par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 19 novembre 2009, 08-20528
Dictionnaire Juridique

site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cour de cassation, 2ème chambre civile
19 novembre 2009, 08-20.528

Cette décision est visée dans la définition :
Revirement




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Joint les pourvois n° D 08 20. 528 et F 08 21. 220 ;

Sur le troisième moyen du pourvoi n° D 08 20. 528 et le moyen unique du pourvoi n° F 08 21. 220, pris en ses première et deuxième branches, réunis :

Vu l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que si ce texte permet à l'Etat de limiter le droit d'accès à un tribunal dans un but légitime, c'est à la condition que la substance même de ce droit n'en soit pas atteinte et que, si tel est le cas, les moyens employés soient proportionnés à ce but ; et attendu que la sécurité juridique, corollaire du droit à un procès équitable prévu par ce même texte, ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence immuable dont l'évolution relève de l'office du juge dans l'application du droit ;


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'EURL X..., se prévalant de la suspension des poursuites consécutive à sa demande d'admission au dispositif de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée, a obtenu d'un juge des référés la radiation des sûretés prises sur son fonds de commerce par le comptable des impôts de Saint Nazaire Sud Est (le comptable public) et par le Crédit Lyonnais ainsi que des saisies conservatoires pratiquées à leur requête, de même que la mainlevée de l'opposition sur le prix de vente de ce fonds formée par le comptable public ;

Attendu que pour refuser de rechercher, comme elle y était invitée, si la suspension des poursuites instituée par le dispositif de désendettement des rapatriés était contraire aux garanties du procès équitable, et pour confirmer l'ordonnance, l'arrêt retient que l'évolution jurisprudentielle marquée par l'arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de cassation du 7 avril 2006 ne peut s'appliquer à l'EURL X... dès lors que, par sa demande déposée antérieurement à cette décision, celle ci a entendu bénéficier du dispositif de désendettement des rapatriés ;

Qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux premiers moyens du pourvoi n° D 08 20. 528 et sur la troisième branche du moyen unique du pourvoi n° F 08 21. 220 :

CASSE ET ANNULE, l'arrêt rendu le 9 septembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes, sauf en ses dispositions déclarant irrecevable l'exception d'incompétence d'attribution soulevée par le Crédit lyonnais ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne l'EURL X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'EURL X... à payer à la société Crédit lyonnais la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi n° D 08 20. 528 par Me Foussard, avocat aux Conseils pour le comptable des împôts de Saint Nazaire Sud est.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a confirmé l'ordonnance du 14 février 2006 ayant ordonné la mainlevée de l'opposition formée par le comptable des impôts de Saint Nazaire Sud-Est, la radiation des sûretés prises sur le fonds de commerce de l'EURL X... ainsi que la radiation de toutes les saisies conservatoires du chef des créanciers assignés par l'EURL ;

