par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 9 mars 2011, 10-10385
Dictionnaire Juridique

site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cour de cassation, 1ère chambre civile
9 mars 2011, 10-10.385

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Adoption
Filiation




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu que Mme X... et Mme Y..., vivant ensemble depuis 2000, ont eu chacune un enfant né, par insémination artificielle, du même donneur ; qu'elles ont formé une demande d'adoption simple de l'enfant né de leur compagne et consenti à l'adoption de leur enfant par celle-ci ; que le tribunal, après avoir joint les deux requêtes, les a rejetées en application de l'article 365 du code civil ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches, ci-après annexé :

Attendu que Mme X... et Mme Y... font grief à l'arrêt attaqué (Paris, 1er octobre 2009) d'avoir rejeté leur requête en adoption simple ;

Attendu que le Conseil constitutionnel ayant déclaré conforme à la Constitution l'article 365 du code civil (Décision n° 2010-39 QPC du 6 octobre 2010), ce premier moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen, pris en ses quatre branches, ci-après annexé :

Attendu que Mme X... et Mme Y... font le même grief à l'arrêt ;

Attendu qu'ayant relevé, d'une part, que la mère de l'enfant perdrait son autorité parentale en cas d'adoption de son enfant alors qu'elle présente toute aptitude à exercer cette autorité et ne manifeste aucun rejet à son égard, d'autre part, que l'article 365 du code civil ne prévoit le partage de l'autorité parentale que dans le cas de l'adoption de l'enfant du conjoint, et qu'en l'état de la législation française, les conjoints sont des personnes unies par les liens du mariage, la cour d'appel, qui n'a contredit aucune des dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme, et qui a pris en considération l'intérêt supérieur des enfants, a légalement justifié sa décision ;


PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mmes X... et Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mmes X... et Y... ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour Mmes X... et Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la requête de Mademoiselle Y... en adoption simple de l'enfant Angel Dork Louys Emile X... ainsi que la requête de Mademoiselle X... en adoption simple de l'enfant Nina, Ked, Luce Y... ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE selon les dispositions de l'article 365 du Code civil, l'adoptant est seul investi de tous les droits d'autorité parentale à l'égard de l'adopté à moins qu'il ne soit le conjoint du père ou de la mère de ce dernier ; que ce texte ne prévoit donc le partage de l'autorité parentale que dans le cas de l'adoption de l'enfant du conjoint, les conjoints étant en l'état de la législation française, des personnes unies par les liens du mariage ; que l'adoption de Nina par Mme Isabelle X... et d'Angel par Mme Isabelle Y... aurait dès lors pour effet de priver chacune des deux mères biologiques de l'intégralité des droits d'autorité parentale sur son enfant, alors que l'une et l'autre présentent toute aptitude éducative à l'égard de son propre enfant et ne lui manifestent aucun rejet ; qu'en conséquence, l'adoption est contraire à l'intérêt de chacun des deux enfants et qu'elle ne peut être prononcée, étant observé que la loi française n'opérant aucune distinction quant à l'orientation sexuelle des adoptants, elle ne porte pas atteinte aux dispositions de la Convention européenne des droits de l'Homme ; que le jugement est donc confirmé et les appelantes condamnées aux dépens ;

ET AUX MOTIFS IMPLICITEMENT ADOPTES QU'il est de bonne administration de la justice de prononcer la jonction des deux affaires enrôlées séparément sous les numéros 07/10386 et 07/10389, en raison de leurs liens de connexité ; que l'article 365 du Code civil dispose «l'adoptant est seul investi à l'égard de l'adopté de tous les droits d'autorité parentale, inclus celui de consentir au mariage de l'adopté, à moins qu'il ne soit le conjoint du père ou de la mère de l'adopté…» ; qu'en l'espèce, les adoptions de Nina et Angel sollicitées par Mademoiselle Isabelle Y... et Mademoiselle Isabelle X... par leur compagne respective auraient pour effet de priver la mère biologique de ses droits d'autorité parentale sur son enfant ; que cette situation, qui subsisterait en cas de séparation des requérantes, apparaît contraire aux intérêts de ces enfants ; que la particularité qui résulte d'une adoption «croisée» mettant les adoptantes dans la même situation à l'égard de leur enfant biologique en cas de séparation du couple, ne saurait constituer un motif suffisant de nature à rendre opportunes les requêtes présentées ;

