par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 13 mai 2015, 14-14904
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
13 mai 2015, 14-14.904

Cette décision est visée dans la définition :
Majeurs protégés




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., née le 21 février 1945, a été placée sous tutelle le 27 juin 2003 ; que, par jugement du 12 décembre 2011, le juge des tutelles a renouvelé la mesure pour une durée de 120 mois, M. Y..., mandataire judiciaire à la protection des majeurs, étant maintenu dans ses fonctions de tuteur ; que M. X..., neveu de la majeure protégée, a interjeté appel de cette décision ;
"
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 446-1 et 1245 du code de procédure civile ;

Attendu que la cour d'appel, qui ne s'est pas prononcée sur l'ensemble des demandes figurant dans les écritures de M. X..., a énoncé que, la procédure étant orale, il ne serait répondu que sur les points soulevés à l'audience ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'en matière de procédure orale, le juge est valablement saisi par les écritures déposées par une partie et que M. X... était présent à l'audience, assisté de son avocat, elle a violé les textes susvisés ;

Sur le même moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 442, alinéa 2, du code civil ;

Attendu, selon ce texte, que le juge des tutelles ne peut renouveler la mesure de protection pour une durée supérieure à cinq ans que lorsque l'altération des facultés personnelles de l'intéressé n'apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science, par une décision spécialement motivée et sur avis conforme d'un médecin inscrit sur la liste prévue à l'article 431 du même code ;

Attendu que, pour confirmer le jugement ayant renouvelé la mesure de tutelle pour une durée de 120 mois, la cour d'appel a énoncé que l'expertise du médecin inscrit faisait état d'une altération due à un retard mental moyen justifiant une mesure de représentation dans les actes de la vie civile, « au regard des caractéristiques de personnalité comme l'immaturité, la suggestibilité et l'absence de disponibilité et plasticité qui fragilise la cognition et l'auto-critique » ;

Qu'en statuant ainsi, sans motiver sa décision quant à l'impossibilité manifeste, selon les données acquises de la science, pour l'intéressée, de connaître une amélioration de l'altération de ses facultés personnelles et sans constater que le certificat du médecin préconisait un renouvellement de la mesure pour une durée supérieure à cinq ans, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 avril 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille quinze.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour M. X....

M. Robert X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir maintenu la mesure de tutelle de Melle Jany X..., d'en avoir fixé la durée à 120 mois et d'avoir désigné M. Serge Y... pour la représenter et administrer ses biens et sa personne ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la procédure étant orale, il ne sera répondu que sur les points soulevés à l'audience ; ¿ que sur le choix du tuteur : suivant l'article 449 du code civil, « le juge nomme comme curateur ou tuteur le conjoint de la personne protégée, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité, ou son concubin, à moins que la vie commune ait cessé entre eux ou qu'une autre cause empêche de lui confier la mesure. A défaut de nomination faite en application de l'alinéa précédent, et sous la dernière réserve qui y est mentionnée, le juge désigne un parent, un allié ou une personne résidant avec le majeur ou entretenant avec lui des liens étroits et stables. Le juge prend en considération les sentiments exprimés par celuici, ses relations habituelles, l'intérêt porté à son égard et les recommandations éventuelles de ses parents et alliés ainsi que de son entourage » ; que suivant l'article 450 du code civil, « lorsqu'aucun membre de la famille ou aucun proche ne peut assumer la tutelle ou la curatelle, le juge désigne un mandataire judiciaire à la protection des majeurs inscrits sur la liste prévue à l'article L 471-2 du code de l'action sociale et des familles » ; qu'au cas d'espèce, le juge des tutelles a fait le choix d'un tuteur extérieur au regard notamment des nombreux conflits qui opposent les membres de la famille ; que qui plus est, les motivations diverses et variées présentées à l'audience laissent place à la suspicion induite par la fortune de l'intéressée qui se chiffre approximativement à la somme de deux millions d'euros ; que sur l'absence de réponse du juge des tutelles à la requête datée du 25 octobre 2010, Robert X... fait grief au premier juge de ne pas avoir répondu à la requête présentée le 25 octobre 2010 tendant à voir constater les défaillances du tuteur et désigner un administrateur ad-hoc, voire un expertcomptable aux fins, notamment, de reconstituer le patrimoine de Jany X... et d'analyser la cause de la disparition de fonds sur ses comptes. ; que de nombreux courriers ont été échangés entre le juge des tutelles et le conseil des consorts X... entre novembre 2010 et juin 2010 ; qu'il doit être rappelé cependant que la loi ne fait pas obligation au juge des tutelles d'organiser une audience à la demande du majeur protégé ou de tiers, dès lors que cette audition n'est pas expressément prévue par la loi ; que sur le défaut de remise des comptes, Robert X... et Jany X... font grief au tuteur de ne pas avoir informé Jany X... de l'état de ses comptes ; que suivant l'article 510 du code civil le tuteur établit chaque année un compte de sa gestion et lui fait obligation de remettre une copie du compte et des pièces justificatives à la personne protégée lorsqu'elle est âgée d'au moins 16 ans ; que s'il est vrai que ce manquement à l'obligation d'information imputable au tuteur est préjudiciable à l'intéressée, il n'en demeure pas moins qu'il ne s'agit pas d'une faute caractérisée justifiant le changement de tuteur ; que le contexte tel qu'il est, au regard notamment des pressions exercées sur la majeure protégée, justifie que le principe de confidentialité également visé par ledit article 510 soit mis en oeuvre dans un souci de protection de la majeure protégée et afin de préserver son intérêt ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE par jugement du 23 juin 2003, Melle Jany X... a été placée sous le régime de la tutelle pour une durée venant à échéance ; qu'il est établi par l'ensemble du dossier et plus spécialement par les éléments médicaux que Melle Jany X... présente les caractéristiques diagnostique d'un retard mental moyen ; que l'ouverture d'une mesure de protection est donc encore nécessaire ; qu'il n'est toujours par possible de pourvoir à ses intérêts par application des règles du droit commun de la représentation, sa situation personnelle n'ayant pas évolué ; qu'eu égard à son état de santé, l'instauration d'une mesure de sauvegarde de justice ou d'une curatelle s'avérerait insuffisante ; qu'elle a, de ce fait, besoin d'être représentée d'une manière continue dans les actes de la vie civile, tant en ce qui concerne l'exercice de ses intérêts patrimoniaux que la protection de sa personne ; que par ailleurs, son état, exclut toute lucidité sur le plan électoral, qu'il convient de supprimer son droit de vote ; qu'en vertu des pièces du dossier, il convient de fixer la durée de cette mesure à 120 mois ; qu'il y a lieu de maintenir M. Serge Y..., tuteur de Melle Jany X... conformément à l'article 449 du code civil ; que les comptes prévus à l'article 510 devront être remis le 31 décembre de chaque année au greffier en chef du tribunal d'instance, conformément aux dispositions de l'article 511 du code civil ; attendu qu'il convient de préciser les conditions dans lesquelles le tuteur rendra compte des diligences qu'il a accomplies dans le cadre de la mission de la protection de la personne ;

