par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 13 novembre 2014, 13-24142
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
13 novembre 2014, 13-24.142

Cette décision est visée dans la définition :
Appel




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 juin 2013) et les productions, que la société Adméa et la société Pangeoise de distribution (la société Sopadis) ont interjeté appel le 14 juin 2012 du jugement d'un tribunal de commerce du 29 mai 2012 les déboutant de leurs demandes d'indemnisation formées à l'encontre des sociétés But international et Cafom distribution ; que les sociétés Adméa et Sopadis ont remis leurs conclusions d'appelantes au greffe de la cour d'appel le 13 septembre 2012 et les ont seulement signifiées à la société Cafom distribution ; que la société But international, qui a constitué avocat le 6 novembre 2012, a signifié aux sociétés appelantes, le 13 novembre 2012, des conclusions au fond contenant appel incident et des conclusions d'incident saisissant le conseiller de la mise en état d'une demande de caducité de la déclaration d'appel ; que les sociétés Adméa et Sopadis, qui ont notifié leurs conclusions d'appel à la société But international le 30 novembre 2012, ont déféré à la formation collégiale de la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état constatant la caducité de la déclaration d'appel en tant que formée contre la société But international et sa validité en tant que formée contre la société Cafom distribution ;

Attendu que les sociétés Adméa et Sopadis font grief à l'arrêt de prononcer la caducité de l'appel interjeté contre le jugement du 29 mai 2012 enregistré sous le n° 12/10934 intimant la société But international, alors, selon le moyen :

1°/ que la renonciation à un droit peut être tacite dès lorsque les circonstances établissent de façon non équivoque la volonté de renoncer ; que l'intimé dispose d'un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour conclure et former, le cas échéant, appel incident ; que le fait pour un intimé de former appel incident, alors même que ce délai n'a pas encore commencé à courir, faute de notification de ses conclusions par l'appelant, et de conclure au fond, constitue dès lors une renonciation non équivoque à se prévaloir de la caducité de la déclaration d'appel ; qu'en l'espèce, la société But international, nonobstant l'absence de signification des conclusions des sociétés Adméa et Sopadis a conclu au fond, en réponse à ces conclusions non signifiées, et formé appel incident à l'encontre de la décision attaquée, cependant même que le délai pour ce faire ne courait pas encore ; qu'en agissant ainsi, la société But international a renoncé de manière non équivoque à se prévaloir de la caducité de la déclaration d'appel des sociétés Adméa et Sopadis ; qu'en retenant cependant, pour décider que la société But international n'avait pas renoncé à se prévaloir de l'irrégularité de la procédure, qu'en faisant appel incident par conclusions du 13 novembre 2012, celle-ci ne faisait que sauvegarder « son droit de faire appel incident », la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ que nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; que l'intimé qui, nonobstant la caducité de la déclaration d'appel pour défaut de signification des conclusions de l'appelant, prend des conclusions pour répondre au fond aux conclusions non signifiées et former appel incident, alors même que le délai pour ce faire ne court pas encore, ne peut ensuite se contredire au détriment de l'appelant en invoquant la caducité de la déclaration d'appel ; qu'en décidant que la société But international n'avait pas renoncé à son droit de se prévaloir de l'irrégularité de la procédure, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée par les conclusions d'appel des sociétés Adméa et Sopadis, si par son comportement procédural, la société But international ne s'était pas contredite au détriment des sociétés Adméa et Sopadis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe susvisé ;

