par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 1, 25 mars 2009, 08-14119
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
25 mars 2009, 08-14.119
Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Garantie
Propriété intellectuelle
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que la société française Reuven's II, commercialise sous l'enseigne Sinequanone, des articles de prêt-à-porter pour femmes à travers ses propres boutiques et des détaillants multimarques et détient des droits d'auteurs sur différents modèles ; qu'informé par un de ses clients, distributeurs de ses modèles en Allemagne, que la société danoise Saint-Tropez montrait dans son "show room" à Hambourg des articles qui semblaient être des copies, la société Reuven's II a fait commander en France, par une boutique, les modèles contrefaits ; qu'après avoir fait procéder à l'ouverture des cartons par un huissier de justice, la société Reuven's II a assigné en contrefaçon et concurrence déloyale, la société Saint-Tropez devant le tribunal de commerce de Paris qui s'est déclaré incompétent ; que la société Reuven's II a formé un contredit ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Saint-Tropez fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 20 février 2008), d'avoir reconnu les juridictions françaises compétentes pour statuer sur les demandes formées par la société Reuven's II, alors, selon le moyen :
1°/ que l'article 5-3 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 suppose que la localisation d'un dommage sur le territoire du juge saisi ne soit pas l'effet d'une fraude ou d'une manipulation destinée à faire apparaître artificiellement d'un dommage sur le territoire du juge dont le demandeur souhaite voir consacrer la compétence ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'existence d'un dommage sur le territoire français, à la supposer établie, n'était pas l'effet d'un artifice, dès lors que la société Reuven's II avait elle-même exposé dans son assignation qu'elle entendait agir à raison de la mise en vente de produits contrefaits sur le territoire allemand, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 5-3 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 ;
2°/ que la compétence du lieu où s'est produit le dommage au sens de l'article 82-5 du règlement (CE) n° 6/2002 du 12 décembre 2001 doit être écartée dès lors que l'allégation du dommage, consécutive à une fraude ou à une manipulation, est l'effet d'un artifice ; qu'en s'abstenant de rechercher si tel n'était pas le cas, les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale au regard de l'article 82-5 du règlement (CE) n° 6/2002 du 12 décembre 2001 ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la société Saint-Tropez avait été sollicitée par des voies qu'elle n'avait aucunement tenues pour anormales et que les ventes réalisées, qui portaient sur plus de cent articles, avaient été opérées sans difficulté particulière ni quelconque réticence de la part de cette société dans un laps de temps bref et qu'elles avaient abouti à des livraisons à Paris, où le fait dommageable invoqué s'était produit, la cour d'appel en a exactement déduit que les juridictions françaises étaient compétentes ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Saint-Tropez fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsque la compétence est fondée sur l'article 5-3 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, un préjudice étant localisé sur le territoire de l'Etat membre dont dépend le juge saisi, ce dernier n'est compétent qu'à l'égard des préjudices qui se sont produits sur ce territoire ; qu'en s'abstenant de rechercher si les demandes formées par la société Reuven's II ne correspondaient pas à des faits ayant produit leurs conséquences sur des territoires autres que le territoire de l'Etat français et si, dès lors, la compétence des juridictions françaises ne devait pas être limitée aux seules demandes fondées sur les faits dont les conséquences se sont produites en France, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 5-3 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 ;
2°/ qu'en s'abstenant de rechercher si la compétence des juridictions françaises ne devait pas être limitée, s'agissant de la contrefaçon, aux seuls faits ayant produit des effets sur le territoire français, les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale au regard de l'article 82-5 du règlement (CE) n° 6/2002 du 12 décembre 2001 ;
