par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
COMPROMIS DEFINITION
Dictionnaire juridique
Définition de Compromis
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Lorsque les parties, conviennent par avance, et donc avant la naissance de tout conflit les opposant, de confier leur litige éventuel à des arbitres, on se trouve alors en présence d'une clause compromissoire (en anglais "arbitration clause"). En revanche, le "Compromis" (en anglais "compromise" ou encore "arbitration agreement") est le nom donné à la convention par laquelle, après la naissance d'un différend qui les opposent, les parties décident de confier à des arbitres le soin de les départager.
Sauf dispositions législatives particulières, la clause compromissoire est valable dans les contrats conclus à raison d'une activité professionnelle au sens de l'article 2061 du code civil, et cette activité doit être exercée par l'une comme par l'autre des deux parties contractantes. Lorsque au moment du contrat, des personnes retraitées consentent un bail commercial et cèdent leur fonds de commerce, et qu'au moment de la signature du contrat elles n'exerçent plus aucune activité professionnelle, la clause compromissoire insérée dans ce contrat doit être déclarée nulle et de nul effet. (1ère Chambre civile, pourvoi n°11-12782, BICC n°763 du 1er juin 2012 et Legifrance). Consulter la note de M. Xavier Delpech référencée dans la Bibliographie ci-après.
La question est discuttée en doctrine sur le point de savoir d'une part, s'il peut se produire une extention de la clause compromissoire aux contrats connexes et si d'autre part, une clause compromissoire contenu dans une convention est opposable à une personne qui n'y a pas été partie. Le raisonnement de cette doctrine est fondé sur la notion de groupe de contrats, de contrat-cadre, de ratification implicite, ou de la notion d'indivisibilité contractuelle.
S'agissant d'un arbitrage de droit interne, encore que l'accord des parties puisse résulter d'un document auquel il est fait référence dans la convention principale, à peine de nullité, le compromis ne peut que résulter d'un écrit et sous la même sanction, le compromis doit déterminer l'objet du litige. Cette extension est admise par les Cours et les tribunaux lorsque des conventions sont soumises au droit international : il n'existe pas alors de texte tel l'article 1443 du Code de procédure civile subordonnant la validité de la clause à la rédaction d'un écrit, ni de texte tel que l'article 1445 de ce même code obligeant les parties à déterminer l'objet du compromis. Il est jugé dans ce cadre juridique, que dans une chaîne homogène de contrats translatifs, la clause d'arbitrage international se transmet avec l'action contractuelle sauf preuve de l'ignorance raisonnable de l'existence de cette clause. Encourt la cassation l'arrêt qui déclare une telle clause inopposable à l'acquéreur final au motif inopérant qu'il ne l'a pas acceptée (1ère Chambre civile 6 février 2001, pourvoi n°98-20776 ; 1ère Chambre civile 17 novembre 2010, pourvoi n°09-12442, Legifrance). La Première Chambre avait précédemment jugé que dans l'affaire dont elle se trouvait saisie, il existait une chaîne de contrats translatifs de propriété et que la clause compromissoire, contenue au contrat liant deux des parties, avait force obligatoire à l'égard d'une partie tierce dès lors que cette clause avait été transmise en tant qu'accessoire du droit d'action, lui-même accessoire du droit substantiel (Chambre civile 27 mars 2007, pourvoi n°04-20842, Legifrance, JCP G 2007, II, RTD com. 2007, p. 677, obs. E. Loquin, )
On peut même compromettre au cours d'une instance déjà engagée devant une juridiction. Le compromis peut avoir pour objet un litige pouvant porter sur l'exécution d'un seul contrat ou sur l'exécution d'une chaîne de contrats dès lors, comme l'a précisé la Chambre commerciale de la Cour de cassation (Chambre commerciale, 5 mars 1991, pourvoi n°89-19940, Legifrance) que les contrats en cause présentent un rapport de complémentarité. Le Décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011 portant réforme de l'arbitrage a consacré la jurisprudence majoritaire en décidant que la convention d'arbitrage est indépendante du contrat ou des contrats auxquels elle se rapporte. Dès lors, le compromis n'est pas affecté par l'inefficacité du ou des contrats pour l'exécution desquels le compromis a été conclu.
