par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 12 juillet 2017, 17-11840
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
12 juillet 2017, 17-11.840

Cette décision est visée dans la définition :
Pouvoir Souverain




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 novembre 2016), que Mme Z... et M. K... se sont mariés le 27 septembre 2004 au Maroc ; que quatre enfants sont nés de leur union, Nosra, née le [...]           , Al Madhi, né le [...]      , Malik, né le [...]      , et Halima, née le [...]         ; que, le [...]      , Mme Z... a quitté le Maroc avec les enfants pour s'établir chez sa soeur en France ; que, M. K... ayant saisi l'autorité centrale marocaine, sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Rennes a, le 17 février 2016, assigné Mme Z... devant le juge aux affaires familiales pour voir déclarer illicite le déplacement des enfants ;

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche, ci-après annexé :

Attendu que ce grief n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur les première, troisième et quatrième branches du moyen :

Attendu que Mme Z... fait grief à l'arrêt d'ordonner le retour des enfants au Maroc dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt alors, selon le moyen :

1°/ qu'il résulte de l'article 13, b, de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur l'enlèvement international d'enfants et des articles 3, § 1, et 9, § 3, de la Convention de New York sur les droits de l'enfant qu'il ne peut être fait exception au retour immédiat de l'enfant que s'il existe un risque de danger grave ou de création d'une situation intolérable et que ces circonstances doivent être appréciées en considération primordiale de l'intérêt supérieur de l'enfant qui impose de veiller à ce que celui-ci entretienne des relations personnelles avec chacun de ses parents ; qu'au cas présent, en l'état d'une procédure de divorce introduite au Maroc par le père des enfants et qui devrait aboutir selon le code de la famille marocain à la déchéance du droit de garde pour la mère partie en France avec ses enfants pour violences sur ses enfants et sur elle-même, et alors que dans le cadre d'une médiation internationale Mme Z... a toujours accepté les visites du père en présence d'un tiers, la cour d'appel ne pouvait ordonner le retour immédiat au Maroc des enfants, motif pris de l'absence de preuve d'un risque grave du fait des violences du père sans rechercher si l'intérêt supérieur des enfants et leur droit à entretenir des relations personnelles avec chacun des deux parents n'était pas mieux assuré par leur maintien actuel en France privant ainsi sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

2°/ que la Convention bilatérale franco-marocaine du 10 août 1981 qui prévoit en son article 25 des exceptions au retour de l'enfant illicitement enlevé à l'étranger, énonce que dans l'appréciation des circonstances relatives à ces exceptions les autorités judiciaires prennent en considération les informations fournies par l'autorité centrale de l'Etat de la résidence habituelle de l'enfant, notamment sur sa situation sociale et sur la teneur des dispositions législatives concernant le droit de garde dans cet Etat ; qu'ainsi il appartenait à la cour d'appel de rechercher si les dispositions d'ordre public visant le droit de garde de l'enfant de cette Convention ne s'appliquait pas et qu'en s'en abstenant, la cour d'appel a violé l'article précité ;

3°/ qu'il résulte de l'article 13 de la Convention de La Haye que le risque de danger grave ou de création d'une situation intolérable doit être recherchée au moment de la réunion de l'enfant avec le parent qui invoque le retour de l'enfant ; qu'il est acquis que c'est lors de l'instruction de la plainte pour violences de Mme Z... que les enfants ont évoqué devant les services de police la peur de leur père pour eux-mêmes et pour leur mère, et qu'examinés dans le cadre de cette enquête par une psychologue et un inspecteur de psychiatrie infanto-juvenile, tous deux ont indiqué que la crédibilité de leur propos ne faisait pas de doute, que les enfants auront besoin d'un suivi psychologique sur du long terme et qu'ils sont en danger en présence de leur père ; que la cour d'appel ne pouvait écarter ces éléments résultant d'une enquête de police menée par des personnes habilitées qui ont été en présence des enfants avant un éventuel retour au Maroc au bénéfice de témoignages de personnes privées résidant au Maroc, sans contact récent avec les enfants et à la seule demande de leur père sans violer l'article susvisé ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article 13, b, de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants qu'il ne peut être fait exception au retour immédiat de l'enfant que s'il existe un risque de danger grave ou de création d'une situation intolérable ; que, dans l'appréciation de ces circonstances, les autorités judiciaires ou administratives doivent tenir compte des informations fournies par l'autorité centrale ou toute autre autorité compétente de l'Etat de la résidence habituelle de l'enfant sur sa situation sociale ;

