par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 29 juin 2011, 10-18960
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
29 juin 2011, 10-18.960

Cette décision est visée dans la définition :
Majeurs protégés




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu qu'une ordonnance du juge des tutelles de Grenoble du 21 décembre 2009 a placé Mme X..., née le 8 mars 1920, sous sauvegarde de justice pour la durée de l'instance et désigné l'association Familles en Isère en qualité de mandataire spécial avec pour mission de percevoir seule les pensions et revenus de toute nature dont l'intéressée pouvait se trouver titulaire, de l'appliquer à son entretien ainsi qu'à l'acquittement de ses dettes, de recevoir le courrier et de faire fonctionner les comptes de dépôts bancaires et postaux, afin de les employer à son entretien et à son traitement, ainsi qu'au règlement des dépenses courantes et de ses dettes alimentaires éventuelles ; qu'une seconde ordonnance du juge des tutelles du 13 janvier 2010 a, à nouveau, désigné cette association avec mission de prendre toutes mesures utiles au maintien de la personne protégée en milieu hospitalier et de rechercher un lieu d'hébergement, en dehors de son domicile, compatible avec son état de santé, et de l'y faire admettre ; que Mme X... et son fils, M. X..., ont interjeté appel de ces deux décisions ;



Sur le premier moyen du pourvoi principal et du pourvoi incident, qui est recevable, pris en ses deux branches, ci-après annexé :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt attaqué (Grenoble, 8 avril 2010) d'avoir confirmé l'ordonnance du 21 décembre 2009 en ses dispositions désignant un mandataire spécial avec mission de gérer les biens de l'intéressée placée sous sauvegarde de justice pour la durée de l'instance ;

Attendu qu'ayant relevé, d'une part, que le certificat médical du docteur Y... constatait que Mme X... présentait une altération des capacités cognitives de type démentiel et qu'il y avait nécessité pour elle d'être représentée dans les actes de la vie civile tant patrimoniaux qu'à caractère personnel, d'autre part, que M. X... n'était pas en mesure de préserver les intérêts de sa mère puisqu'il négligeait de veiller ne serait-ce qu'aux soins élémentaires que serait en droit de recevoir cette dernière, la cour d'appel a caractérisé la nécessité de désigner un mandataire spécial pour la gestion des biens de la majeure protégée et souverainement estimé qu'il n'y avait pas lieu de désigner M. X... pour exercer ces fonctions ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi principal et du pourvoi incident :

Attendu que M. et Mme X... font encore grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leur demande de réformation de l'ordonnance du 13 janvier 2010 désignant un mandataire spécial avec mission de faire admettre l'intéressée placée sous sauvegarde de justice dans un lieu d'hébergement en dehors de son domicile, alors, selon le moyen, que la décision par laquelle le juge des tutelles place un majeur sous sauvegarde de justice en application de l'article 433 du code civil est notifiée au requérant et au majeur protégé ; que les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés ; qu'en affirmant que la décision de placement sous sauvegarde de justice était exécutoire de droit dès son prononcé, c'est-à-dire sans notification, de sorte que le juge des tutelles était en droit, par une ordonnance ultérieure, d'en modifier les modalités d'exécution, la cour d'appel a violé les articles 1249 et 503 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant retenu que le placement sous sauvegarde de justice ne pouvait, en application de l'article 1249 du code de procédure civile, faire l'objet d'aucun recours et avait une fonction de protection du majeur concerné, c'est, à bon droit, que la cour d'appel a décidé que cette décision, qui ne pouvait faire grief à Mme X..., était exécutoire de droit dès son prononcé nonobstant son absence de notification ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi principal et le pourvoi incident ;

Condamne M. X... de Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de M. X... et de Mme X... et les condamne à payer à l'association Familles en Isère la somme de 2 500 euros ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. X..., demandeur au pourvoi principal, et Mme X..., demanderesse au pourvoi incident

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du 21 décembre 2009 en ses dispositions désignant un mandataire spécial avec mission de gérer les biens d'une personne placée sous sauvegarde de justice (Mme X..., l'exposante) pour la durée de l'instance ;