3°/ que l'article 908 du code de procédure civile prévoit qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour conclure ; que ce texte n'envisage pas une caducité partielle de la déclaration d'appel, lorsque celle-ci concerne plusieurs intimés et que l'appelant n'a pas notifié ou signifié ses conclusions à l'égard de l'un d'eux seulement ; qu'en cette hypothèse, l'acte d'appel étant unique et indivisible, il doit être déclaré caduc à l'égard de toutes les parties qu'il vise ; qu'une telle sanction, qui constitue une entrave disproportionnée au droit d'accès à un tribunal, peut être écartée pour ce motif par le juge ; que celui-ci n'a en revanche aucun pouvoir d'en alléger la rigueur en limitant les effets de la caducité à l'égard de l'un des intimés seulement ; qu'en décidant cependant en l'espèce que rien n'interdisait que la déclaration d'appel des sociétés Adméa et Sopadis soit caduque uniquement à l'égard de la société But international et non à celui de la société Cafom distribution, la cour d'appel a violé l'article 908 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'après avoir rappelé que la notification de conclusions contenant un appel incident par la partie intimée à la partie appelante dont la déclaration d'appel encourt la caducité faute de signification de ses conclusions d'appel dans le délai requis, ne peut faire échec, en la régularisant, à la sanction procédurale spécifique prévue par l'article 908 du code de procédure civile, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, a pu, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant, décider qu'il ne se déduisait pas de l'appel incident de la société But international sa renonciation non équivoque à se prévaloir de l'irrégularité de la procédure d'appel ;

Et attendu que les sociétés Adméa et Sopadis, qui ont interjeté appel en intimant la société But international et la société Cafom distribution, ne peuvent proposer devant la Cour de cassation un moyen tendant à étendre la caducité de la déclaration d'appel, contrairement à ce qu'ont décidé les juges du fond, à la société Cafom distribution ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa troisième branche, est mal fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Adméa et la société Pangeoise de distribution aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la société But international la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils pour les sociétés Adméa et Pangeoise de distribution

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la caducité de l'appel interjeté contre le jugement du 29 mai 2012 par les sociétés ADMEA et SOPADIS, enregistré sous le numéro 12/10934, intimant la société BUT INTERNATIONAL ;

AUX MOTIFS QUE « l'article 911 précise : « Sous les sanctions prévues aux articles 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avoués des parties dans leur délai de remise au greffe de la Cour. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées dans le mois suivant l'expiration de ce délai aux parties qui n'ont pas constitué avoué ; cependant, si entre temps, celles-ci ont constitué avoué avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avoué » ; que les sociétés ADMEA et SOPADIS ont interjeté appel par déclaration du 14 juin 2012 ; que la société CAFOM DISTRIBUTION a constitué avocat le 29 juin 2012 ; que les sociétés ADMEA et SOPADIS ont signifié la déclaration d'appel à BUT INTERNATIONAL par acte du 20 juillet 2012 ; que les sociétés ADMEA et SOPADIS ont déposé leurs conclusions à la Cour le 13 septembre 2012 et signifié celles-ci à CAFOM DISTRIBUTION le 14 septembre 2013 (lire 2012) ; que BUT INTERNATIONAL a constitué avocat le 6 novembre 2012, qu'elle a déposé un jeu de conclusions comportant appel incident le 13 novembre 2012 ; que les sociétés ADMEA et SOPADIS ont notifié leurs conclusions à BUT INTERNATIONAL le 30 novembre 2012 ; qu'il résulte de ces constatations que les sociétés ADMEA et SOPADIS ont signifié leurs conclusions à la société BUT INTERNATIONAL au-delà du délai d'un mois qui leur était imparti selon les termes de l'article 911 du Code de procédure civile ; que contrairement à ce que soutiennent les sociétés ADMEA et SOPADIS, en faisant appel incident par conclusions du 13 novembre 2012, la société BUT INTERNATIONAL ne renonçait pas à se prévaloir de l'irrégularité de la procédure, qu'elle sauvegardait son droit de faire appel incident de sorte que la renonciation ainsi déduite de son appel incident est parfaitement contestable, que la caducité de l'article 908 du Code de procédure civile est une sanction procédurale spécifique qui n'exige pas l'existence d'un grief et à laquelle il ne peut être fait échec par une régularisation, notamment par le dépôt des conclusions des intimées portant appel incident, étant ici observé qu'en application de l'article 550 du Code de procédure civile, l'appel incident n'étant pas recevable si l'appel principal ne l'est pas lui-même, il ne saurait régulariser la procédure ; que la société ADMEA et sa filiale à 100% la société SOPADIS reprochent à la société CAFOM DISTRIBUTION, centrale d'achat du groupe CAFOM qui lui-même exploite la société BUT INTERNATIONAL en franchise, d'avoir mis fin brutalement à leurs relations commerciales, les ont assignées en réparation de leur préjudice et ont été déboutées de leurs demandes de dommages-intérêts par le premier juge ; qu'il apparaît que les fautes reprochées aux deux sociétés sont nécessairement distinctes de sorte que le litige présente un caractère divisible ; que rien n'interdit que la déclaration d'appel des sociétés ADMEA et SOPADIS soit caduque à l'égard de la société BUT INTERNATIONAL ; que par ailleurs le but recherché dans le cadre du décret de 2009 ne peut justifier que la sanction soit appliquée également au recours engagé par les appelantes contre la société CAFOM qui n'est affecté lui-même d'aucune irrégularité, sauf à les priver par une sanction disproportionnée au but recherché, du droit d'appel à l'égard de cette partie ; que par ces motifs, la caducité peut être en l'espèce prononcée » ;