AUX MOTIFS QUE « A)- Sur l'irrecevabilité de l'exception ratione materiae :
Considérant qu'aux termes de l'article 74 du Code de Procédure Civile, les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir ; qu'il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public ; Que la demande de communication de pièces ne constitue pas une cause d'irrecevabilité des exceptions ; Que les dispositions de l'alinéa premier ne font pas non plus obstacle à l'application des articles 103, 111, 112 et 118 du Code de Procédure Civile ; Que dans le cas d'espèce, le LCL (Crédit Lyonnais) n'a pas respecté ces règles ; Qu'en particulier la décision de la présente instance mentionne " La Société Crédit Lyonnais marque son accord sur la demande de mainlevée de son opposition reconnaissant qu'elle n'a pas été faite dans les formes légales ", ce qui constitue bien un moyen de fond ; Que par conséquent, son exception d'incompétence est irrecevable ; B)- Sur le fond ; 1- La situation avant le 7 avril 2006 ; a) La créance payable de la Recette des Impôts : Considérant que comme en première instance, la recette des impôts au contraire du Trésorier payeur de la Baule entend mettre entre parenthèses l'ensemble de la jurisprudence et la décision de la Cour d'Appel de RENNES en date du 7 juillet 2005 qui a statué sur la portée de la loi sur les rapatriés à l'égard des dettes fiscales ; Qu'en application de cette décision, L'EURL X... reconnaît être redevable au regard des documents versés au cours de la procédure d'une somme de 26. 990, 49 euros à l'égard de la recette des impôts et donne son accord sur ce paiement par le séquestre ; Que la recette des Impôts demandait hier comme aujourd'hui beaucoup plus que ce que la loi lui accorde ; Que ces prétentions doivent rejetées ; b) Le régime légal des dettes fiscales ; Considérant que c'est la volonté du législateur et non du pouvoir exécutif ; Que celui-ci en d'autres occasions est intervenu à travers des décrets pour étendre les périodes du bénéfice de ce dispositif ; Que dernièrement, le législateur est intervenu de manière remarquée d'une part pour englober les dettes fiscales (loi rectificative des finances 2000) d'une part et d'autre part en régularisant les déclarations faites au-delà de la date fixée par un décret gouvernemental de 1999 extrêmement restrictif qui avait ouvert une période de déclaration très courte (quelques semaines) et plus précisément en régularisant toutes les déclarations faite du mois d'août 1999 à mars 2002 ; Que c'est dire que le législateur corrige en ce domaine la vision restrictive du pouvoir exécutif et que l'on ne saurait considérer qu'une réponse gouvernementale à la question d'un parlementaire serait la traduction de la volonté du législateur en ce domaine ; Que c'est pourquoi, il y a lieu d'écarter la réponse du ministre des finances, chef de l'administration fiscale sur la portée de l'article 62 de la loi de finances à l'égard de l'administration des impôts ; Qu'elle ne saurait engager ni la représentation nationale ni réviser la position adoptée par les juridictions judiciaires ; Que de ce texte, il ressort qu'il y a un sursis à paiement et qu'il ne peut y avoir aucune poursuite ; qu'il n'est indiqué aucun régime particulier pour les dettes fiscales entrant dans le dispositif de la Loi sur les rapatriés ; e) Les mesures conservatoires : Considérant que la portée donnée par les juridictions à l'ensemble de la législation des rapatriés ne saurait souffrir d'exception au profit de l'administration fiscale dès lors que le texte qui vise les dettes fiscales antérieures au 31 juillet1999 n'en comporte pas ; Que la Cour de Cassation a rappelé systématiquement que la loi sur les rapatriés vise les mesures conservatoires et les actions en paiement ; Que les privilèges ou autres nantissements sont des mesures conservatoires ; Qu'en de nombreuses occasions, les décisions versées aux débats ont jugé que les sûretés subissent le même sort ; Qu'en application de cette jurisprudence, la Cour d'Appel de céans dans l'arrêt du 7 juillet 2005 a ordonné la mainlevée d'ATD mais également aurait ordonné la mainlevée du privilège du TRESOR si celui-ci ne l'avait pas fait radié auparavant avant qu'elle ne statue ; Que de la même façon, l'affirmation selon laquelle les mesures telles que des saisies, nantissements antérieurs à la demande de bénéficier de la loi sur les rapatriés résisteraient est totalement condamnée par un arrêt de la Cour d'Appel de céans du 17juin 2004 ; Que dans le cas d'espèce, le créancier avait le même discours que l'administration fiscale ; Que la loi du 30 décembre 1997 en ses dispositions de l'article 100 et la loi de modernisation sociale du 7 janvier 2002 ne permettaient pas de suspendre toute mesure d'exécution y compris conservatoire quand bien même ces mesures avaient été validées de manière définitive dans le cadre de décisions précédentes ayant l'autorité de la chose jugée ; Que le créancier a été condamné à restituer les sommes perçues au titre de ces saisies Que le bénéfice de la loi s'applique, en effet, à quelque dette que ce soit et quelque soit la date à laquelle est née la dette sauf en ce qui concerne les dettes fiscales puisque les dettes postérieures au 31juillet 1999 ne sont pas visées par le dispositif ; Que toutefois, il ne saurait y avoir un régime particulier pour les dettes fiscales antérieures au 31juillet 1999, cela ne ressortant ni de la loi ni de la jurisprudence ; d)- La solution procédurale offerte par la loi n° 69-992 du 6 novembre 1969 : Considérant que la loi sur les rapatriés est une loi d'exception exorbitante du droit commun qui supplante d'ailleurs des lois qui jusqu'alors avait une primauté d'application sur les autres ; Qu'à titre d'exemple d'imputation, l'on peut citer la loi sur les faillites ; Que tant la loi de 1967 que celle de 1985 sont écartées lorsqu'un débiteur revendique la qualité de rapatrié ; Que de la même façon, les procédures de distribution sont inopérantes au motif qu'elles impliquent un paiement et que la portée donnée au nantissement ou au privilège par la recette des Impôts relève d'une erreur sur la nature de ceux-ci ; Qu'en effet, comme les hypothèques ils ont deux aspects :- un aspect conservatoire,- un paiement préférentiel ; Que la Cour de Cassation rappelle sans cesse, suivie en cela par la Cour d'Appel de RENNES, que la loi sur les rapatriés vise les mesures conservatoires quelle que soit la date à laquelle est née la dette ; Que lorsqu'elle affirme cela, elle vise la loi du 6 novembre 1969 ; Que la recette des impôts a cru trouver dans un arrêt de la Cour d'Appel de MONTPELLIER en date du octobre 2002 matière à étayer son argumentation ; Que cette même Cour statuant sur un cas similaire a été cassée par la Cour de cassation le 13 janvier2005 ; Qu'il apparaît manifeste que la position de la Cour d'Appel de MONTPELLIER est totalement isolée mais Surtout qu'elle entend de manière maladroite s'opposer au bénéfice de la loi sur les rapatriés ; Qu'elle affirmait que : l'ensemble des dispositions légales n'a pour finalité que de contribuer à un désendettement, et n'a pas pour objet d'apporter des dérogations aux conditions légales dans lesquelles une activité doit être exercée ; qu'en particulier, cet ensemble ne peut abroger les règles relatives à l'affiliation à la Caisse des congés ; qu'en outre actuellement, il ne s'agit pas de poursuites mais du prononcé d'une mesure coercitive afin que la société se soumette à une obligation de déclaration, en sorte qu'une suspension ne peut être admise ; Ce à quoi la Cour de Cassation a répondu que l'action tendant à l'allocation d'une condamnation pécuniaire, l'instance en fixation d'une astreinte constituait un acte de poursuite au sens de l'article 100 de la loi du 30 décembre 1997 précitée, la Cour d'Appel a violé les textes susvisés ; Que l'on doit justement considérer que la Cour d'Appel de MONTPELLIER a violé la loi ce d'autant plus qu'une loi