par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 18 juin 2014, 13-14715
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
18 juin 2014, 13-14.715

Cette décision est visée dans la définition :
Propriété commerciale




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le second moyen :

Vu l'article 1155 du code civil ;

Attendu que les revenus échus, tels que fermages, loyers, arrérages de rentes perpétuelles ou viagères, produisent intérêt du jour de la demande ou de la convention ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 17 janvier 2013), que par acte du 1er avril 1997, M. X... a donné à bail à la société Pompes funèbres du Rhône, aux droits de laquelle vient la société MMDA, des locaux à usage commercial ; que le 15 janvier 2009, la société MMDA a sollicité le renouvellement de son bail à compter du 1er avril suivant, moyennant un loyer révisé suivant l'indice INSEE du coût de la construction ; que le bailleur a accepté le 10 avril 2009 le principe du renouvellement mais demandé un loyer déplafonné ; qu'après un échange de mémoires, la société MMDA a assigné M. X... devant le juge des loyers commerciaux par acte du 21 juillet 2010 ; que M. X... a notifié un mémoire en réponse le 10 septembre 2010 ;

Attendu que pour condamner la société MMDA à payer à M. X... les intérêts légaux sur le montant arriéré des loyers, judiciairement fixés, à compter du 10 avril 2009, l'arrêt retient que les intérêts moratoires attachés au loyer courent, en l'absence de convention contraire, du jour de la demande en fixation du nouveau loyer, en l'espèce le 10 avril ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les intérêts dus sur la différence entre le nouveau loyer du bail renouvelé et le loyer provisionnel courent à compter de la délivrance de l'assignation introductive d'instance en fixation du prix, lorsque le bailleur est à l'origine de la procédure, et à compter de la notification du premier mémoire en défense lorsque c'est le preneur qui a saisi le juge, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le premier moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société MMDA à payer à M. X... les intérêts légaux sur le montant arriéré des loyers à compter du 10 avril 2009, l'arrêt rendu le 17 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne la société MMDA aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR débouté Monsieur Pascal X... de sa demande de déplafonnement du loyer du bail renouvelé le 1er avril 2009 qui sera fixé à la somme de 3.901,97 euros correspondant à la variation de l'indice de la construction ;
AUX MOTIFS QUE « l'évolution des facteurs locaux de commercialité fait seule débat au regard des divers critères du plafonnement ; le bail de neuf ans a fait l'objet d'une prorogation tacite sans excéder une durée totale de douze ans; la modification des facteurs de commercialité doit en conséquence être examinée pour l'ensemble de la durée effective du bail ; iI résulte des productions et des conclusions de l'expert judiciaire ; que les locaux sont situés en centre ville de Villeurbanne, dans un secteur animé accueillant de nombreux commerces et à proximité d'un parking public, mis en service en novembre 2006, donc durant la période de référence ; Mais il s'agit là d'une amélioration de la situation, qui jusqu'alors réservait des possibilités de stationnement le long des rues avoisinantes et cette circonstance nouvelle n'a pas pour effet, à elle seule, de modifier sensiblement l'accessibilité au commerce ; le nouveau tramway, par ailleurs, est trop éloigné pour être pris en compte, même si une correspondance est possible ; le développement du service de vélos constitue au contraire un facteur propre à favoriser l'accès au commerce ; que le cimetière a fait l'objet d'aménagements, qui sont de nature à attirer la clientèle et à profiter à un commerce de pompes funèbres ; que la population de Villeurbanne a crû de 13 % au cours du bail à renouveler ; les facteurs locaux de commercialité ont connu une modification notable, du seul fait de l'augmentation de la population, et cette évolution est plus sensible encore, en raison de la synergie avec d'autres considérations favorables, fussent-elles marginales en elles-mêmes, tenant à l'amélioration de l'accessibilité au commerce et à I'aménagement du cimetière ; pour autant, l'accroissement de la population a essentiellement conduit à son rajeunissement ; le nombre des décès est resté stable : 894 en 1999, 910 en 2009, la moyenne générale s'établissant à 862 décès, environ, sur la période) ; de ce point de vue, la modification ne peut être tenue pour notable et ayant une incidence sur l'activité de pompes funèbres ; il en va de même des évolutions concernant l'accessibilité du