AUX MOTIFS QUE le moyen tenant à l'existence de la volonté prétendue de Mme X... de voir ses biens administrés par son fils n'était pas fondé, le médecin psychiatre l'ayant examinée ayant conclu au fait qu'elle était hors d'état de manifester sa volonté ; que, sur la personne du mandataire, si la loi donnait priorité à la famille du majeur protégé pour l'administration des biens de ce dernier, il apparaissait en l'espèce que M. X... n'était pas en mesure de gérer les intérêts de sa mère ; qu'en effet, l'état physique déplorable dans lequel elle avait été retrouvée lorsqu'elle avait été hospitalisée d'urgence démontrait que le fils de la majeure protégée n'était pas apte à s'occuper de sa mère puisqu'il négligeait de veiller ne fût-ce qu'aux soins élémentaires qu'aurait été en droit de recevoir cette dernière ;
que le signalement effectué le 26 novembre 2009 par le service de médecine légale du CHU de Grenoble indiquait notamment : « Madame Joséphine X..., personne vulnérable présentant une démence, a été hospitalisée en urgence au CHU de Grenoble pour hygiène déplorable, des lésions cutanées d'origine mixte (post-traumatique et défaut d'hygiène) sur un terrain antérieur pathologique, déshydratation et septicémie, témoins d'une dégradation importante de l'état de santé, secondaires très probablement à un défaut de soins important chez cette patiente vulnérable. L'ensemble de ces éléments nous font évoquer une négligence, voire une malveillance. Son état de santé justifie des soins médicaux appropriés et une hospitalisation dans un service de médecine puis, si possible, en gériatrie pour une durée encore indéterminée » ; qu'il résultait du signalement effectué par le centre communal d'action d'aide sociale de Fontaine le 2 décembre 2009 que le fils s'opposait à toute aide et tout suivi proposés pour sa mère, qu'il ne répondait à aucune convocation et qu'il n'était plus en capacité de gérer la situation ; que, selon l'assistante sociale, M. X... n'acceptait même pas l'intervention des infirmiers malgré les conditions d'hygiène inquiétantes dans lesquelles était sa mère, son attitude « semble constituer un frein quant à l'organisation d'un maintien à domicile adapté pour Mme Joséphine X... en l'isolant à ce jour de toute évaluation médico-sociale » ; que la décision du juge des tutelles de désigner un tiers comme mandataire spécial était donc parfaitement justifiée (arrêt attaqué, p. 8, al. 4 et s. ; p. 9, al. 1 et 2) ;

ALORS QUE le mandat par lequel la personne protégée a chargé une autre personne de l'administration de ses biens continue de produire ses effets pendant la sauvegarde de justice à moins qu'il ne soit révoqué ou suspendu par le juge des tutelles, le mandataire étant entendu ou appelé ; qu'en l'absence de mandat, les règles de la gestion d'affaires sont applicables ; qu'en justifiant la mission confiée à un mandataire spécial d'accomplir certains actes d'administration dans l'intérêt d'une personne âgée en se fondant sur des documents faisant exclusivement état de négligences dans les soins corporels qui lui étaient dispensés, sans considération de la gestion réalisée depuis plusieurs dizaines d'années par son fils unique qui avait repris l'exploitation maraîchère de ses parents, ni, par conséquent, expliquer en quoi cette gestion aurait été inadaptée aux intérêts patrimoniaux de l'intéressée, la cour d'appel n'a conféré aucune base légale à sa décision au regard des articles 428, 436 et 437 du code civil ;

ALORS QUE, en outre, la loi privilégie la désignation en qualité de mandataire spécial d'un parent ou d'un allié ou encore d'une personne résidant avec le majeur protégé entretenant avec lui des liens étroits et stables ; qu'en refusant toute représentation du fils dans la gestion du patrimoine de la personne protégée, sans constater que ce dernier, qui gérait les biens de sa mère depuis plusieurs dizaines d'années, aurait failli dans cette fonction, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 437 et 449 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté une personne placée sous sauvegarde de justice (Mme X..., l'exposante) de sa demande de réformation de l'ordonnance du 13 janvier 2010 désignant un mandataire spécial avec mission de la faire admettre dans un lieu d'hébergement en dehors de son domicile ;

AUX MOTIFS QUE, sur le moyen tiré de l'absence de caractère exécutoire de l'ordonnance du 21 décembre 2009 ayant prévu le placement sous sauvegarde de justice, ladite ordonnance, qui avait placé Mme X... sous sauvegarde de justice « pour la durée de l'instance » était, en application des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 514 du code de procédure civile, exécutoire de droit à titre provisoire ; qu'il avait été précisé par ailleurs que, en vertu des dispositions de l'article 1249 du même code, ce placement ne pouvait faire l'objet d'aucun recours, ce qui s'expliquait tant par sa nature provisoire que par sa fonction de protection du majeur concerné ; que, dès lors, le placement sous sauvegarde de justice de la majeure était exécutoire de droit dès son prononcé et les consorts X... n'étaient pas fondés à se prévaloir de l'absence de notification de cette première ordonnance pour prétendre que l'ordonnance du 13 janvier 2010, qui était la suite du placement sous sauvegarde de justice, ne pouvait pas être exécutée (arrêt attaqué, p. 10, al. 3 à 7) ;


ALORS QUE la décision par laquelle le juge des tutelles place un majeur sous sauvegarde de justice en application de l'article 433 du code civil est notifiée au requérant et au majeur protégé ; que les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés ; qu'en affirmant que la décision de placement sous sauvegarde de justice était exécutoire de droit dès son prononcé, c'est-à-dire sans notification, de sorte que le juge des tutelles était en droit, par une ordonnance ultérieure, d'en modifier les modalités d'exécution, la cour d'appel a violé les articles 1249 et 503 du code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Majeurs protégés


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.