existe, il s'agit de la loi n° 69-992 du 6 novembre 1969 instituant des mesures de protection juridique en faveur des rapatriés et de personnes dépossédées de leurs biens outre-mer, dans ses articles 5 et 6 ; Que par conséquent, le raisonnement développé plus haut. est confirmé par la loi du 6 novembre 1969 ; Que la lecture de cette loi et de celles qui suivent met en évidence un certain nombre de points :- l'article i abrogé par la loi du 70-632 du 15 juillet 1970 en ce que c'était un dispositif provisoire, visait les obligations quelques soient leur nature et la forme du titre qui les constate,- seul l'article 2 vise les établissements bancaires,- l'article 3 vise tout créancier,- l'article vise les faillites,- les articles 5 et 6 les modalités de radiation des sûretés,- les articles 7 et 8 mettent en évidence que les bénéficiaires de ces sûretés ne concernent pas seulement les banques, Que tout l'argumentaire de la Recette des Impôts est donc vain ; que peu importe la date de naissance de la dette, peu importe que le débiteur ait consenti une sûreté, elles cesseront de produire effet sur la seule demande du débiteur ; Que ce n'est certainement pas l'arrêt du 22 avril 1974 de la Cour de Cassation évoquée par l'administration fiscalequi contredit cette position ; Que la Cour de Cassation a rejeté la demande de rapatriés qui voulaient voir appliquer à des prêts consentis dans le cadre du dispositif légal c'est-à-dire de prêts consentis par la commission nationale des rapatriés le régime de la loi des rapatriés ; Que c'était impossible puisque le régime de la loi des rapatriés s'applique, en ce qui concerne la suspension des poursuites par les créanciers pour la période courant jusqu'à la décision définitive de la CONAIR et non après ; 2) La situation après le 7 avril 2006 : Considérant que l'arrêt du 7 avril 2006 de la Cour de Cassation ne marque pas un revirement imprévisible de jurisprudence qui est condamné par la Cour Européenne des Droits de l'homme mais l'abrogation d'une loi par une juridiction judiciaire ; Que le rôle de lajurisprudence est d'interpréter la loi et non de l'abroger rôle qui ne relève que du Parlement ; Que si tant est que l'on considère que la Cour de Cassation puisse déclarer une loi non conforme à un traité, pouvoir auquel le Conseil d'Etat a renoncé en ce qui concerne les règlements, l'article 2 du code civil dispose que la loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a point d'effet rétroactif ; Que dans son arrêt du 29janvier 1980 de la Cour de Cassation, a déclaré que la loi qui a consacré un principe nouveau n'est applicable qu'aux situations et rapports juridiques établis ou formés avant sa promulgation qu'autant qu'il n'en doit pas résulter la lésion des droits acquis, en l'espèce les situations juridiques résultant de décisions de justice antérieures passées en force de chose jugée ; Que dans le cas présent la Cour d'Appel de céans dans un arrêt du 7 juillet 2005 aujourd'hui définitif a statué sur la situation de L'EURL X... ; Que sur le plan européen, la Cour Européenne des Droits de l'Homme dans un arrêt du 16 décembre 1997 rappelant le principe de la sécurité juridique, a déclaré qu'une jurisprudence et une pratique constante pouvaient créer au fil des années une sécurité juridique à laquelle un justiciable pouvait légitimement se fier ; Que dans de précédentes écritures, il avait été relevé que dernièrement dans le domaine pénal (dont on pouvait penser que le principe serait étendu au domaine civil) par un arrêt du 10 octobre 2006 Pessino / France, la Cour Européenne des droits de l'homme a condamné la France pour un simple exemple de revirement de jurisprudence dès lors qu'il était imprévisible ; Que dans un arrêt du 17 janvier 2006 la CEDH a confirmé dans le domaine civil ce principe ; Que conformément à cet arrêt, la Cour de Cassation dans un arrêt du 21 décembre 2006, a posé en assemblée plénière le principe de la non-rétroactivité du revirement de jurisprudence ; Que d'ailleurs, la Cour de cassation dans un arrêt du 22 février 2007 a rappelé que le juge judiciaire ne pouvait se substituer au juge administratif pour statuer sur l'éligibilité d'une demande d'un rapatrié ; Que cet arrêt condamne la décision de la Cour d'Appel de RENNES qui a cru affirmer le contraire ; Que l'arrêt du 7 avril 2006 et ceux qui lui ont succédé ne peuvent s'appliquer à L'EURL X... dès lors qu'il est démontré qu'elle a entendu bénéficier de dispositions légales du dispositif sur les rapatriés le jour où elle a déposé sa demande auprès du Préfet, sauf à violer les articles 2 du code civil, 6 de la convention des droits de l'homme et le principe de la sécurité juridique consacré tant sur le plan national qu'européen ; Qu'en statuant dans un autre sens, la Cour de Cassation priverait L'EURL X... de sa possibilité de saisir la juridiction administrative pour statuer sur la validité de son recours ce qui est une violation de l'article 6 de la convention des droits de l'homme ; Que la jurisprudence et une pratique administrative et législative constante ont créé au fil des années une sécurité juridique à laquelle L'EURL X... pouvait légitimement se fier (50 ans de décisions judiciaires, 240 textes législatifs et réglementaires dans le même sens depuis 1960, les arrêts de la Cour d'Appel de PARIS ainsi que celle de RENNES qui ont statué dans le sens que l'article 100 de la loi de 1997 aujourd'hui déclaré non conforme à la convention des droits de l'homme l'était au moment où I'EURL X... a décidé de se placer sous la protection du dispositif sur les rapatriés et de cet article en particulier) ; Que L'EURL X... s'est déterminée au regard de la Loi applicable et de la jurisprudence antérieure au 7 avril 2006 ; qu'elle ne peut s'en voir privée en application des textes sus indiqués ; Qu'un jugement du 2 octobre 2007 du Tribunal de Grande Instance de PERIGUEUX considère que les droits du créancier sont respectés puisque la dette du rapatrié n'est pas éteinte, seule l'exigibilité est reportée ; Que par conséquent, la décision entreprise par devant la Cour d'Appel ne peut être analysée qu'à l'aune de l'état du droit antérieur au 7 avril 2006 puisque L'EURL X... a entendu bénéficier de ce régime avant cette date ; Qu'il apparaît de toute évidence que la décision du 14 février 2006 était conforme à l'état du droit applicable sauf à l'infirmer à l'égard du ClO et la société KRONENBOURG ; Qu'aux termes de cette décision, les sûretés prises par le CREDIT INDUSTRIEL DE L'OUEST et de la SA BRASSERIES KRONENBOURG, n'ont pas été radiées au motif que : " En ce qui concerne notamment les demandes formées à l'encontre du CREDIT INDUSTRIEL DE L'OUEST et de la SA BRASSERIES KRONENBOURG, en l'absence de justificatif d'identifier les actes auquel il a pu être procédé, il ne peut être fait droit à la demande " Qu'il s'agit d'une erreur matérielle car l'acte de mise en cause de ces deux sociétés comportait l'état des inscriptions permettant d'identifier les actes dont il était demandé la radiation ; Que c'est pourquoi, L'EURL X... sollicite la radiation de sûretés prises sur le fonds de commerce appartenant à L'EURL X... par le CIO et la SA BRASSERIE KRONENBOURG ; Que par conséquent, il convient de débouter les appelants de leurs demandes ; Considérant que la présente procédure de référé est fondée sur les dispositions de l'article 873 du code de procédure civile et L 141-14 du code de commerce ; Considérant que l'ordonnance du Juge des référés en date du 14 février 2006 sera confirmée en toutes ses dispositions, sauf à ordonner la radiation des sûretés prises sur le fonds de commerce appartenant à L'EURL X... par le CIO et la SA BRASSERIE KRONENBOURG ; Considérant que le comptable des Impôts de SAINT-NAZAIRE Sud-Est et le Crédit Lyonnais seront condamnés aux dépens, en raison de leur succombance ; Que l'équité commande d'allouer à L'EURL X... une somme de 2 000 en compensation de ses frais non répétibles de procédure » ;