Qu'aux termes de l'article 34 de cette Convention, celle-ci n'empêche pas qu'un autre instrument international liant l'Etat d'origine et l'Etat requis ne soit invoqué pour obtenir le retour d'un enfant qui a été déplacé ou retenu illicitement ;

Qu'il résulte de l'article 25 de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981 relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire qu'il ne peut être fait exception à la remise immédiate de l'enfant que si la personne qui l'a déplacé ou retenu établit que sa remise serait de nature à mettre gravement en cause sa santé ou sa sécurité en raison de la survenance d'un événement de gravité exceptionnelle depuis l'attribution de la garde ; que, dans l'appréciation de ces circonstances, les autorités judiciaires prennent en considération les informations fournies par l'autorité centrale de l'Etat de la résidence habituelle de l'enfant, notamment sur sa situation sociale et sur la teneur des dispositions législatives concernant le droit de garde dans cet Etat ;

Que, selon l'article 3, § 1, de la Convention de New York du 20 novembre 1989, les exceptions au retour doivent être appréciées en considération primordiale de l'intérêt supérieur de l'enfant ;

Attendu, d'abord, que la cour d'appel ayant, lorsqu'elle a statué sur la garde des enfants, procédé à la recherche prétendument omise relative à la teneur du droit marocain, le moyen, en ce qu'il lui reproche de ne pas avoir effectué cette recherche, n'est pas fondé ;

Attendu, ensuite, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et la portée des éléments de preuve soumis à son examen que la cour d'appel a estimé que Mme Z... ne rapportait pas la preuve du danger grave encouru par les enfants en cas de retour immédiat au Maroc, au sens des textes précités, de sorte que leur intérêt supérieur et leur droit à entretenir des relations personnelles avec leurs deux parents commandaient que leur retour dans l'Etat de leur résidence habituelle soit ordonné ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Bouthors , avocat aux Conseils, pour Mme Z...

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir ordonné le retour des enfants Nosra K..., née le [...]           à Saint Brieuc, Al Madhi K... , né le [...]      à Saint Brieuc, Malik K..., né le [...]      à Saint Brieuc et Halima K..., née [...] à Saint-Brieuc, au Maroc dans un délai de 15 jours à compter du prononcé de l'arrêt

Aux motifs que « la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 dispose, en son article 3, que le déplacement ou le non-retour d'un enfant est considéré comme illicite :

a) lorsqu'il a lieu "en violation d'un droit de garde", attribué à une personne, une institution ou tout autre organisme, seul ou conjointement, par le droit de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour et

b) que "ce droit était exercé de façon effective, seul ou conjointement", au moment du déplacement ou du non-retour, ou l'eut été si de tels événements n'étaient pas survenus; ".

Le droit de garde ci-dessus visé au § a) peut, notamment, résulter d'une attribution de plein droit, d'une décision judiciaire ou administrative, ou d'un accord en vigueur selon le droit de cet Etat.

Il n'est pas contesté que préalablement au départ de Mme Z... , les époux vivaient ensemble au domicile familial avec leurs quatre enfants ; que le droit de garde, qui concerne la personne de l'enfant et sa protection physique, était exercé de manière effective par chacun des parents, avant le déplacement, le droit marocain prévoyant que la garde de l'enfant incombe au père et à la mère tant que les liens conjugaux subsistent (article 164 du code de la famille).

