par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 20 novembre 2012, 11-17653
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Cour de cassation, chambre commerciale
20 novembre 2012, 11-17.653

Cette décision est visée dans la définition :
Notification




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 24 février 2011), que la société Ugspay, ayant son siège à Londres, exploite un système de collecte de paiements par carte bancaire via internet pour le compte de sites marchands ; que cette société a sous-traité une part de son activité à la société Ing Telecom, titulaire auprès de divers établissements bancaires français de contrats de vente à distance ; que le contrat conclu à cette fin entre les deux sociétés le 22 décembre 2008 a pris fin le 31 mai 2010 ; que la société Ugspay, au motif d'une violation des dispositions contractuelles concernant le paiement des sommes qui lui étaient dues et de l'urgence pour elle de récupérer ces sommes afin de payer ses propres clients, a fait pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes bancaires de la société Ing Télécom et d'un sous-traitant de cette dernière, la société Ouest Télécom, ainsi que sur ceux de leur holding, la société Holding Y... ; que ces trois sociétés ont fait assigner en référé la société Ugspay en demandant la rétractation de l'ordonnance du 21 septembre 2010 ayant autorisé la saisie conservatoire et, à titre subsidiaire, la mise sous séquestre des sommes en cause et la limitation de la saisie conservatoire à certains montants ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Ugspay reproche à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'appel des sociétés saisies en estimant régulière la signification de l'acte d'appel et de l'assignation à jour fixe effectuée en France, au domicile de l'un de ses cogérants, alors, selon le moyen :

1°/ que les recommandations contenues dans le préambule du règlement n° 1393/ 2007 du 13 novembre 2007, non expressément reprises dans les vingt cinq dispositions dudit règlement, n'ont aucune valeur normative ; qu'en décidant que le " point 8 " du préambule de ce règlement indiquant, au conditionnel, que « le présent règlement ne devrait pas s'appliquer à la signification et à la notification d'un acte au représentant mandaté d'une partie dans l'Etat membre où l'instance a lieu, quel que soit le lieu de résidence de celle-ci », excluait son application lorsque l'acte était notifié au représentant légal domicilié dans l'Etat membre où l'instance avait lieu, tandis que la partie intéressée était elle-même domiciliée dans un autre Etat membre, quand une telle exclusion n'a pas été reprise par les dispositions du règlement en question, la cour d'appel, en lui ajoutant une disposition qu'il ne comporte pas, a violé le règlement du Parlement européen et du Conseil n° 1393/ 2007 du 13 novembre 2007 ;

2°/ qu'en tout état de cause, en recommandant en son " point " n° 8 que « le présent règlement ne devrait pas s'appliquer à la signification et à la notification d'un acte au représentant mandaté d'une partie dans l'Etat membre où l'instance à lieu, quel que soit le lieu de résidence de celle-ci », le préambule dudit règlement vise exclusivement le représentant spécialement mandaté dans le cadre de l'instance pour recevoir les actes, c'est-à-dire le domicile élu, et non les représentants légaux des personnes morales destinataires des actes ; qu'en décidant que les dispositions protectrices du règlement, qui exigent notamment une traduction de l'acte notifié dans la langue de la partie destinataire ainsi que certaines informations, telle la faculté de refuser la réception, ne s'appliquaient pas lorsque la notification avait été faite au représentant légal de la partie domicilié dans l'Etat membre où l'instance avait lieu, même si la personne morale destinataire était ressortissante d'un autre Etat membre, la cour d'appel a violé le règlement n° 1393/ 2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 ;

3°/ que la notification faite à une personne morale l'est au lieu de son établissement, et c'est seulement à défaut d'un tel lieu qu'elle peut être délivrée à l'un de ses membres habilité à la représenter ; qu'en déclarant en l'espèce que la notification avait pu être délivrée à l'un des gérants de la personne morale domicilié en France à partir du moment où celle-ci n'avait pas d'établissement en France, puisqu'il était constant que l'exposante était établie au Royaume-Uni, ajoutant ainsi au texte une restriction qu'il ne comporte pas, à savoir que l'établissement de la société destinataire devait se situer en France, la cour d'appel a violé l'article 690 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que la délivrance d'une assignation destinée à une personne morale est régulière dès lors qu'elle est faite à la personne de son représentant légal ;

Et attendu, en second lieu, qu'aux termes de son article 1er, le règlement n° 1393/ 2007 du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale, est applicable lorsqu'un acte doit être transmis d'un Etat membre à l'autre ; qu'ayant retenu que l'assignation délivrée en France au représentant légal de la société Ugspay était régulière, la cour d'appel en a déduit à bon droit, abstraction du motif surabondant critiqué par la première branche, que les dispositions du règlement n° 1393/ 2007 n'étaient pas applicables ;