ALORS QUE, dans ses conclusions d'appel signifiées le 15 octobre 2007, le comptable des impôts de Saint Nazaire Sud-Est a relevé que le 21 janvier 2005, le préfet avait rejeté la demande déposée par l'EURL le 17 décembre 2004 en raison de son caractère tardif (le délai de dépôt légal étant expiré depuis le 28 février 2002- cf. p. 4) ; qu'il a également relevé que l'EURL X... avait déposé un dossier tendant à l'obtention du bénéfice du dispositif sur le désendettement des rapatriés le 17 décembre 2004 tout en sachant que le délai de dépôt était expiré depuis plus de deux ans (cf. p. 7) ; qu'il a enfin rappelé (p. 8) que la Cour d'appel de Rennes avait auparavant « repris le principe du contrôle a minima des faits, en constatant le dépôt hors délai d'une demande d'admission au dispositif de désendettement des rapatriés, pour en déduire que ceux-ci ne justifiaient pas des conditions requises pour invoquer la suspension des poursuites, selon la dernière jurisprudence de la haute Cour (Cass. 2e 7 décembre 2006 pourvoi 06-13136) » ; que s'il n'appartient pas à une juridiction de l'ordre judiciaire, saisie d'une demande de bénéfice de la suspension des poursuites, d'apprécier la qualité réelle de rapatrié, pas plus que la recevabilité ou l'éligibilité de sa demande devant la commission ou la juridiction compétente, il ressort bien de sa compétence de constater que les dossiers ont ou n'ont pas été déposés dans le délai légal ou réglementaire fixé par ces textes, condition préalable requise pour pouvoir revendiquer le bénéfice de ladite législation (même arrêt du 7 décembre 2006) ; qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions du comptable sur l'irrecevabilité de la demande préalable de l'EURL, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 77 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a confirmé l'ordonnance du 14 févier 2006 ayant ordonné la mainlevée de l'opposition formée par le comptable des impôts de Saint Nazaire Sud-Est, la radiation des sûretés prises sur le fonds de commerce de l'EURL X... ainsi que la radiation de toutes les saisies conservatoires du chef des créanciers assignés par l'EURL ;