La décision querellée doit ainsi être confirmée en ce qu'elle a indiqué que les deux conditions de 1" article 3 de la Convention étaient réunies et constaté l'existence d'un déplacement illicite des enfants.

Les dispositions de l'article 13 de la convention prévoient des exceptions au retour, notamment :
« lorsqu'il existe un risque grave que le retour de l'enfant ne l'expose à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable,
lorsque l'enfant a atteint un âge et une maturité où il se révèle approprié de tenir compte de son opposition à son retour. »

Pour retenir l'existence du risque grave, le premier juge, en l'absence de certificat médical faisant expressément référence à des violences commises par M. A... Z..., a visé les auditions des enfants, qui ont évoqué la peur de leur père pour eux-mêmes et pour leur mère. Il a rappelé que "les violences à l'égard d'un parent devant l'enfant constituent des violences psychologiques graves" et mentionné également l'information préoccupante effectuée par un éducateur spécialisé relatant des propos inquiétants des enfants à l'égard de leur père.

En effet, pour démontrer le risque grave concernent les enfants, Mme Y... C... se prévaut des auditions des enfants intervenues pendant l'instruction de la plainte pour violences déposée à l'encontre de son mari postérieurement à son arrivée en France ; des examens réalisés par Mme D..., psychologue ; du rapport déjà cité rédigé par l'éducateur spécialisé et de certificats médicaux établis dans le cadre du suivi psychologique dont ils font l'objet.

Parmi les pièces produites par M. A... K..., le Docteur E..., pédiatre à Casablanca, indique qu'il n'a constaté au cours de ses consultations des enfants aucune forme de maltraitance; le Docteur F..., généraliste, précise également dans son attestation n'avoir vu aucun signe pouvant laisser supposer une maltraitance chez les enfants ; selon Mme G..., directrice de l'école fréquentée par les aînés, M. A... K... venait régulièrement déposer ou récupérer ses enfants aux heures de début et de fin de classe ; plusieurs planches photographiques montrent le père et les quatre enfants dans des instants de proximité et un environnement détendu ; d'autres documents attestent de ce que M. A... K... fait l'objet d'excellentes appréciations en sa qualité de professeur agrégé ; il produit également le témoignage particulièrement circonstancié de son frère qui indique qu'il s'occupait très bien de ses enfants (pièce n°l 1) et qui estime que ses neveux et nièces subissent constamment des pressions physiques et psychologiques de la part de leur mère et de sa soeur Zohra ; Mme Karima H..., amie du couple, mentionne en pièce 16 que les enfants étaient très attachés à leur père.

La parole des deux aînés, qui sont de jeunes enfants âgés de 9 ans et de 7 ans à l'époque de leur audition, doit, au regard de ces éléments contraires, être appréciée avec circonspection et ce alors même qu'ils vivent avec leur mère depuis fin août 2015 et qu'ils n'ont eu depuis que des contacts très réduits avec leur père, aucun accord n'ayant été trouvé quant aux visites du père en France.

Certes, la nécessité de leur suivi psychologique est affirmée par le docteur I..., psychiatre. Néanmoins, il ne peut être exclu que les troubles qu'ils présentent soient à mettre en relation avec le conflit parental et leur déracinement familial consécutif au déplacement illicite.

Au demeurant, les résultats scolaires des deux aînés sont bons.

Par ailleurs, il est avéré que la soeur de l'épouse chez laquelle Mme Y... C... a. trouvé refuge a été mise en examen pour des faits de violences à l'égard d'un mineur, circonstance qui, comme le souligne le ministère public, ne permet pas à Mme Y... C... de justifier d'un motif de protection s'opposant au retour des enfants.

La cour observe également que le droit marocain permet désormais à l'épouse d'initier une procédure de divorce et de faire valoir les violences alléguées, sans pour autant déraciner les enfants du Maroc en partant de manière illicite.

En définitive, Mme Y... C... ne rapporte pas la preuve du risque grave invoqué qui, seul, permettrait de ne pas faire application du principe posé par la Convention de La Haye, en l'occurrence le retour immédiat des enfant.