commerce, qui n'est pas pertinente pour un commerce de cette nature, qui ne draine ni le chaland, ni le touriste ; la rénovation des carrés juif et musulmans, comme la création d'un jardin du souvenir, pourraient être pertinentes, au contraire, si le nombre d'inhumations à Villeurbanne, avec recours à une entreprise de la ville, avait augmenté ou si même l'existence d'une telle évolution est possible en raison du développement de l'offre de places ou de services particuliers ; cela n'étant ni établi, ni même prétendu, il n'est pas prouvé que ces circonstances profitent au type de commerce considéré ; iI en va de même du développement des activités culturelles ; les modifications relevées n'ont pas d'incidence positive, en elles-mêmes ou par synergie, sur le commerce de pompes funèbres d'autant qu'il existe une circonstance défavorable, tenant à la-création-de deux entreprises concurrentes ; elles n'en ont pas plus sur I'activité de garantie obsèques, d'une part parce que cette dernière ne tend qu'à anticiper et sécuriser la clientèle, mais non à la développer, d'autre part, parce qu'aucun élément n'est produit aux débats qui tendrait à montrer qu'il existerait, pour ce type particulier de convention, un ratio de corrélation directe entre le chiffre de la population et le nombre de souscriptions, indépendamment de toute autre considération tenant notamment à l'âge et à la situation économique de cette population ; le jugement refusant le déplafonnement doit être confirmé, en son principe et en ce qu'il a retenu, pour fixer le montant du loyer, la variation de l'indice national trimestriel mesurant le coût de la construction, calculée à partir du dernier indice publié, pour une période d'une durée égale à celle qui s'est écoulée entre la date initia le du bail et la date de son renouvellement effectif ; Il convient seulement d'ajouter que les intérêts moratoires attachés aux loyers courent, en l'absence de convention contraire, du jour de la demande en fixation du nouveau loyer, en l'espèce le 10 avril 2009 ; leur capitalisation est de droit, dès lors qu'elle est demandée en justice » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « aux termes de L.145-33 du code de commerce le loyer du bail à renouveler doit correspondre à la valeur locative déterminée, à défaut d'accord, par les caractéristiques des locaux, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués, et en application de l'article L.145-34 le taux de variation applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler ne peut excéder la variation de l'indice national du coût de la construction, ou, s'il est applicable, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux mentionné au premier alinéa de l'article L.112-2 du code monétaire et financier, qu'en cas de modification notable des quatre premiers éléments mentionnés par l'article L.145-33 ayant une incidence directe et favorable sur le commerce considéré ; qu'en l'espèce, les locaux loués à la SARL M.M.D.A. sont situés 61 rue Racine à Villeurbanne et sont affectés à une activité de pompes funèbres; que si l'expert a relevé une augmentation de plus de 13 % de la population de la commune de Villeurbanne au cours du bail expiré, non seulement celle-ci n'a toutefois pas généré de potentiel de clientèle significatif pour l'activité exercée puisque le nombre de décès est resté stable, et que le nombre d'établissements hospitaliers et de maisons de retraites n'a pas évolué, cet accroissement démographique n'ayant pas davantage d'impact significatif sur les contrats de garantie obsèques compte tenu de la moyenne d'âge de la population communale, dont 82 % a moins de 60 ans ; qu'en outre, si la création du parking de l'hôtel de ville a pu améliorer les possibilités de stationnement dans le secteur des locaux et faciliter l'accès de la clientèle, elle ne peut toutefois constituer une modification notable des facteurs locaux de commercialité pour le commerce exploité, d'autant que cet avantage est largement compensé par l'accroissement de la concurrence, avec la création de nouveaux établissements de pompes funèbres sur la commune pendant la durée du bail expiré ; qu'enfin, le développement des activités culturelles ou les aménagements urbains destinés à rendre la commune plus attrayante, y compris ceux concernant le cimetière, sont sans incidence sur l'activité considérée, qui dépend principalement de l'architecture de la population, et de l'implantation des établissements médicaux ou de retraite ; qu'en conséquence Pascal X... n'est pas fondé en sa demande de déplafonnement du loyer du bail renouvelé le I" avril 2009, qui sera fixé en fonction de la variation de l'indice du coût de la construction sur une période équivalente à la durée du bail conformément aux dispositions de l'article L.145-34 du code de commerce, soit entre celui du deuxième trimestre 1997 fixé comme indice de référence par le bail ayant débuté au 1 er avril 1997 et celui du deuxième trimestre 2009, compte tenu de son renouvellement effectif au 1er avril 2009, ce qui conduit à un montant de 2.667,86 x1.529,50/1.045,75 = 3.901,97 euros » ;
