par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 1, 8 juillet 2010, 09-67013
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
8 juillet 2010, 09-67.013
Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Arbitrage
Compromis
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 9 avril 2009) que la société suédoise HTC a conclu le 19 novembre 1999 avec la société française Doga, un contrat de distribution exclusive de ses produits sur le territoire français ; que ce contrat contenait une clause compromissoire ; que, le 26 mars 2007, la société HTC a résilié le contrat ; que la société Doga a assigné la société HTC devant un tribunal de commerce en paiement de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce pour rupture abusive du contrat; que la société HTC a soulevé l'incompétence de la juridiction étatique en se prévalant de la clause compromissoire ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, ci-après annexé :
Attendu que ce grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Doga fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son contredit et dit le tribunal de commerce de Versailles incompétent au profit de la juridiction arbitrale pour statuer sur le litige, alors, selon le moyen :
1°/ qu'après avoir relevé que la société Doga avait "introduit le présent litige sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° en faisant valoir que HTC avait rompu de manière brutale les relations commerciales établies", ce dont il résultait qu'était en cause l'application d'une loi de police, la cour d'appel, qui a néanmoins écarté la compétence, pourtant impérative en ce cas, des juridictions étatiques françaises revendiquée par la société Doga, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article 3 du code civil, ensemble les principes généraux du droit international privé ;
2°/ Alors, en tout état de cause et subsidiairement, que la rupture brutale d'une relation commerciale établie, en violation des dispositions d'ordre public de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, constitue un délit civil, qui engage la responsabilité délictuelle de son auteur ; que même si cet agissement illicite a été commis à l'occasion d'un contrat, l'action en réparation intentée par la victime pour voir sanctionner la méconnaissance par l'autre partie d'une obligation légale est en elle-même sans lien avec le contrat, de sorte que la clause compromissoire qu'il contient est manifestement inapplicable au litige ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article 1458 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la clause compromissoire visant tout litige ou différend né du contrat ou en relation avec celui-ci n'était pas manifestement inapplicable dès lors que la demande de Doga présentait un lien avec le contrat puisqu'elle se rapportait notamment aux conditions dans lesquelles il y avait été mis fin et aux conséquences en ayant résulté pour Doga, peu important que des dispositions d'ordre public régissent le fond du litige dès lors que le recours à l'arbitrage n'est pas exclu du seul fait que des dispositions impératives, fussent-elles constitutives d'une loi de police, sont applicables, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il appartenait à l'arbitre de se prononcer par priorité sur sa propre compétence ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Doga aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Doga à payer à la société HTC Sweden AB la somme de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Doga
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir écarté des débats les conclusions de la société Doga signifiées le 10 février 2009 ;
Aux motifs que « HTC est également bien fondée à solliciter de la cour qu'elle rejette des débats les conclusions signifiées par DOGA le 10 février 2009, soit la veille des plaidoiries dans lesquelles, elle cite en page 8 un arrêt de la cour d'appel de Lyon du 30 avril 2008 ainsi que les commentaires de la doctrine sur cet arrêt sans les communiquer et en donner les références ; que ces conclusions tardives violent le principe des droits de la défense et le respect du contradictoire, d'autant plus que HTC étant une société de droit suédois, elle ne pouvait prendre utilement connaissance des dernières écritures de DOGA qu'après qu'elles aient été traduites ce qui était impossible en 24 heures ; qu'en fin il sera observé que DOGA qui, outre son contredit, a fait signifier des conclusions le 26 janvier 209 a pu faire valoir ses arguments en réponse aux conclusions signifiées par HTC le 15 janvier 2009, les conclusions signifiées le 3 février 2009 par HTC ne faisant que répondre à celles du 15 janvier 2009 ; qu'en conséquence, il convient d'écarter des débats les conclusions signifiées par DOGA le 10 février 2009» (arrêt, p. 4, § 3) ;
Alors que ne méconnaissent pas le principe de la contradiction les conclusions notifiées la veille de l'audience lorsqu'elles ont pour objet de répondre aux écritures notifiées par la partie adverse, de peu antérieures, et ne soulèvent ni prétention, ni moyen nouveaux ; qu'en écartant des débats les conclusions de la société Doga signifiées le 10 février 2009, sans rechercher si ces conclusions, même en ce qu'elles se seraient prévalues d'un arrêt de la cour d'appel de Lyon et de commentaires de cette décision, ne se bornaient pas à répondre aux conclusions signifiées par la société HTC le 3 février 2009, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article du code de procédure civile ;
Alors, en outre et subsidiairement, qu' en page 8 de ses conclusions signifiées le 10 février 2009, la société Doga ne fait nullement état de commentaires par la doctrine d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon le 30 avril 2008, la seule citation consécutive à la décision litigieuse étant la reproduction des motifs d'un arrêt antérieur de la cour d'appel de Lyon, déjà reproduits dans les conclusions de la société Doga signifiées le 26 janvier 2009 (p. 7, antepén. paragr.), au soutien desquelles cet arrêt était régulièrement produit ; qu'en écartant des débats les conclusions de la société Doga signifiées le 10 février 2009, en retenant notamment qu'elles citaient, sans les communiquer ni en donner les références, les commentaires de la doctrine sur un arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon du 30 avril 2008, la cour d'appel les a dénaturées, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
