 novembre 2012, la cour d'appel de Bizerte, reconnaissant la compétence des juridictions tunisiennes, a confirmé le jugement entrepris ; que Mme Monia X... a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt, qui a été rejeté par un arrêt de la Cour de cassation tunisienne du 20 juin 2013 ; que le divorce tunisien des époux a été transcrit depuis sur les actes de naissance tunisiens des époux ; que, pour la première fois en cause d'appel, M. Cherif Y... se prévaut de l'autorité de la chose jugée s'attachant au jugement de divorce tunisien pour en déduire que la demande en divorce présentée par l'époux devant la juridiction française est irrecevable ; que Mme Monia X... répond que M. Cherif Y... n'a pas relevé appel de l'ordonnance de non-conciliation, que la décision tunisienne a été obtenue en fraude de ses droits et qu'elle n'a d'ailleurs pas été transcrite sur les registres de l'état civil français ; que la décision du magistrat conciliateur en raison de son caractère provisoire ne lie pas le juge du fond ; que le moyen de l'appelant est en conséquence recevable ; que par ailleurs la convention franco-tunisienne du 28 juin 1972 prévoit en son article 15 que : « En matière civile et commerciale, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions siégeant en France ou en Tunisie sont reconnues de plein droit sur le territoire de l'autre Etat s'il est satisfait aux conditions suivantes : a) la décision émane d'une juridiction compétente au sens de l'article 16 de la présente convention... » et en son article 16.1 que « la compétence de l'autorité judiciaire de l'Etat dans lequel la décision a été rendue est fondée au sens de l'article précédent ... d) lorsqu'il s'agit d'un litige concernant l'Etat, la capacité des personnes ou des droits et l'obligation personnelle et pécuniaire découlant des rapports de famille, entre nationaux de l'Etat où la décision a été rendue ; en outre, en cas d'action en divorce ou modulation de mariage, lorsque le demandeur avait la nationalité de l'Etat où la décision a été rendue et résidait habituellement depuis au moins un an sur le territoire de cet Etat à la date de l'acte introductif d'instance... » ; que si les époux ont acquis la nationalité française par décret de naturalisation du 2 mai 1986 pour l'époux et par déclaration du 6 octobre 1999 pour l'épouse, ils ont conservé tous deux la nationalité tunisienne ; que la juridiction tunisienne était dès lors bien compétente pour connaître de leur divorce qui est un litige concernant l'état des personnes en application de l'article 16.1 d) de la convention susvisée, de sorte que la condition relative à la compétence juridictionnelle à laquelle l'article 15 de cette convention subordonne la reconnaissance des décisions judiciaires en France est remplie ; que cet article 15 énonce cinq autres conditions :- la partie succombante a comparu ou a été régulièrement citée, - la décision n'est plus susceptible de voie de recours ordinaire conformément à la loi de l'Etat où elle a été rendue exécutoire dans cet Etat, - la décision ne contient rien de contraire à l'ordre public de l'Etat où elle est invoquée ou au principe de droit public applicable à cet Etat, - la décision ne doit pas être contraire à une décision judiciaire rendue dans l'Etat requis et y ayant autorité de la chose jugée, - aucune juridiction de l'Etat requis n'a été saisie antérieurement à la production de la demande devant la juridiction qui a rendu la décision dont l'exécution est demandée, une instance entre les mêmes parties fondée sur les mêmes faits ayant le même objet ; qu'en l'espèce Mme Monia X... a comparu devant la juridiction tunisienne, que la décision de divorce que cette dernière a rendue est définitive et exécutoire, qu'elle n'est pas contraire à une décision judiciaire française ayant autorité de la chose jugée et que la juridiction française n'a pas été saisie antérieurement à la juridiction tunisienne ; que le divorce a été prononcé en application du 3ème alinéa de l'article 31 du code du statut personnel tunisien qui prévoit que le tribunal prononce le divorce à la demande du mari ou de la femme ; qu'il s'agit là d'un cas de divorce ouvert aux deux époux et non d'un cas de répudiation unilatérale accordé au seul mari ; que l'article 31 prévoit, en outre, la réparation du préjudice matériel et moral subi par l'un ou l'autre des époux résultant du divorce, le préjudice matériel étant réparé en ce qui concerne la femme sous forme de rente payable mensuellement en fonction du niveau de vie auquel elle était habituée durant la vie conjugale ; qu'en l'occurrence, le fait que l'épouse n'ait pas sollicité la réparation de son éventuel préjudice matériel et moral devant la juridiction tunisienne est un choix procédural dont elle doit assumer la responsabilité et qui n'entraîne pas contrariété de la décision rendue à l'ordre public français ; que la fraude alléguée par l'épouse qui prétend que la procédure tunisienne engagée par son époux n'avait pour but que d'obtenir un divorce alors même qu'il n'avait aucun grief à faire valoir contre elle et à la spolier de ses droits ne sera pas, en conséquence, retenue ; que si elle produit la réponse que lui a faite le ministère des affaires étrangères le 2 avril 2013 indiquant que le jugement de divorce prononcé par les autorités tunisiennes ne peut produire d'effet en France qu'après vérification de son opposabilité par le parquet de Nantes, procédure au cours de laquelle il sera notamment demandé la preuve du domicile et de la nationalité des parties au jour de l'introduction de l'instance devant l'autorité étrangère, M. Cherif Y... démontre avoir, le 27 mars 2014, saisi le procureur de la République de Nantes ; que l'absence de suite donnée à sa demande à ce jour est sans emport compte tenu du présent appel, étant ici observé que la décision de rejet du 5 septembre 2011 émanant du même parquet produite par l'intimé et sur laquelle le nom du destinataire a été biffé ne peut pas concerner la présente procédure, le divorce n'ayant pas encore été prononcé à cette date par la juridiction tunisienne ; qu'il y a lieu, en conséquence, de reconnaître l'autorité de la chose jugée s'attachant à la décision de divorce tunisienne et de déclarer par suite la demande en divorce de M. Monia X... irrecevable devant la juridiction française ;