AUX MOTIFS QUE « à titre préliminaire il convient de rappeler qu'au contraire des affirmations péremptoires de la recette des impôts, l'opposition n'est pas déclarative et superfétatoire lorsqu'un créancier bénéficie d'une inscription sur un fonds de commerce ; lorsque l'opposition est nulle, l'inscription tombe, seul le droit de suite subsiste, ce qui implique que toutes les observations faites sur les créances de la recette des impôts ont pour effet que la recette des impôts ne bénéficie d'aucune inscription valable ; en ce qui concerne le droit de suite, la Cour de Cassation, reprise par la Cour d'appel de Rennes dans un arrêt du 7 juillet 2004, et la loi se sont déjà prononcées dans le même sens ; comme en première instance, la recette des impôts au contraire du Trésorier payeur de la Baule entend mettre entre parenthèses l'ensemble de la jurisprudence et la décision de la Cour d'appel de Rennes en date du 7 juillet 2005 qui a statué sur la portée de la loi sur les rapatriés à l'égard des dettes fiscales ; en application de cette décision, l'EURL X... reconnaît être redevable au regard des documents versés au cours de la procédure d'une somme de 26 990, 49 à l'égard de la recette des impôts et donne son accord sur ce paiement par le séquestre ; la recette des impôts demandait hier comme aujourd'hui beaucoup plus que la loi lui accorde ; ces prétentions doivent être rejetées ; … … … …. ; s'agissant du régime légal des dettes fiscales, c'est la volonté du législateur et non du pouvoir exécutif ; celui-ci en d'autres occasions est intervenu à travers des décrets pour étendre les périodes du bénéfice de ce dispositif ; dernièrement, le législateur est intervenu de manière remarquée d'une part pour englober les dettes fiscales (loi rectificative des finances 2000 d'une part et d'autre part en régularisant les déclarations faites au delà de la date fixée par un décret gouvernemental de 1999 extrêmement restrictif qui avait ouvert une période de déclaration très courte (quelques semaines) et plus précisément en régularisant toutes les déclarations faites du mois d'août 1999 à mars 2002 ; c'est dire que le législateur corrige en ce domaine la vision restrictive du pouvoir exécutif et que l'on ne saurait considérer qu'une réponse gouvernementale à la question d'un parlementaire serait la traduction de la volonté du législateur en ce domaine ; c'est pourquoi il y a lieu d'écarter la réponse du ministre des finances, chef de l'administration fiscale sur la portée de l'article 62 de la loi de finances à l'égard de l'administration des impôts ; elle ne saurait engager ni la représentation nationale ni réviser la position adoptée par les juridictions judiciaires, de ce texte, il ressort qu'il y a un sursis de paiement et qu'il ne peut y avoir aucune poursuite ; il n'est indiqué aucun régime particulier pour les dettes fiscales entrant dans le dispositif de la Loi sur les rapatriés ; … …. la portée donnée par les juridictions à l'ensemble de la législation des rapatriés ne saurait souffrir d'exception au profit de l'administration fiscale dès lors que le texte qui vise les dettes fiscales antérieures au 31 juillet 1999 n'en comporte pas ; la Cour de cassation a rappelé systématiquement que la loi sur les rapatriés vise les mesures conservatoires et les actions en paiement ; les privilèges ou autres nantissements sont des mesures conservatoires ; en de nombreuses occasions, les décisions versées aux débats ont jugé que les sûretés subissent le même sort ; en application de cette jurisprudence, la Cour d'appel de céans dans l'arrêt du 7 juillet 2005 a ordonné la mainlevée de l'ATD mais également aurait ordonné la mainlevée du privilège du Trésor si celui-ci ne l'avait pas fait radié auparavant avant qu'elle ne statue ; de la même façon, l'affirmation selon laquelle les mesures telles que des saisies, nantissements antérieurs à la demande de bénéficier de la loi sur les rapatriés résisteraient est totalement condamnée par un arrêt de la Cour d'appel de céans du 17 juin 2004, dans le cas d'espèce, le créancier avait le même discours que l'administration fiscale ; la loi du 30 décembre 1997 en ses dispositions de l'article 100 et la loi de modernisation sociale du 7 janvier 2002 ne permettaient pas de suspendre toute mesure d'exécution y compris conservatoire quand bien même ces mesures avaient été validées de manière définitive dans le cadre de décisions précédentes ayant l'autorité de la chose jugée ; le créancier a été condamné à restituer les sommes perçues au titre de ces saisies ; le bénéfice de la loi s'applique, en effet, à quelque dette que ce soit et quelque que soit la date à laquelle est née la dette sauf en ce qui concerne les dettes fiscales puisque les dettes postérieures au 31 juillet 1999 ne sont pas visées par le dispositif ; toutefois, il ne saurait y avoir un régime particulier pour les dettes fiscales antérieures au 31 juillet 1999, cela ne ressortant ni de la loi ni de la jurisprudence ; … … la loi n° 69-992 du 6 novembre 1969 sur les rapatriés est une loi d'exception exorbitante du droit commun qui supplante d'ailleurs des lois qui jusqu'alors avait une primauté d'application sur les autres ; à titre d'exemple d'imputation, l'on peut citer la loi sur les faillites ; tant la loi de 1967 que celle de 1985 sont écartées lorsqu'un débiteur revendique la qualité de rapatrié ; de la même façon, les procédures de distribution sont inopérantes au motif qu'elles impliquent un paiement et que la portée donnée au nantissement ou au privilège par la recette des impôts relève d'une erreur sur la nature de ceux-ci ; en effet, comme les hypothèques, ils ont deux aspects : un aspect conservatoire et un paiement préférentiel ; la Cour de Cassation rappelle sans cesse, suivie en cela par la Cour d'appel de Rennes, que la loi sur les rapatriés vise les mesures conservatoires quelle que soit la date à laquelle est née la dette ; lorsqu'elle affirme cela, elle vise la loi du 6 novembre 1969 ; la recette des impôts a cru trouver dans un arrêt de la Cour d'appel de Montpellier en date du 7 octobre 2002 manière à étayer son argumentation ; cette même Cour statuant sur un cas similaire a été cassée par la Cour de cassation le 13 janvier 2005 ; … … … ; la Cour de Cassation a répondu que l'action tendant à l'allocation d'une condamnation pécuniaire, l'instance en fixation d'une astreinte, constituait un acte de poursuite au sens de l'article 100 de la loi du 30 décembre 1997 précitée ; … … … …. ; la lecture de la loi du 6 novembre 1969 et de celles qui suivent met en évidence un certain nombre de points : l'article 1er abrogé par la loi n° 70-632 du 15 juillet 1970 en ce que c'était un dispositif provisoire, visait les obligations quelque soient leur nature et la forme du titre qui les constate, seul l'article 2 vise les établissements bancaires, l'article 3 vise tout créancier, l'article 4 vise les faillites, les articles 5 et 6 les modalités de radiation des sûretés, les articles 6 et 7 mettent en évidence que les bénéficiaires de ces sûretés ne concernent pas seulement les banques ; tout l'argumentaire de la Recette des Impôts est donc vain ; peu importe la date de naissance de la dette, peu importe que le débiteur ait consenti une sûreté, elles cesseront de produire effet sur la seule demande du débiteur. ».