Il convient, en conséquence, d'infirmer la décision dont appel de ce chef et d'ordonner le retour des quatre enfants au Maroc dans un délai de 15 jours après le prononcé de l'arrêt. »

1°) alors que, d'une part, il résulte de l'article 13 b de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur l'enlèvement international d'enfants et des articles 3-1 et 9-3 de la Convention de New York sur les droits de l'enfant qu'il ne peut être fait exception au retour immédiat de l'enfant que s'il existe un risque de danger grave ou de création d'une situation intolérable et que ces circonstances doivent être appréciées en considération primordiale de l'intérêt supérieur de l'enfant qui impose de veiller à ce que celui-ci entretienne des relations personnelles avec chacun de ses parents ; qu'au cas présent, en l'état d'une procédure de divorce introduite au Maroc par le père des enfants et qui devrait aboutir selon le code de la famille marocain à la déchéance du droit de garde pour la mère partie en France avec ses enfants pour violences sur ses enfants et sur elle-même, et alors que dans le cadre d'une médiation internationale Mme Z... a toujours accepté les visites du père en présence d'un tiers, la cour d'appel ne pouvait ordonner le retour immédiat au Maroc des enfants, motif pris de l'absence de preuve d'un risque grave du fait des violences du père sans rechercher si l'intérêt supérieur des enfants et leur droit à entretenir des relations personnelles avec chacun des deux parents n'était pas mieux assuré par leur maintien actuel en France privant ainsi sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

2°) alors qu'en tout état de cause, Mme Z... avait précisément fait valoir dans ses conclusions d'appel (conclusions produites p. 7) qu'elle ne s'était jamais opposée à toute tentative de médiation acceptant des rencontres entre le père et ses enfants dans un cadre sécurisé destiné à l'apaisement de la situation ; qu'ainsi la cour d'appel ne pouvait pour justifier le retour des enfants au Maroc affirmer qu'aucun accord n'avait été trouvé quant aux visites du père en France sans dénaturer les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

3°) alors qu'en outre, la Convention bilatérale franco-marocaine du 10 août 1981 qui prévoit en son article 25 des exceptions au retour de l'enfant illicitement enlevé à l'étranger, énonce que dans l'appréciation des circonstances relatives à ces exceptions les autorités judiciaires prennent en considération les informations fournies par l'autorité centrale de l'Etat de la résidence habituelle de l'enfant, notamment sur sa situation sociale et sur la teneur des dispositions législatives concernant le droit de garde dans cet Etat ; qu'ainsi il appartenait à la cour d'appel de rechercher si les dispositions d'ordre public visant le droit de garde de l'enfant de cette convention ne s'appliquait pas et qu'en s'en abstenant, la cour d'appel a violé l'article précité ;


4°) alors qu'enfin, il résulte de l'article 13 de la convention de la Haye que le risque de danger grave ou de création d'une situation intolérable doit être recherchée au moment de la réunion de l'enfant avec le parent qui invoque le retour de l'enfant ; qu'il est acquis que c'est lors de l'instruction de la plainte pour violences de Mme Z... que les enfants ont évoqué devant les services de police la peur de leur père pour eux-mêmes et pour leur mère, et qu'examinés dans le cadre de cette enquête par une psychologue et un inspecteur de psychiatrie infanto-juvenile, tous deux ont indiqué que la crédibilité de leur propos ne faisait pas de doute, que les enfants auront besoin d'un suivi psychologique sur du long terme et qu'ils sont en danger en présence de leur père; que la cour d'appel ne pouvait écarter ces éléments résultant d'une enquête de police menée par des personnes habilitées qui ont été en présence des enfants avant un éventuel retour au Maroc au bénéfice de témoignages de personnes privées résidant au Maroc, sans contact récent avec les enfants et à la seule demande de leur père sans violer l'article susvisé.



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Cette décision est visée dans la définition :
Pouvoir Souverain


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.