D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Ugspay reproche à l'arrêt d'avoir ramené à certains montants la saisie conservatoire autorisée, alors, selon le moyen, qu'en ne précisant pas qu'elles étaient les pièces produites lui ayant permis d'affirmer que le montant de la créance de l'exposante apparaissait surévaluée, pour cantonner la saisie, autorisée à hauteur de 5 287 799 dollars US et 1 066 830 euros, aux seules sommes de 4 050 000 dollars US et 750 000 euros correspondant à peu près à ce dont sa cocontractante se reconnaissait débitrice, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt relève que la société Ugspay produit un décompte récapitulant les opérations réalisées sur les différents comptes ouverts auprès de plusieurs établissements bancaires et qui justifie les montants autorisés pour la saisie ; qu'il relève également que la société Ing Télécom, qui conteste ce décompte et s'interroge sur les sources qui permettent à la société Ugspay de parvenir à un tel montant, produit un tableau établi par comptes bancaires, en euros et en dollars, dont les chiffres sont contestés par la société Ugspay qui souligne l'absence de justification du nombre exact des contestations, et fait observer que la comparaison du tableau produit devant le premier juge et de celui versé aux débats devant la cour d'appel fait apparaître, d'octobre à fin novembre 2010, un accroissement considérable des contestations (7 285 début octobre, 9 159 fin novembre), alors que les transactions ont cessé depuis la fin de l'année 2009, et sans que la société Ing Telecom justifie de ces contestations supplémentaires ; qu'il relève encore que la société Ing Télécom verse aux débats des constats d'huissier dont la force probante est contestée par la société Ugspay, s'agissant de constats par sondages, ainsi que celle des CD et CD-ROM annexés, non exploitables, faute d'éléments justifiant de la manière dont ils ont été réalisés ; qu'ainsi la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, a mentionné les pièces à partir desquelles elle a souverainement retenu que le montant de la créance alléguée par la société Ugspay lui apparaissait surévalué ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Ugspay aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour la société Ugspay

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir, pour déclarer recevable l'appel interjeté par des parties saisies (les sociétés ING TELECOM, OUEST TELECOM et HOLDING Y...) à l'encontre de l'ordonnance ayant refusé de rétracter les saisies autorisées, déclaré valable la signification de l'acte d'appel et de l'assignation à jour fixe destinée à une société ayant son siège en Grande-Bretagne (la société UGSPAY, l'exposante), effectuée en France, au domicile de l'un de ses cogérants ;

AUX MOTIFS QUE, selon l'article 690 du code de procédure civile, la notification faite à une personne morale était faite au lieu de son établissement ; qu'à défaut d'un tel lieu elle l'était à la personne de l'un de ses membres habilité à la représenter ; que la société UGSPAY ne possédait pas d'établissement sur le territoire français : qu'en revanche son représentant légal, M. X..., de nationalité française, était domicilié en France ; que l'exposante était donc mal fondée à soutenir l'irrégularité de l'assignation qui lui avait été délivrée en la personne de son représentant légal ; que, s'agissant de la procédure prévue par le règlement 1393/ 2007 du parlement européen et du conseil du 13 novembre 2007, il résultait du point n° 8 du préambule dudit règlement qu'il n'avait pas vocation à s'appliquer à la signification et à la notification d'un acte au représentant mandaté d'une partie dans l'état membre où l'instance avait lieu, quel que fût le lieu de résidence de cette partie, ce qui était le cas en l'espèce puisque M. X...n'avait jamais contesté être habilité, en qualité de représentant légal de la société UGSPAY, à recevoir les actes qui lui avaient été signifiés et qui concernaient une instance qui se déroulait en France ;

ALORS QUE, d'une part, les recommandations contenues dans le préambule du règlement n° 1393/ 2007 du 13 novembre 2007, non expressément reprises dans les vingtcinq dispositions dudit règlement, n'ont aucune valeur normative ; qu'en décidant que le " point 8 " du préambule de ce règlement indiquant, au conditionnel, que « le présent règlement ne devrait pas s'appliquer à la signification et à la notification d'un acte au représentant mandaté d'une partie dans l'Etat membre où l'instance a lieu, quel que soit le lieu de résidence de celle-ci », excluait son application lorsque l'acte était notifié au représentant légal domicilié dans l'Etat membre où l'instance avait lieu, tandis que la partie intéressée était elle-même domiciliée dans un autre Etat membre, quand une telle exclusion n'a pas été reprise par les dispositions du règlement en question, la cour d'appel, en lui ajoutant une disposition qu'il ne comporte pas, a violé le règlement du parlement européen et du conseil n° 1393/ 2007 du 13 novembre 2007 ;