ALORS QUE, premièrement, l'article 21 de la loi de finances rectificative pour 1999 (n° 99-1173 du 30 décembre 1999) modifié par l'article 62 de la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000 énonce que les personnes qui ont déposé une demande d'admission au dispositif de désendettement des rapatriés, bénéficient d'un sursis de paiement pour l'ensemble des impositions dues au 31 juillet 1999 ; le même article précise que, pendant la durée de ce sursis, les comptables publics compétents ne peuvent engager aucune poursuite sur le fondement de l'article L. 258 du livre des procédures fiscales et les poursuites éventuellement engagées sont suspendues ; l'article L. 258 du LPF prévoit notamment que si la lettre de rappel ou la mise en demeure n'a pas été suivie de paiement, le comptable public compétent peut, à l'expiration d'un délai de vingt jours suivant l'une ou l'autre de ces formalités, engager des poursuites ; en aucun cas, l'inscription d'un nantissement conventionnel sur fonds de commerce qui constitue une sûreté réelle mobilière ou l'opposition au paiement du prix de vente d'un fonds de commerce qui s'analyse en un acte conservatoire, ne peuvent être assimilés à des actes de poursuite au regard de l'article 21 susvisé dans la mesure où ils ne nécessitent que la démonstration d'un principe de créance ou l'obtention d'un titre exécutoire ; en ordonnant néanmoins la mainlevée de l'opposition formée par le comptable ainsi que la radiation des sûretés prises sur le fonds de commerce de l'EURL X..., la Cour d'appel a ajouté aux termes clairs et précis de ce dernier article et statué en violation de celui-ci ;