Une clause compromissoire a la nature d'un contrat par lequel les parties s'engagent à soumettre à l'arbitrage les litiges qui pourraient naître relativement à ce contrat, y compris celui relatif à la valeur du remboursement des parts sociales de l'associé retrayant ou exclu. L'évaluation des parts sociales entre dans le champ de la clause d'arbitrage. L'article 1843-4 du code civil n'exclut pas l'arbitrabilité du litige, et la circonstance que cette clause accorde aux arbitres le pouvoir de procéder eux-mêmes à cette évaluation et de trancher le litige, contrairement au pouvoir de l'expert nommé en application de l'article 1843-4 du code civil d'évaluer sans trancher, ne la rend pas manifestement inapplicable ou nulle. Ces points relevent de l'examen par la juridiction arbitrale de sa propre compétence. (Chambre commerciale 10 octobre 2018, pourvoi n°16-22215, BICC n°896 du 15 février 2019 et Legifrance) Consulter la note de M. Philippe Casson, Gaz. Pal. 2018, n°41, p.19. .,
Lorsque le liquidateur d'une entreprise en difficulté demande la nullité d'un acte souscrit pendant la période suspecte, il ne se substitue pas au débiteur dessaisi pour agir en son nom, mais il exerce une action au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers. En conséquence, une clause compromissoire stipulée à l'acte litigieux est manifestement inapplicable au litige (Chambre commerciale 17 novembre 2015, pourvoi n°14-16012, BiCC n°840 du 15 avril 2016 et Legifrance.). Mais, L'inapplicabilité manifeste d'une clause d'arbitrage ne peut être déduite de la seule impossibilité alléguée par un liquidateur judiciaire de faire face au coût de la procédure d'arbitrage. (1ère Chambre civile 13 juillet 2016, pourvoi n°15-19389, BICC n°855 du 1er février 2017 et Legifrance).
A la règle qui contraint d'utiliser la forme écrite lorsque le conflit trouve sa cause dans un différend l'ordre juridique interne, les nouvelles dispositions du Code de procédure civile opposent les dispositions portant sur l'arbitrage international, en prévoyant que la convention d'arbitrage n'est, dans ce cas, soumise à aucune condition de forme. et peut, directement ou par référence à un règlement d'arbitrage ou à des règles de procédure, désigner le ou les arbitres ou prévoir les modalités de leur désignation. Dans le silence de la convention d'arbitrage, le tribunal arbitral règle la procédure autant qu'il est besoin, soit directement, soit par référence à un règlement d'arbitrage ou à des règles de procédure.
L'appréciation de l'inapplicabilité d'une clause d'arbitrage à un litige né des conditions dans lesquelles il a été mis fin aux relations contractuelles nécessite une interprétation de la convention et une recherche de la commune intention des parties. A défaut de possibilité de résolution par la médiation ou la procédure de résolution des conflits la clause peut prévoir qu'il soit procédé à un arbitrage d'après les règles des litiges commerciaux de l'Association américaine d'arbitrage, dont rien ne démontre que la mise en oeuvre serait impossible. Une cour d'appel, a pu en déduire que l'inapplicabilité invoquée n'était pas manifeste, et décider, à bon droit, de renvoyer les parties à mieux se pourvoir. (1ère Chambre civile 24 février 2016, pourvoi n°14-26964, BICC n°845 du 1er juillet 2016 et Legifrance). Consulter la note de Dominique Piau, Gaz. Pal. 2016, n°11, p.27.