1) ALORS QUE l'article 365 du Code civil est contraire au droit de mener une vie familiale normale et au principe de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant en ce qu'il prévoit un partage de l'autorité parentale entre l'adoptant et le parent biologique seulement dans le cas de l'adoption de l'enfant du conjoint ; qu'en effet, cette disposition légale a pour effet d'empêcher l'enfant de voir consacrer juridiquement l'existence du lien affectif et social l'unissant au compagnon non marié de son parent biologique, puisque si l'adoption était prononcée cet enfant verrait couper le lien l'unissant à son parent biologique, qui perdrait ses droits d'autorité parentale, ce qui méconnaitrait son intérêt supérieur ; qu'il y a lieu, dès lors, de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel et, à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, l'arrêt attaqué, qui a refusé l'adoption de Nina et Angel par la compagne de leur mère biologique respective, se trouvera privé de base légale au regard des 10ème et 11ème alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 ;

2) ALORS QUE l'article 365 du Code civil est contraire au droit de mener une vie familiale normale et au principe de non discrimination entre les enfants en ce qu'il prévoit un partage de l'autorité parentale entre l'adoptant et le parent biologique seulement dans le cas de l'adoption de l'enfant du conjoint ; qu'en effet, cette disposition légale a pour effet de créer une distinction entre les enfants élevés au sein d'un couple marié, qui peuvent voir leur filiation adoptive établie à l'égard du conjoint de leur parent biologique sans que ce dernier perde ses droits d'autorité parentale, et les enfants élevés au sein d'un couple non marié, formé de partenaires unis par un pacte civil de solidarité ou de concubins engagés dans une union de fait stable, qui ne peuvent voir cette filiation correspondant à la vérité sociale établie à l'égard du compagnon de leur parent à moins que ce dernier ne perde ses droits d'autorité parentale ; qu'il y a lieu, dès lors, de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel et, à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, l'arrêt attaqué, qui a refusé l'adoption de Nina et Angel par la compagne de leur mère biologique respective, se trouvera privé de base légale au regard des 10ème et 11ème alinéas du Préambule de la Constitution de 1946, ensemble l'article 1er de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 ;

3) ALORS QUE l'article 365 du Code civil est contraire au droit des partenaires et des concubins de fonder une famille et de mener une vie familiale normale en ce qu'il prévoit un partage de l'autorité parentale entre l'adoptant et le parent biologique seulement dans le cas de l'adoption de l'enfant du conjoint ; qu'en effet cette disposition légale a pour effet d'empêcher une personne non mariée d'adopter l'enfant de son compagnon, auquel elle est unie par un pacte civile de solidarité ou une union de fait stable et durable, puisque cette adoption priverait le parent biologique de ses droits d'autorité parentale ce qui serait contraire à l'intérêt de l'enfant ; qu'il y a lieu, dès lors, de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel et, à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, l'arrêt attaqué, qui a refusé l'adoption de Nina et Angel par la compagne de leur mère biologique respective, se trouvera privé de base légale au regard des 10ème et 11ème alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 ;

4) ALORS QUE l'article 365 du Code civil est contraire au droit de mener une vie familiale normale et au principe de non discrimination en raison de l'orientation sexuelle en ce qu'il prévoit un partage de l'autorité parentale entre l'adoptant et le parent biologique seulement dans le cas de l'adoption de l'enfant du conjoint ; qu'en effet, cette disposition légale a pour effet d'imposer aux personnes engagées dans une relation stable et durable de se marier pour que l'adoption par l'une d'entre elles de l'enfant de l'autre ne fasse pas perdre à cette dernière ses droits d'autorité parentale, condition préalable à l'adoption que ne peuvent satisfaire les personnes de même sexe auxquelles le mariage est interdit ; qu'il y a lieu, dès lors, de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel et, à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, l'arrêt attaqué, qui a refusé l'adoption de Nina et Angel par la compagne de leur mère biologique respective, se trouvera privé de base légale au regard des 10ème et 11ème alinéas du Préambule de la Constitution de 1946, ensemble l'article 1er de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789.


SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la requête de Mademoiselle Y... en adoption simple de l'enfant Angel Dork Louys Emile X... ainsi que la requête de Mademoiselle X... en adoption simple de l'enfant Nina, Ked, Luce Y... ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE selon les dispositions de l'article 365 du Code civil, l'adoptant est seul investi de tous les droits d'autorité parentale à l'égard de l'adopté à moins qu'il ne soit le conjoint du père ou de la mère de ce dernier ; que ce texte ne prévoit donc le partage de l'autorité parentale que dans le cas de l'adoption de l'enfant du conjoint, les conjoints étant en l'état de la législation française, des personnes unies par les liens du mariage ; que l'adoption de Nina par Mme Isabelle X... et d'Angel par Mme Isabelle Y... aurait dès lors pour effet de priver chacune des deux mères biologiques de l'intégralité des droits d'autorité parentale sur son enfant, alors que l'une et l'autre présentent toute aptitude éducative à l'égard de son propre enfant et ne lui manifestent aucun rejet ; qu'en conséquence, l'adoption est contraire à l'intérêt de chacun des deux enfants et qu'elle ne peut être prononcée, étant observé que la loi française n'opérant aucune distinction quant à l'orientation sexuelle des adoptants, elle ne porte pas atteinte aux dispositions de la Convention européenne des droits de l'Homme ; que le jugement est donc confirmé et les appelantes condamnées aux dépens ;

ET AUX MOTIFS IMPLICITEMENT ADOPTES QU'il est de bonne administration de la justice de prononcer la jonction des deux affaires enrôlées séparément sous les numéros 07/10386 et 07/10389, en raison de leurs liens de connexité ; que l'article 365 du Code civil dispose «l'adoptant est seul investi à l'égard de l'adopté de tous les droits d'autorité parentale, inclus celui de consentir au mariage de l'adopté, à moins qu'il ne soit le conjoint du père ou de la mère de l'adopté…» ; qu'en l'espèce, les adoptions de Nina et Angel sollicitées par Mademoiselle Isabelle Y... et Mademoiselle Isabelle X... par leur compagne respective auraient pour effet de priver la mère biologique de ses droits d'autorité parentale sur son enfant ; que cette situation, qui subsisterait en cas de séparation des requérantes, apparaît contraire aux intérêts de ces enfants ; que la particularité qui résulte d'une adoption «croisée» mettant les adoptantes dans la même situation à l'égard de leur enfant biologique en cas de séparation du couple, ne saurait constituer un motif suffisant de nature à rendre opportunes les requêtes présentées ;

1) ALORS QUE l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions qui le concernent ; que cet intérêt supérieur est méconnu par l'article 365 du Code civil qui prévoit un partage de l'autorité parentale entre l'adoptant et le parent biologique seulement dans le cas de l'adoption de l'enfant du conjoint et a donc pour effet d'empêcher l'enfant de voir consacrer juridiquement l'existence du lien affectif et social l'unissant au compagnon non marié de son parent biologique, puisque si l'adoption était prononcée cet enfant verrait couper le lien l'unissant à son parent biologique, qui perdrait ses droits d'autorité parentale ; qu'en faisant application de cette disposition légale dont elle a rappelé qu'elle aurait pour effet, s'il était fait droit aux demandes d'adoption, de priver les mères biologiques de leurs droits d'autorité parentale bien qu'elles présentent toute aptitude éducative à l'égard de son propre enfant et ne lui manifestent aucun rejet, pour rejeter les demandes d'adoption de Nina par Madame X... et d'Angel par Madame Y..., qui devaient permettre à chacun des enfants de voir consacrer le lien affectif et social qui l'unit à la compagne de sa mère biologique, la Cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme et l'article 3, §1er de la Convention de New York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant ;