1°/ ALORS QUE la renonciation à un droit peut être tacite dès lors que les circonstances établissent de façon non équivoque la volonté de renoncer ; que l'intimé dispose d'un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour conclure et former, le cas échéant, appel incident ; que le fait pour un intimé de former appel incident, alors même que ce délai n'a pas encore commencé à courir, faute de notification de ses conclusions par l'appelant, et de conclure au fond, constitue dès lors une renonciation non équivoque à se prévaloir de la caducité de la déclaration d'appel ; qu'en l'espèce, la société BUT INTERNATIONAL, nonobstant l'absence de signification des conclusions des sociétés exposantes, a conclu au fond, en réponse à ces conclusions non signifiées, et formé appel incident à l'encontre de la décision attaquée, cependant même que le délai pour ce faire ne courait pas encore ; qu'en agissant ainsi, la société BUT INTERNATIONAL a renoncé de manière non équivoque à se prévaloir de la caducité de la déclaration d'appel des sociétés exposantes ; qu'en retenant cependant, pour décider que la société BUT INTERNATIONAL n'avait pas renoncé à se prévaloir de l'irrégularité de la procédure, qu'en faisant appel incident par conclusions du 13 novembre 2012, celle-ci ne faisait que sauvegarder « son droit de faire appel incident », la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

2°/ ALORS QUE nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; que l'intimé qui, nonobstant la caducité de la déclaration d'appel pour défaut de signification des conclusions de l'appelant, prend des conclusions pour répondre au fond aux conclusions non signifiées et former appel incident, alors même que le délai pour ce faire ne court pas encore, ne peut ensuite se contredire au détriment de l'appelant en invoquant la caducité de la déclaration d'appel ; qu'en décidant que la société BUT INTERNATIONAL n'avait pas renoncé à son droit de se prévaloir de l'irrégularité de la procédure, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée par les conclusions d'appel des sociétés exposantes, si par son comportement procédural, la société BUT INTERNATIONAL ne s'était pas contredite au détriment des sociétés ADMEA et SOPADIS, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe sus-visé ;

3°/ ALORS QUE l'article 908 du Code de procédure civile prévoit qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour conclure ; que ce texte n'envisage pas une caducité partielle de la déclaration d'appel, lorsque celle-ci concerne plusieurs intimés et que l'appelant n'a pas notifié ou signifié ses conclusions à l'égard de l'un d'eux seulement ; qu'en cette hypothèse, l'acte d'appel étant unique et indivisible, il doit être déclaré caduc à l'égard de toutes les parties qu'il vise ; qu'une telle sanction, qui constitue une entrave disproportionnée au droit d'accès à un tribunal, peut être écartée pour ce motif par le juge ; que celui-ci n'a en revanche aucun pouvoir d'en alléger la rigueur en limitant les effets de la caducité à l'égard de l'un des intimés seulement ; qu'en décidant cependant en l'espèce que rien n'interdisait que la déclaration d'appel des sociétés ADMEA et SOPADIS soit caduque uniquement à l'égard de la société BUT INTERNATIONAL et non à celui de la société CAFOM DISTRIBUTION, la Cour d'appel a violé l'article 908 du Code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.