1°) ALORS QUE l'augmentation de la population est de nature à modifier les facteurs locaux de commercialité ayant une incidence sur l'activité exercée dans les locaux faisant l'objet d'un bail commercial ; que la cour d'appel a relevé que la population de Villeurbanne avait crû de 13 % au cours du bail à renouveler et que les facteurs locaux de commercialité avaient connu une modification notable de ce seul fait ; qu'en énonçant toutefois, pour rejeter la demande de déplafonnement du loyer formée par Monsieur X..., que l'accroissement de la population n'avait pas eu d'incidence sur l'activité de pompes funèbres exercée par le preneur ni sur les contrats de garantie obsèques qu'il propose, au motif que la moyenne d'âge de la population communale avait moins de 60 ans et que l'évolution en cause avait essentiellement conduit à son rajeunissement, motif inopérant à écarter une potentielle multiplication des contrats « garantie obsèques », indépendants de l'âge de la population et du nombre des décès enregistrés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.145-34 et L.145-33 du code de commerce ;
2°) ALORS QUE l'augmentation de la population est de nature à modifier les facteurs locaux de commercialité ayant une incidence sur l'activité exercée dans les locaux faisant l'objet d'un bail commercial ; que la cour d'appel a relevé que la population de Villeurbanne avait crû de 13 % au cours du bail à renouveler et que les facteurs locaux de commercialité avaient connu une modification notable de ce seul fait ; qu'en énonçant toutefois, pour rejeter la demande de déplafonnement du loyer formée par Monsieur X... et dire que la modification ne pouvait pas être tenue pour notable et ayant une incidence sur l'activité du preneur, qu'il n'était pas démontré qu'il existerait pour les conventions obsèques un ratio de corrélation directe entre le chiffre de la population et le nombre des souscriptions, quand il lui appartenait de rechercher si concrètement, dans la ville de Villeurbanne, pour la période considérée, au regard des caractéristiques socio-économiques des habitants, cette évolution n'était pas de nature à avoir une incidence sur son activité « garantie obsèques », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.145-34 et L.145-33 du code de commerce ;
3°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à une absence de motifs ; que lorsqu'elle est combinée avec d'autres éléments, la hausse du prix des loyers est de nature à constituer une modification des facteurs locaux de commercialité susceptible d'entraîner un déplafonnement du loyer d'un bail commercial ; que dans ses conclusions récapitulatives, Monsieur X... faisait valoir que le déplafonnement du loyer devait être admis en raison de la hausse des loyers dans le voisinage, qui, combiné avec la hausse de la population de la ville, le développement des moyens de transport, la création du cimetière, constituait une modification des facteurs locaux de commercialité ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire des conclusions de Monsieur X..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR dit que la société MMDA doit payer à Monsieur X... les intérêts légaux sur le montant arriéré des loyers à compter du 10 avril 2009 et d'avoir ordonné leur capitalisation ;
AUX MOTIFS QUE « il convient seulement d'ajouter que les intérêts moratoires attachés aux loyers courent, en l'absence de convention contraire, du jour de la demande en fixation du nouveau loyer en l'espèce le 10 avril 2009 ; leur capitalisation est de droit, dès lors qu'elle est demandée en justice » ;
ALORS QUE les intérêts moratoires attachés aux loyers courent en l'absence de convention contraire relative aux intérêts, du jour de la demande en fixation du nouveau loyer par le seul effet de la loi ; que la cour d'appel a relevé que « le locataire a demandé le renouvellement (du bail) à son échéance, par acte du 15 janvier 2009, en proposant un loyer révisé par application de l'indice du coût de la construction » ; qu'il s'évince donc de ses propres constatations que la demande en fixation du nouveau loyer était en date du 15 janvier 2009 ; qu'en retenant toutefois la date du 10 avril 2009 comme point de départ des intérêts, la cour d'appel a violé l'article 1155 du code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Propriété commerciale


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.