ALORS QUE, deuxièmement, aux termes de l'article 21 de la loi de finances rectificative pour 1999, « pendant la durée de ce sursis, les comptables publics compétents ne peuvent engager aucune poursuite sur le fondement de l'article L. 258 du livre des procédures fiscales et les poursuites éventuellement engagées sont suspendues » ; à supposer même que l'inscription d'un nantissement conventionnel sur un fonds de commerce et l'opposition au paiement du prix de vente dudit fonds puissent être assimilées à des poursuites au regard de cet article, ces poursuites ne pouvaient être que suspendues ; en ordonnant néanmoins la mainlevée de l'opposition formée par le comptable ainsi que la radiation des sûretés prises sur le fonds, la cour d'appel a violé l'article 21 susvisé.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;


EN CE QU'il a confirmé l'ordonnance du 14 févier 2006 ayant ordonné la mainlevée de l'opposition formée par le comptable des impôts de Saint Nazaire Sud-Est, la radiation des sûretés prises sur le fonds de commerce de l'EURL X... ainsi que la radiation de toutes les saisies conservatoires du chef des créanciers assignés par l'EURL ;

AUX MOTIFS QUE « 2) La situation après le 7 avril 2006 : l'arrêt du 7 avril 2006 de la Cour de cassation ne marque pas un revirement imprévisible de jurisprudence qui est condamné par la Cour Européenne des Droits de l'homme mais l'abrogation d'une loi par une juridiction judiciaire ; le rôle de la jurisprudence est d'interpréter la loi et non de l'abroger, rôle qui ne relève que du Parlement ; si tant est que l'on considère que la Cour de cassation puisse déclarer une loi non conforme à un traité, pouvoir auquel le Conseil d'Etat a renoncé en ce qui concerne les règlements, l'article 2 du code civil dispose que la loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a point d'effet rétroactif ; dans son arrêt du 29 janvier 1980 de la Cour de cassation a déclaré que la loi qui a consacré un principe nouveau n'est applicable qu'aux situations et rapports juridiques établis ou formés avant sa promulgation qu'autant qu'il n'en doit pas résulter la lésion des droits acquis, en l'espèce les situations juridiques résultant de décisions de justice antérieures passées en force de chose jugée ; dans le cas présent, la cour d'appel de céans dans un arrêt du 7 juillet 2005 aujourd'hui définitif a statué sur la situation de l'EURL X... ; sur le plan européen, la Cour Européenne des Droits de l'Homme dans un arrêt du 16 décembre 1997 rappelant le principe de sécurité juridique, a déclaré qu'une jurisprudence et une pratique constante pouvaient créer au fil des années une sécurité juridique à laquelle un justiciable pouvait légitimement se fier ; dans de précédentes écritures, il avait été relevé que dernièrement dans le domaine pénal (dont on pouvait penser que le principe serait étendu au domaine civil) par un arrêt du 10 octobre 2006 Pessino / France, la Cour Europenne des droits de l'homme a condamné la France pour un simple exemple de revirement de jursiprudence dès lors qu'il était imprévisible ; dans un arrêt du 17 janvier 2006 la CEDH a confirmé dans le domaine civil ce principe ; conformément à cet arrêt, la Cour de Cassation dans un arrêt du 21 décembre 2006, a posé en assemblée plénière le principe de la non rétroactivité du revirement de jurisprudence ; d'ailleurs, la Cour de cassation dans un arrêt du 22 février 2007 a rappelé que le juge judiciaire ne pouvait se substituer au juge administratif pour statuer sur l'éligibilité d'une demande d'un rapatrié ; cet arrêt condamne la décision de la Cour d'appel de Rennes qui a cru affirmer le contraire ; l'arrêt du 7 avril 2006 et ceux qui lui ont succédé ne peuvent s'appliquer à l'EURL X... dès lors qu'il est démontré qu'elle a entendu bénéficier de dispositions légales du dispositif sur les rapatriés le jour où elle a déposé sa demande auprès du Préfet, sauf à violer les articles 2 du code civil, 6 de la convention des droits de l'homme et le principe de sécurité juridique consacré tant sur le plan national qu'européen ; en statuant dans un autre sens, la Cour de Cassation priverait l'EURL X... de sa possibilité de saisir la juridiction administrative pour statuer sur la validité de son recours ce qui est une violation de l'article 6 de la convention des droits de l'homme ; la jurisprudence et une pratique administrative et législative constante ont créé au fil des années une sécurité juridique à laquelle l'EURL X... pouvait légitimement se fier (50 ans de décisions judiciaires, 240 textes législatifs et réglementaires dans le même sens depuis 1960, les arrêts de la Cour d'appel de PARIS ainsi que celle de RENNES qui ont statué dans le sens que l'article 100 de la loi de 1997 aujourd'hui déclaré non conforme à la convention des droits de l'homme l'était au moment où l'EURL X... a décidé de se placer sous la protection du dispositif sur les rapatriés et de cet article en particulier) ; l'EURL X... s'est déterminée au regard de la Loi applicable et de la jurisprudence antérieure au 7 avril 2006 ; elle ne peut s'en voir privée en application des textes sus indiqués ; un jugement du 2 octobre 2007 du Tribunal de Grande Instance de PERIGUEUX considère que les droits du créancier sont respectés puisque la dette du rapatrié n'est pas éteinte, seule l'exigibilité est reportée ; par conséquent, la décision entreprise par devant la cour d'appel ne peut être analysée qu'à l'a une de l'état du droit antérieur au 7 avril 2006 puisque l'EURL X... a entendu bénéficier de ce régime avant cette date ; il apparaît de toute évidence que la décision du 14 février 2006 était conforme à l'état du droit applicable sauf à l'infirmer à l'égard du CIO et la société Kronembourg. »