Une clause du compromis peut stipuler que chaque partie pourra choisir de recourir à l'arbitrage ou à une action devant la cour du lieu du siège de l'acheteur. Ainsi les parties ont pu prévoir qu'en cas de litige, deux voies alternatives s'offriront aux parties et que la faculté de ce choix est ouverte à chacune d'elles, les références faites à un centre d'arbitrage n'étant pas de nature à remettre en cause le caractère purement optionnel du recours à l'arbitrage. Une cour d'appel en a exactement déduit que cette clause n'obligeait pas les parties à se soumettre à un arbitrage en cas de différend, de sorte que le tribunal de commerce était compétent pour connaître du litige (1ère Chambre civile 12 juin 2013, pourvoi n°12-22656, BICC n°792 du 1er décembre 2013 et Legifrace). Consulter la note de Madame Élodie Pouliquen référencée dans la Bibliographie ci-après.
En cas de transaction, que devient la clause compromissoire incluse dans un protocole de cession ? La Cour de cassation juge dans ce cas, qu'elle demeure autonome par rapport au protocole la contenant et que par suite, sa validité ne peut se trouver affectée par l'inefficacité partielle de celui-ci du fait de la conclusion d'un « protocole transactionnel ». (1ère Chambre civile 2 avril 2014; pourvoi n°11-14692, BICC n°805 du 1er juillet 2014). Consulter la note de Madame Laura Weiller référencée dans la Bibliographie ci-après
En matière civile, mais aussi lorsque l'objet du litige a un caractère mixte, la clause compromissoire est nulle (article 2061 C. civ). Les tribunaux estiment que cette nullité est absolue. En revanche la convention d'arbitrage qui est dressée après que le litige est né, est valable. Il est également jugé que compromis d'arbitrage signé, hors toute clause compromissoire insérée à la police d'assurance, entre l'assureur et l'assuré après la naissance d'un litige, ne constitue pas une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un non-professionnel ou un consommateur, et n'est donc pas susceptible de présenter un caractère abusif (1ère chambre civile 25 février 2010, pourvoi n°09-12126, BICC n°725 du 1er juillet 2010 et Legifrance) Lorsque l'objet du litige porte sur une matière ressortissant à l'état, à la capacité ou à la nationalité des personnes, la nullité dont il a été question ci-dessus, s'étend à tout arbitrage, fût il décidé après la naissance du différend. Consulter la note de Madame Anadon référencée dans la Bibliographie ci-après.
L'arbitre dispose du pouvoir de statuer sur sa propre compétence (principe appelé "compétence-compétence"), dès lors d'une part, que la clause compromissoire visant tout litige ou différend né du contrat ou en relation avec celui-ci n'est pas manifestement inapplicable, dès lors d'autre part que la demande présente un lien avec le contrat et qu'elle se rapporte notamment aux conditions dans lesquelles il y est mis fin et aux conséquences en ayant résulté pour le demandeur. Il est peu important dans ce cas, que des dispositions d'ordre public régissent le fond du litige dès lors que le recours à l'arbitrage n'est pas exclu du seul fait que des dispositions impératives. Ces dispositions, fussent-elles constitutives d'une loi de police, elles sont applicables. Il appartient alors à l'arbitre de se prononcer par priorité sur sa propre compétence (1ère Chambre civile 8 juillet 2010, pourvoi : n°09-67013, BICC n°7.32 du 1er décembre 2010 et Legifrance). Consulter la note de MM. Grégoire Bertrou et Olivier Attias référencée dans la Bibliographie ci-après et 1ère Civ., 16 octobre 2001, pourvoi n°99-19319, Bull. 2001, I, n°254 ; 1ère Civ., 3 février 2010, pourvoi n° 09-12669, Bull. 2010, I, n°26
Visant la clause dite de "earn out", la Chambre commerciale a jugé que ne constitue pas une clause compromissoire, ni donc un compromis, la convention par laquelle le tiers désigné par les parties a reçu de celles-ci mission, non d'exercer un pouvoir juridictionnel, mais de procéder sur des éléments de fait à un constat s'imposant à elles lesquelles. Elle a jugé peu important que l'intervention de ce tiers fût soumise à la constatation d'un désaccord entre les cocontractants relativement à ces éléments. (Chambre commerciale 16 février 2010, pourvoi n°09-11586, BICC n°725 du 1er juillet 2010 et Legifrance). Voir aussi la note de M. Couret référencée dans la Bibliographie ci-après.
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