Mais attendu que la cour d'appel a limité la compétence des juridictions françaises aux faits dommageables produits en France, que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Saint-Tropez A/S aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils pour la société Saint-Tropez A/S.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a reconnu les juridictions françaises compétentes pour statuer sur les demandes formées par la Société REUVEN'S II : injonction à la Société SAINT-TROPEZ de cesser la création et la diffusion des marchandises, destruction des marchandises en stock et octroi de dommages et intérêts au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale ;
AUX MOTIFS QUE « la Société REUVEN'S II a produit un procès-verbal de constat d'huissier établi à sa requête le 6 octobre 2006 par Me Y..., huissier de justice associé à PARIS, qui a constaté que celle-ci lui présentait dans ses locaux des cartons expédiés à PARIS, à FASHION DIF Julie GEDEON, par la Société SAINT-TROPEZ dont l'adresse est à HELLEBAEK ; qu'il a procédé à l'ouverture de ces cartons et à des constatations relatives aux vêtements portant l'étiquette « SAINT TROPEZ » placés dans ceux-ci ; qu'il a annexé la facture établie par la Société SAINT-TROPEZ relativement à ces vêtements, au nom de FASHION DIF Julie GEDEON, Galerie Saint-Didier, 14 rue des Sablons 75016 PARIS, destinataire de l'envoi ; qu'elle a versé aux débats un second procès-verbal de constat dressé par le même huissier le 8 novembre suivant, toujours à sa demande, établissant l'envoi par la Société SAINT-TROPEZ de deux autres cartons de vêtements à FASHION DIF Julie GEDEON, 14 rue des Sablons, avec établissement de la facture correspondante ; qu'il est indifférent que les commandes effectuées soient sans relation avec le site internet de la Société SAINT-TROPEZ et qu'il résulte sans équivoque des constatations susvisées que celle-ci, sollicitée par des voies qu'elle n'a aucunement tenues pour anormales, a vendu à plusieurs reprises des produits à une cliente parisienne à laquelle elle les a adressés avec sa facture ; qu'en vain la Société SAINT-TROPEZ indique qu'elle diffuse en réalité ses produits dans les pays de l'Europe du Nord et que la Société REUVEN'S II est dans l'incapacité de justifier de commercialisations en France autres que celles, très marginales, qu'elle a provoquées ; qu'en effet, les ventes ainsi réalisées, qui portent sur plus de cent articles, ont été opérées sans difficulté particulière ni quelconque réticence de sa part, dans un laps de temps dont il n'est pas contesté qu'il a été bref, et qu'elles ont abouti à des livraisons à PARIS, où le fait dommageable invoqué s'est donc produit ; que la mise en cause de tiers ayant passé les commandes ou été destinataires des marchandises n'est en rien nécessaire, l'action étant exercée par la Société REUVEN'S II au titre d'actes de contrefaçon et de concurrence déloyale qu'elle impute à la seule Société SAINT-TROPEZ ; que cette dernière, eu égard au fondement juridique de la demande, qui est délictuel, fait tout aussi inutilement état de stipulations contractuelles et de ses conditions générales de vente ; qu'en conséquence, le Tribunal de commerce a accueilli à tort l'exception, alors qu'en tant que juridiction de l'Etat contractant de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 dans le ressort de laquelle le fait dommageable s'est produit, elle doit connaître de l'affaire ( ) » (arrêt, p. 2, dernier § et p. 3, § 1 à 6) ;
ALORS QUE, premièrement, l'article 5-3 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 suppose que la localisation d'un dommage sur le territoire du juge saisi ne soit pas l'effet d'une fraude ou d'une manipulation destinée à faire apparaître artificiellement d'un dommage sur le territoire du juge dont le demandeur souhaite voir consacrer la compétence ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'existence d'un dommage sur le territoire français, à la supposer établie, n'était pas l'effet d'un artifice, dès lors que la Société REUVEN'S II avait elle-même exposé dans son assignation qu'elle entendait agir à raison de la mise en vente de produits contrefaits sur le territoire allemand, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 5-3 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 ;
Et ALORS QUE, deuxièmement et de la même façon, la compétence du lieu où s'est produit le dommage au sens de l'article 82-5 du règlement (CE) n° 6/2002 du 12 décembre 2001 doit être écartée dès lors que l'allégation du dommage, consécutive à une fraude ou à une manipulation, est l'effet d'un artifice ; qu'en s'abstenant de rechercher si tel n'était pas le cas, les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale au regard de l'article 82-5 du règlement (CE) n° 6/2002 du 12 décembre 2001 ;