ALORS D'UNE PART QU'aux termes de l'article 2, § 1 b) du règlement CE n° 1347/2000 dit Bruxelles II devenu 3 et suivants du règlement CE n° 2201/2003 du conseil du 27 novembre 2003 dit Bruxelles 3, sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce, à la séparation de corps et à l'annulation du mariage des époux, les juridictions de l'Etat membre dans lequel les époux ont leur résidence habituelle et dont ils ont la nationalité ; que l'exposante faisait valoir la nationalité française commune des deux époux, que depuis l'année du mariage en 1988, comme l'avait relevé le premier juge, les époux avaient leur résidence en France avec leurs trois enfants qui y étaient nés, que le mari, enseignant en France, ne résidait pas en Tunisie ce qui excluait l'application de la convention franco-tunisienne, du 28 juin 1972 relative à l'entraide judiciaire en matière civile et commerciale et à la reconnaissance et l'exécution des jugements dont la décision à intervenir n'était pas susceptible d'être reconnue en France ; qu'ayant relevé que si les époux ont acquis la nationalité française par décret de naturalisation du 2 mai 1986 pour l'époux et par déclaration du 6 octobre 1999 pour l'épouse, ils ont conservé tous deux la nationalité tunisienne, pour en déduire que la juridiction tunisienne était dès lors bien compétente pour connaître de leur divorce qui est un litige concernant l'état des personnes en application de l'article 16.1 d) de la convention franco-tunisienne du 28 juin 1972, de sorte que la condition relative à la compétence juridictionnelle à l'article 15 de cette convention subordonne la reconnaissance des décisions tunisiennes en France est remplie, la Cour d'appel qui se fonde sur la seule nationalité tunisienne conservée par les deux époux, quand un tel critère était inopérant, a violé les textes susvisés ensemble l'article 1070 du code de procédure civile ;
ALORS D'AUTRE PART QU'aux termes de l'article 2 § 1 b) du règlement CE n° 1347/2000 dit Bruxelles II, entré en vigueur le 1er mars 2001, devenu 3 et suivants du règlement CE n° 2201/2003 du conseil du 27 novembre 2003 dit Bruxelles 3,sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce, à la séparation de corps et à l'annulation du mariage des époux, les juridictions de l'Etat membre de la nationalité des époux dans lequel ils ont leur résidence habituelle ; que l'article 16.1 d) de la convention franco-tunisienne, du 28 juin 1972 relative à l'entraide judiciaire en matière civile et commerciale et à la reconnaissance et l'exécution des jugements retient que le tribunal compétent en matière de divorce est celui de l'Etat de la nationalité du demandeur lorsque celui-ci réside depuis plus d'un an dans cet Etat ; qu'ayant relevé que le mari avait soulevé l'exception de litispendance devant le magistrat conciliateur que celui-ci a rejetée en relevant, après avoir rappelé les articles 15 et 16 de la convention franco-tunisienne du 28 juin 1972, qu'aucun élément, alors que les époux avaient leur résidence en France, si ce n'est leur double nationalité et leur lieu de mariage, ne permettait de rattacher le litige à la Tunisie et que la décision tunisienne n'était pas susceptible d'être reconnue en France, les deux époux étant de nationalité française ; que l'exposante faisait valoir, outre la décision du magistrat conciliateur, que la décision tunisienne a été obtenue en fraude de ses droits et qu'elle n'a pas été transcrite sur les registres d'état civil français dés lors qu'elle ne pouvait pas l'être ; qu'en retenant, tout en relevant ces éléments, que les époux ont tous deux conservé la nationalité tunisienne pour en déduire que la juridiction tunisienne était dès lors compétente pour connaître de leur divorce qui est un litige concernant l'état des personnes en application de l'article 16.1 d) de la convention susvisée, de sorte que la condition relative à la compétence juridictionnelle à laquelle l'article 15 de cette convention subordonne la reconnaissance des décisions tunisiennes en France est remplie, la cour d'appel qui décide qu'il y a lieu de reconnaître l'autorité de la chose jugée s'attachant à la décision de divorce tunisienne et de déclarer par suite la demande en divorce de l'exposante irrecevable devant la juridiction française quand il ressortait de ses constatations que les juridictions françaises étant seules compétentes, dés lors que l'époux demandeur n'avait pas sa résidence habituelle en Tunisie depuis plus d'un an lors de l'introduction de l'instance en Tunisie, et que les deux époux de nationalité française avaient en France leur résidence habituelle, et elle a violé lesdits textes, ensemble l'article 1070 du code de procédure civile.
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Fond
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.