ALORS QUE, d'autre part, et en tout état de cause, en recommandant en son " point " n° 8 que « le présent règlement ne devrait pas s'appliquer à la signification et à la notification d'un acte au représentant mandaté d'une partie dans l'Etat membre où l'instance à lieu, quel que soit le lieu de résidence de celle-ci », le préambule dudit règlement vise exclusivement le représentant spécialement mandaté dans le cadre de l'instance pour recevoir les actes, c'est-à-dire le domicile élu, et non les représentants légaux des personnes morales destinataires des actes ; qu'en décidant que les dispositions protectrices du règlement, qui exigent notamment une traduction de l'acte notifié dans la langue de la partie destinataire ainsi que certaines informations, telle la faculté de refuser la réception, ne s'appliquaient pas lorsque la notification avait été faite au représentant légal de la partie domicilié dans l'Etat membre où l'instance avait lieu, même si la personne morale destinataire était ressortissante d'un autre Etat membre, la cour d'appel a violé le règlement n° 1393/ 2007 du parlement européen et du conseil du 13 novembre 2007 ;

ALORS QUE, enfin, la notification faite à une personne morale l'est au lieu de son établissement, et c'est seulement à défaut d'un tel lieu qu'elle peut être délivrée à l'un de ses membres habilité à la représenter ; qu'en déclarant en l'espèce que la notification avait pu être délivrée à l'un des gérants de la personne morale domicilié en France à partir du moment où celle-ci n'avait pas d'établissement en France, puisqu'il était constant que l'exposante était établie au Royaume-Uni, ajoutant ainsi au texte une restriction qu'il ne comporte pas, à savoir que l'établissement de la société destinataire devait se situer en France, la cour d'appel a violé l'article 690 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir, à la requête de parties saisies (les sociétés ING TELECOM, OUEST TELECOM et HOLDING Y...), cantonné aux sommes de 4. 050. 000 $ US et 750. 000 € la saisie conservatoire autorisée à la demande de la créancière (la société de droit anglais UGSPAY, l'exposante) à hauteur de 9. 466. 451 $ US et 1. 752. 171 € ;

AUX MOTIFS QU'il n'appartenait pas au juge saisi d'une contestation de l'autorisation de pratiquer une saisie conservatoire de faire le compte des parties, mais de vérifier si le créancier justifiait d'une créance paraissant fondée en son principe et s'il existait des circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement ; que le principe de la créance était bien réel, ainsi que cela résultait des explications données par les débitrices elles-mêmes, la société ING TELECOM indiquant avoir été sur le point de virer 4 000 000 $ US à la société UGSPAY, quand elle en avait été empêchée par la saisie de ses comptes ; que, s'agissant du montant de la créance, il appartenait à ING TELECOM, aux termes du contrat, d'établir un relevé de l'ensemble des transactions par périodes de sept jours pour que le client pût réaliser les vérifications nécessaires, et de justifier des impayés susceptibles de venir en déduction ; que, pas plus devant le premier juge que devant la cour, la société ING TELECOM ne justifiait du montant exact des sommes dont elle devait le reversement à sa cocontractante ; que, toutefois, le montant de la créance alléguée par l'exposante apparaissait également surévalué au regard des pièces produites ; que, sur la menace susceptible de peser sur le recouvrement de la créance, le fait que les parties saisies se fussent abstenues d'ouvrir des comptes dédiés exclusivement aux mouvements de fonds appartenant à leurs mandants, faisait peser un doute sérieux sur la gestion de ces entreprises et leur possibilité de faire face à leurs engagements ; que le premier juge avait pertinemment relevé que le fait que la confirmation du virement de 4. 000. 000 $ US demandée par la banque à M. Y... le jour même de la demande de virement signifiée par ce dernier permettait de douter de la volonté ou de la capacité du demandeur à régler ses dettes ; qu'il était ainsi justifié de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance ;

ALORS QUE, en ne précisant pas qu'elles étaient les pièces produites lui ayant permis d'affirmer que le montant de la créance de l'exposante apparaissait surévaluée, pour cantonner la saisie, autorisée à hauteur de 5. 287. 799 $ US et 1. 066. 830 €, aux seules sommes de 4. 050. 000 $ US et 750. 000 € correspondant à peu près à ce dont sa cocontractante se reconnaissait débitrice, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Notification


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.