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a reconnu les juridictions françaises compétentes pour statuer sur les demandes formées par la Société REUVEN'S II : injonction à la Société SAINT-TROPEZ de cesser la création et la diffusion des marchandises, destruction des marchandises en stock et octroi de dommages et intérêts au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale ;
AUX MOTIFS QUE « la Société REUVEN'S II a produit un procès-verbal de constat d'huissier établi à sa requête le 6 octobre 2006 par Me Y..., huissier de justice associé à PARIS, qui a constaté que celle-ci lui présentait dans ses locaux des cartons expédiés à PARIS, à FASHION DIF Julie GEDEON, par la Société SAINT-TROPEZ dont l'adresse est à HELLEBAEK ; qu'il a procédé à l'ouverture de ces cartons et à des constatations relatives aux vêtements portant l'étiquette « SAINT TROPEZ » placés dans ceux-ci ; qu'il a annexé la facture établie par la Société SAINT-TROPEZ relativement à ces vêtements, au nom de FASHION DIF Julie GEDEON, Galerie Saint-Didier, 14 rue des Sablons 75016 PARIS, destinataire de l'envoi ; qu'elle a versé aux débats un second procès-verbal de constat dressé par le même huissier le 8 novembre suivant, toujours à sa demande, établissant l'envoi par la Société SAINT-TROPEZ de deux autres cartons de vêtements à FASHION DIF Julie GEDEON, 14 rue des Sablons, avec établissement de la facture correspondante ; qu'il est indifférent que les commandes effectuées soient sans relation avec le site internet de la Société SAINT-TROPEZ et qu'il résulte sans équivoque des constatations susvisées que celle-ci, sollicitée par des voies qu'elle n'a aucunement tenues pour anormales, a vendu à plusieurs reprises des produits à une cliente parisienne à laquelle elle les a adressés avec sa facture ; qu'en vain la Société SAINT-TROPEZ indique qu'elle diffuse en réalité ses produits dans les pays de l'Europe du Nord et que la Société REUVEN'S II est dans l'incapacité de justifier de commercialisations en France autres que celles, très marginales, qu'elle a provoquées ; qu'en effet, les ventes ainsi réalisées, qui portent sur plus de cent articles, ont été opérées sans difficulté particulière ni quelconque réticence de sa part, dans un laps de temps dont il n'est pas contesté qu'il a été bref, et qu'elles ont abouti à des livraisons à PARIS, où le fait dommageable invoqué s'est donc produit ; que la mise en cause de tiers ayant passé les commandes ou été destinataires des marchandises n'est en rien nécessaire, l'action étant exercée par la Société REUVEN'S II au titre d'actes de contrefaçon et de concurrence déloyale qu'elle impute à la seule Société SAINT-TROPEZ ; que cette dernière, eu égard au fondement juridique de la demande, qui est délictuel, fait tout aussi inutilement état de stipulations contractuelles et de ses conditions générales de vente ; qu'en conséquence, le Tribunal de commerce a accueilli à tort l'exception, alors qu'en tant que juridiction de l'Etat contractant de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 dans le ressort de laquelle le fait dommageable s'est produit, elle doit connaître de l'affaire ( ) » (arrêt, p. 2, dernier § et p. 3, § 1 à 6) ;
ALORS QUE, premièrement, lorsque la compétence est fondée sur l'article 5-3 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, un préjudice étant localisé sur le territoire de l'Etat membre dont dépend le juge saisi, ce dernier n'est compétent qu'à l'égard des préjudices qui se sont produits sur ce territoire ; qu'en s'abstenant de rechercher si les demandes formées par la Société REUVEN'S II ne correspondaient pas à des faits ayant produit leurs conséquences sur des territoires autres que le territoire de l'Etat français et si, dès lors, la compétence des juridictions françaises ne devait pas être limitée aux seules demandes fondées sur les faits dont les conséquences se sont produites en France, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 5-3 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 ;
Et ALORS QUE, deuxièmement et de la même façon, en s'abstenant de rechercher si la compétence des juridictions françaises ne devait pas être limitée, s'agissant de la contrefaçon, aux seuls faits ayant produit des effets sur le territoire français, les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale au regard de l'article 82-5 du règlement (CE) n° 6/2002 du 12 décembre 2001.
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Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Garantie
Propriété intellectuelle
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.