Alors, en tout état de cause et subsidiairement, que dans ses conclusions signifiées le 26 janvier 2009, la société Doga faisait notamment valoir que «il a été souligné par les auteurs, que les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce tendent à la protection des entreprises subissant un préjudice du fait des pratiques qu'elles répriment, et constituent une loi de police ayant vocation à s'appliquer à l'ensemble des pratiques dommageables constatées sur le territoire national ( ) » (p. 7, paragr. 1er du a)) ; qu'en page 8 de ses conclusions signifiées le 10 février 2009, la société Doga s'est bornée à illustrer le principe susvisé qu'elle avait invoqué dans ses précédentes conclusions, et qu'elle reproduisait au demeurant dans ses conclusions du 10 février 2009, en énonçant que « ce caractère de loi de police a encore été rappelé récemment par un arrêt du 30 avril 2008 de la Cour d'Appel de Lyon, pour juger que l'article L. 442-6 I 5° du Code de Commerce s'imposait aux relations entre les parties alors même que celles-ci avaient choisi de soumettre leur contrat à la loi italienne » (paragr. 1er), de telle sorte qu'elle n'avançait ainsi aucun moyen nouveau en faisant état de cet arrêt de la cour de Lyon ; qu' en écartant de débats néanmoins les conclusions de la société Doga signifiées le 10 février 2009, motifs pris de ce qu'elles citaient un arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon le 30 avril 2008, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 16 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le contredit formé par la société Doga, distributeur exclusif, et d'avoir dit le tribunal de commerce de Versailles incompétent au profit de la juridiction arbitrale pour statuer sur le litige l'opposant à la société HTC Sweden, fournisseur ;
Aux motifs que « la société DOGA a introduit le présent litige sur le fondement des dispositions de l'article L.442-6-1-5° en faisant valoir que HTC avait rompu de manière brutale les relations commerciales établies ; qu'elle lui reproche aux termes de l'exploit introductif d'instance de lui avoir annoncé de façon imprévisible et soudaine le 26 mars 2007 sa décision de mettre fin à leurs relations commerciales moyennant un préavis de six mois en application de l'article 13 du contrat, alors qu'elle l'avait poussée à investir fin 2006, d'avoir après l'envoi de cette lettre fait preuve d'une attitude vexatoire et blâmable à son égard, en particulier en augmentant subitement le prix de plusieurs références, et enfin d'avoir invoqué des motifs fallacieux pour justifier cette rupture et de ne lui avoir accordé qu'un préavis de six mois alors que les relations entre les parties étaient établies depuis plus de neuf ans au moment de l'annonce de la rupture par HTC ; que certes, DOGA fait à juste titre valoir que le fait pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels, engage la responsabilité délictuelle de son auteur ; que la clause compromissoire contenue dans le contrat visant tout litige ou différent né du contrat ou en relation avec le contrat, le caractère délictuel de la responsabilité imputée à HTC, ne suffit pas à rendre cette clause manifestement inapplicable, dès lors que la demande de DOGA présente un lien avec le contrat puisqu'elle se rapporte notamment aux conditions dans lesquelles il a été mis fin à ce contrat et aux conséquences en ayant résulté pour DOGA, peu important que des dispositions d'ordre public soient applicables au fond du litige dans la mesure où le recours à l'arbitrage d'un litige n'est pas exclu du seul fait qu'une réglementation d'ordre public est applicable ; que par voie de conséquence la société THC doit être déclarée mal fondée en son contredit et le jugement confirmé en ce qu'il a invité les parties à se pourvoir devant le tribunal arbitral à constituer» ;
Alors que ressortit à la compétence impérative des juridictions françaises le litige auquel est applicable une loi de police ; que les dispositions de l'article L. 442-6, 5° du code de commerce, issues de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, prohibant la rupture brutale d'une relation commerciale établie, qui préemptent l'autonomie de volonté des parties à un contrat en définissant un comportement illicite de nature à engager la responsabilité délictuelle de l'auteur de la rupture, traduisent la volonté de l'Etat de réguler les relations commerciales sur son territoire en circonscrivant la volonté des parties et présentent, par conséquent, les caractères d'une loi de police ; qu'après avoir relevé que la société Doga avait « introduit le présent litige sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° en faisant valoir que HTC avait rompu de manière brutale les relations commerciales établies », ce dont il résultait qu'était en cause l'application d'une loi de police, la cour d'appel, qui a néanmoins écarté la compétence, pourtant impérative en ce cas, des juridictions étatiques françaises revendiquée par la société Doga, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article 3 du code civil, ensemble les principes généraux du droit international privé ;
Alors, en tout état de cause et subsidiairement, que la rupture brutale d'une relation commerciale établie, en violation des dispositions d'ordre public de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, constitue un délit civil, qui engage la responsabilité délictuelle de son auteur ; que même si cet agissement illicite a été commis à l'occasion d'un contrat, l'action en réparation intentée par la victime pour voir sanctionner la méconnaissance par l'autre partie d'une obligation légale est en elle-même sans lien avec le contrat, de sorte que la clause compromissoire qu'il contient est manifestement inapplicable au litige ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article 1458 du code de procédure civile.
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Arbitrage
Compromis
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.