2) ALORS QUE la jouissance du droit de mener une vie familiale normale et la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant doivent être garantis sans distinction fondée notamment sur la naissance ; que cette exigence est méconnue par l'article 365 du Code civil qui prévoit un partage de l'autorité parentale entre l'adoptant et le parent biologique seulement dans le cas de l'adoption de l'enfant du conjoint et a donc pour effet d'introduire une distinction entre les enfants élevés au sein d'un couple marié, qui peuvent voir leur filiation adoptive établie à l'égard du conjoint de leur parent biologique sans que ce dernier perde ses droits d'autorité parentale, et les enfants élevés au sein d'un couple non marié, formé de partenaires unis par un pacte civil de solidarité ou de concubins engagés dans une union de fait stable, qui ne peuvent voir cette filiation correspondant à la vérité sociale établie à l'égard du compagnon de leur parent à moins que ce dernier ne perde ses droits d'autorité parentale ; qu'en faisant application de cette disposition légale dont elle a rappelé qu'elle aurait pour effet, s'il était fait droit aux demandes d'adoption, de priver les mères biologiques de leurs droits d'autorité parentale bien qu'elles présentent toute aptitude éducative à l'égard de son propre enfant et ne lui manifestent aucun rejet, pour rejeter les demandes d'adoption de Nina par Madame X... et d'Angel par Madame Y..., qui devaient permettre à chacun des enfants de voir consacrer le lien affectif et social qui l'unit à la compagne de sa mère biologique, la Cour d'appel a violé les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'Homme et l'article 3, §1er, de la Convention de New York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant ;

3) ALORS QUE chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que cette exigence est méconnue par l'article 365 du Code civil en ce qu'il prévoit un partage de l'autorité parentale entre l'adoptant et le parent biologique seulement dans le cas de l'adoption de l'enfant du conjoint et a donc pour effet d'empêcher une personne non mariée d'adopter l'enfant de son compagnon, auquel elle est unie par un pacte civil de solidarité ou une union de fait stable et durable, puisque cette adoption priverait le parent biologique de ses droits d'autorité parentale ce qui serait contraire à l'intérêt de l'enfant ; qu'en faisant application de cette disposition légale dont elle a rappelé qu'elle aurait pour effet, s'il était fait droit aux demandes d'adoption, de priver les mères biologiques de leurs droits d'autorité parentale bien qu'elles présentent toute aptitude éducative à l'égard de son propre enfant et ne lui manifestent aucun rejet, pour rejeter les demandes d'adoption de Nina par Madame X... et d'Angel par Madame Y..., qui devaient permettre à chacune des demanderesses de voir consacrer le lien affectif et social qui l'unit à l'enfant de sa compagne, la Cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme ;

4) ALORS QUE la jouissance du droit de mener une vie familiale normale doit être garantie sans distinction fondée notamment sur l'orientation sexuelle ; que cette exigence est méconnue par l'article 365 du Code civil en ce qu'il prévoit un partage de l'autorité parentale entre l'adoptant et le parent biologique seulement dans le cas de l'adoption de l'enfant du conjoint et a donc pour effet d'imposer aux personnes engagées dans une relation stable et durable de se marier pour que l'adoption par l'une d'entre elles de l'enfant de l'autre ne fasse pas perdre à ce dernier ses droits d'autorité parentale, condition préalable à l'adoption que ne peuvent satisfaire les personnes de même sexe auxquelles le mariage est interdit ; qu'en faisant application de cette disposition légale dont elle a rappelé qu'elle aurait pour effet, s'il était fait droit aux demandes d'adoption, de priver les mères biologiques de leurs droits d'autorité parentale bien qu'elles présentent toute aptitude éducative à l'égard de son propre enfant et ne lui manifestent aucun rejet, pour rejeter les demandes d'adoption de Nina par Madame X... et d'Angel par Madame Y..., qui devaient permettre à chacune des demanderesses de voir consacrer le lien affectif et social qui l'unit à l'enfant de sa compagne, et consacrer ainsi une discrimination à leur encontre puisqu'il leur est impossible de satisfaire à la condition de mariage préalable à l'adoption, la Cour d'appel a violé les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'Homme.



site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Adoption
Filiation


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.