1°) ALORS QU'en matière de procédure orale, le juge est valablement saisi par les écritures déposées par une partie; qu'en énonçant qu'il ne sera répondu que sur les points soulevés à l'audience en raison du caractère oral de la procédure, la cour, qui a ainsi refusé de se prononcer sur les écritures déposées par M. Robert X... par lesquelles il sollicitait notamment la désignation d'un administrateur ad hoc aux fins de reconstitution du patrimoine de Melle Jany X... et à ce qu'il soit, à titre subsidiaire, désigné en qualité de subrogé-tuteur dans l'hypothèse où était confirmé le mandat de M. urand, a violé les articles 446-1, 446-2 et 1245 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le juge des tutelles ne peut renouveler une mesure de tutelle pour une durée supérieure à cinq ans ( 60 mois) que par décision spécialement motivée et sur avis conforme d'un médecin choisi sur la liste établie par le Procureur de la République ; qu'en confirmant le jugement qui avait fixé la durée de la mesure de tutelle renouvelée à une durée de 120 mois sans constater ni motiver spécialement sa décision sur ce point, la cour a violé l'article 442 du code civil ;

3°) ALORS QUE, à titre subsidiaire, la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; qu'en confirmant dans son dispositif le jugement qui avait fixé la durée de la mesure de tutelle renouvelée à 120 mois, tout en énonçant dans le rappel de la procédure que le jugement avait fixé cette durée à 60 mois, la cour d'appel s'est contredite, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE dans son le jugement rendu le 12 décembre 2011, le juge des tutelles de Brignoles, après avoir fixé la durée de la mesure de tutelle renouvelée, a énoncé « qu'il y a lieu de maintenir M. Serge Y..., tuteur de Melle Jany X... conformément à l'article 449 du code civil » sans autre motif; qu'en énonçant, pour confirmer le choix d'un tuteur extérieur opéré par le juge des tutelles, que cette décision avait été prise au regard des nombreux conflits familiaux, la cour a dénaturé le jugement précité et ainsi violé les articles 1134 du code civil et 4 du code de procédure civile ;

5°) ALORS QU'il incombe à la cour d'appel de se placer au moment où elle statue pour apprécier les faits ; qu'en énonçant, pour confirmer le choix du juge des tutelles d'un tuteur extérieur à la famille, que ce juge avait tenu compte des nombreux conflits familiaux, la cour s'est placée au jour où le premier juge s'était prononcé et a ainsi violé l'article 561 du code de procédure civile ;

6°) ALORS QUE toute décision doit être motivée ; qu'en se fondant, pour désigner M. Serge Y... en qualité de tuteur, sur « des motivations diverses et variées présentées à l'audience laissant place à une suspicion induite par la fortune de l'intéressée », la cour qui s'est prononcée par des motifs abstraits sans exposer concrètement quelles seraient ces motivations, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;


7°) ALORS QUE l'obligation d'information du majeur protégé qui pèse sur le tuteur est une obligation essentielle dont la méconnaissance justifie que ce dernier soit déchargé de sa mission ; que la cour qui, bien qu'elle ait constaté que le tuteur avait manqué à son obligation d'information et que ce manquement était préjudiciable à l'intéressé, a néanmoins exclu l'existence d'une faute justifiant le changement de tuteur, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé les articles 510 et 417 du code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Majeurs protégés


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.