ALORS QUE, si l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 permet à l'Etat de limiter le droit d'accès à un tribunal dans un but légitime, c'est à la condition que la substance même de ce droit n'en soit pas atteinte et que, si tel est le cas, les moyens employés soient proportionnés à ce but ; la Cour de cassation a écarté à diverses reprises les effets pervers d'un dispositif de désendettement « portant atteinte dans leur substance même aux droits des créanciers privés de tout recours » ; en s'abstenant totalement de rechercher, comme elle y était invitée, si les limitations apportées aux droits des créanciers des rapatriés s'inscrivaient dans un but légitime et n'étaient nullement hors de proportion avec le but poursuivi, et en considérant que la jurisprudence de la Cour de cassation n'était pas applicable à des faits intervenus antérieurement, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme par refus d'application.

Moyen produit au pourvoi n° F 08 21. 220 par la SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, avocat aux Conseils pour la société Le Crédit Lyonnais.

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR ordonné la radiation des sûretés inscrites sur le fonds de commerce appartenant à la société débitrice (la société X...), dont celle dont était titulaire une banque (le Crédit Lyonnais) ;

AUX MOTIFS QUE l'arrêt du 7 avril 2006 de la Cour de cassation ne marquait pas un revirement imprévisible de jurisprudence qui est condamné par la Cour européenne des droits de l'homme mais l'abrogation d'une loi par une juridiction judiciaire ; que le rôle de la jurisprudence est d'interpréter la loi et non de l'abroger, rôle qui ne relève que du Parlement ; que si tant est que l'on considère que la Cour de cassation puisse déclarer une loi non conforme à un traité, pouvoir auquel le Conseil d'Etat a renoncé en ce qui concerne les règlements, l'article 2 du code civil dispose que la loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a point d'effet rétroactif ; que dans son arrêt du 29 janvier 1980, la Cour de cassation a déclaré que la loi qui a consacré un principe nouveau n'est applicable qu'aux situations et rapports juridiques établis ou formés avant sa promulgation qu'autant qu'il n'en doit pas résulter la lésion des droits acquis, en l'espèce les situations juridiques résultant de décisions de justice antérieures passées en force de chose jugée ; que dans le cas présent, la cour d'appel dans un arrêt du 7 juillet 2005 devenu définitif avait statué sur la situation de la société X... ; que sur le plan européen, la Cour européenne des droits de l'homme, dans un arrêt du 16 décembre 1997 rappelant le principe de la sécurité juridique avait déclaré qu'une jurisprudence et une pratique constante pouvait créer au fil des années une sécurité juridique à laquelle un justiciable pouvait légitimement se fier ; que dans de précédentes écritures, il avait été relevé que dernièrement dans le domaine pénal (dont on pouvait penser que le principe serait étendu au domaine civil) par un arrêt du 10 octobre 2006 Pessino c. France, la Cour européenne des droits de l'homme avait condamné la France pour un simple exemple de revirement de jurisprudence dès lors qu'il était imprévisible ; que dans un arrêt du 17 janvier 2006, la CEDH avait confirmé dans le domaine civil ce principe ; que conformément à cet arrêt, la Cour de cassation dans un arrêt du 21 décembre 2006, a posé en assemblée plénière le principe de la non-rétroactivité du revirement de jurisprudence ; que d'ailleurs, la Cour de cassation dans un arrêt du 22 février 2007 avait rappelé que le juge judiciaire ne pouvait se substituer au juge administratif pour statuer sur l'éligibilité d'une demande d'un rapatrié ; que cet arrêt condamnait la décision de la cour d'appel de Rennes qui avait cru affirmer le contraire ; que l'arrêt du 7 avril 2006 et ceux qui lui ont succédé ne pouvaient s'appliquer à la société X..., dès lors qu'il était démontré qu'elle avait entendu bénéficier de dispositions légales du dispositif sur les rapatriés le jour où elle avait déposé sa demande auprès du Préfet, sauf à violer les articles 2 du code civil, 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe de la sécurité juridique consacré tant sur le plan national qu'européen ; qu'en statuant dans un autre sens, la Cour de cassation aurait privé la société X... de sa possibilité de saisir la juridiction administrative pour statuer sur la validité de son recours, ce qui était une violation de l'article 6 de la convention des droits de l'homme ; que la jurisprudence et une pratique administrative et législative constante avaient créé au fil des années une sécurité juridique à laquelle la société X... pouvait légitimement se fier (50 ans de décisions judiciaires, les arrêts de la Cour d'appel de Paris ainsi que celle de Rennes qui avaient statué dans le sens de l'article 100 de la loi de 1997 aujourd'hui déclaré non conforme à la convention des droits de l'hommes l'était au moment où la société X... avait décidé de se placer sous la protection du dispositif sur les rapatriés et de cet article en particulier) ; que la société X... s'est déterminée au regard de la loi applicable et de la jurisprudence antérieure au 7 avril 2006 ; qu'elle ne pouvait s'en voir priver en application des textes sus indiqués ; qu'un jugement du 2 octobre 2007 du tribunal de grande instance de Périgueux considérait que les droits du créancier étaient respectés puisque la dette du rapatrié n'était pas éteinte, seule l'exigibilité était reportée ; que par conséquent, la décision entreprise par devant la cour d'appel ne peut être analysée qu'à l'aune de l'état du droit antérieur au 7 avril 2006 puisque la société X... avait entendu bénéficier de ce régime avant cette date (arrêt, p. 9 à 11) ; que l'article 1er de la loi du 26 décembre 1961 énonce que les français ayant dû ou estimé devoir quitter par suite d'événements politiques, un territoire où ils étaient établis et qui était antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France, pourront bénéficier de la solidarité nationale affirmée par le préambule de la Constitution de 1946, dans les conditions fixées par la présente loi ; que l'article 100 de la loi de finances de la loi du 30 décembre 1997, modifié le 2 juillet 1998 et le 30 décembre 1998, prévoit que les rapatriés qui ont déposé un dossier auprès de l'autorité administrative compétente, réinstallés dans une profession non salariée, bénéficient de plein droit d'une suspension provisoire des poursuites jusqu'à la décision de l'autorité administrative ayant eu à connaître des recours gracieux contre celle-ci, le cas échéant, ou, en cas de recours contentieux, jusqu'à la décision définitive de l'instance juridictionnelle compétente ; que le décret du 4 juin 1999 a créé une nouvelle commission, la CNAIR, en précisant que les intéressés doivent déposer leur dossier auprès de la préfecture dans des conditions déterminées ; qu'il était établi et non contesté qu'actuellement, les procédures étaient en cours tant devant le tribunal administratif que la cour administrative d'appel de Nantes autant pour monsieur X... que la société X..., ce qui avait pour effet de suspendre les procédures d'exécution (Ordonnance de référé du 14 février 2006, p. 7) ;

ALORS, D'UNE PART, QUE si l'Etat peut limiter le droit d'accès à un tribunal dans un but légitime, c'est à la condition que la substance même de ce droit n'en soit pas atteinte et que, si tel est le cas, les moyens soient proportionnés à ce but ; que les dispositions relatives au désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée, résultant des articles 100 de la loi du 30 décembre 1997, 76 de la loi du 2 juillet 1998, 25 de la loi du 30 décembre 1998 du décret du 4 juin 1999 et 77 de la loi du 17 janvier 2002, et qui organisent, sans l'intervention d'un juge, une suspension automatique des poursuites, d'une durée indéterminée, porte une atteinte disproportionnée, dans sa substance même, au droit des créanciers à un tribunal, ceux-ci étant privés de tout recours cependant que le débiteur dispose de recours suspensifs devant les juridictions administratives ; qu'en faisant néanmoins application de la règle de suspension des poursuites prévue par le dispositif législatif relatif au désendettement des rapatriés, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE nul ne peut se prévaloir d'un droit acquis à une jurisprudence figée et une règle jurisprudentielle nouvelle ou un revirement de jurisprudence issus d'un arrêt de la Cour de cassation sont nécessairement rétroactifs, sauf si la Cour de cassation en a décidé autrement ; qu'en refusant de retenir la contrariété de la suspension des poursuites prévue par le dispositif législatif de désendettement des rapatriés aux garanties du procès équitable, par la considération que la règle affirmée par un arrêt de la Cour de cassation, rendu en Assemblée plénière le 7 avril 2006, ne pourrait valablement se voir conférer un effet rétroactif, cependant que l'arrêt concerné n'a pas exclu l'application de cette règle aux instances en cours, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;


ALORS, ENFIN, QUE sont seuls admissibles au dispositif de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée, les dossiers déposés entre le 1er août 1999 et le 28 février 2002 ; que la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme elle y était invitée (conclusions du Crédit Lyonnais, p. 11 et s.), si la demande de désendettement n'était pas tardive pour avoir été formée le 17 décembre 2004, a privé sa décision de base légale au regard des articles 100 de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997, 2 du décret n° 99-969 du 4 juin 1999 et 77 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002.



site réalisé avec
Baumann Avocats Contentieux informatique

Cette décision est visée dans la définition :
Revirement


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.