par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. soc., 31 mai 2016, 15-21175
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Cour de cassation, chambre sociale
31 mai 2016, 15-21.175
Cette décision est visée dans la définition :
Délégué syndical
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu les mémoires des parties ou de leurs mandataires reçus au greffe de la Cour de cassation ;
Sur les premier et second moyens réunis :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Lagny-sur-Marne, 26 juin 2015), que l'Union locale CGT de Chelles a notifié le 22 avril 2015 à la société Generis la désignation de M. X... en qualité de délégué syndical de l'établissement de Chelles Claye-Souilly ; que, se prévalant d'un accord d'entreprise conclu le 6 juin 2013, aux termes duquel le périmètre de la désignation devait être l'entreprise, la société a saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation de cette désignation ;
Attendu que la société fait grief au jugement de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en disposant que la désignation d'un délégué syndical « peut intervenir au sein de l'établissement regroupant des salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques », l'article L. 2143-3, alinéa 4, issu de la loi du 5 mars 2014 qui n'est pas impératif n'a ni pour objet ni pour effet d'invalider les accords collectifs ayant précédemment organisé pour les délégués syndicaux, un niveau de désignation différent de celui qu'autorise la loi nouvelle, de sorte qu'en décidant que l'accord collectif du 6 juin 2013 serait « en contradiction » avec les termes de la loi nouvelle, le tribunal d'instance a violé par fausse application les articles 2 du code civil et L. 2143-3 du code du travail qui offre aux partenaires sociaux une simple faculté, et ne leur confère nullement une prérogative d'ordre public, susceptible de les délier d'un accord collectif régulier et non dénoncé ;
2°/ qu'en faisant prévaloir les dispositions nouvelles de l'article L. 2143-3 au prétexte qu'elles seraient « plus favorables » que les dispositions résultant de l'accord collectif du 6 juin 2013, le juge d'instance, qui s'abstient de constater que les conditions permettant de désigner un délégué syndical d'établissement n'étaient pas déjà remplies au moment de la signature de l'accord susvisé, ne caractérise aucun avantage particulier que la loi du 5 mars 2014 aurait nouvellement conféré au syndicat CGT et ne justifie donc pas légalement sa décision de privilégier la loi nouvelle par rapport à l'accord collectif intervenu dans un contexte qui n'a pas changé ; qu'en statuant comme il l'a fait, le tribunal d'instance a privé sa décision de toute base légale au regard tant des articles L. 2251-1, L. 2143-3, L. 2232-16, L. 2221-1 et L. 2221-2 du code du travail, que du principe de faveur ;
3°/ que l'accord collectif du 6 juin 2013 disposait formellement qu'il pourrait faire l'objet d'une révision ou d'une dénonciation dans le respect des règles prévues aux articles L. 2222-5, L. 2222-6 et L. 2261-9 à L. 2261-14 du code du travail, de sorte que le tribunal d'instance qui reconnaît, à la demande de la société Generis que l'accord du 6 juin 2013 n'a fait l'objet d'aucune dénonciation et que, du fait de la superposition du nouveau périmètre de désignation invoqué par la CGT et utilisé par les autres organisations syndicales, l'entreprise va se trouver en présence de « difficultés pratiques réelles », ne tire pas de ses propres constatations les conséquences qui s'en évincent à savoir que, avant toute revendication concernant une définition du périmètre de représentation, le syndicat doit non seulement, en vertu des textes susvisés, respecter un préavis, mais encore notifier une dénonciation aux autres signataires de l'accord collectif et proposer une révision du champ d'intervention des mandataires désignés sous l'empire de l'accord dénoncé ; en statuant comme il l'a fait, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 2143-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014, la désignation d'un délégué syndical peut intervenir au sein de l'établissement regroupant des salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques ; que ces dispositions, même si elles n'ouvrent qu'une faculté aux organisations syndicales représentatives, sont d'ordre public quant au périmètre de désignation des délégués syndicaux ; qu'il s'ensuit qu'un accord d'entreprise, conclu antérieurement à l'entrée en vigueur de ce texte, se référant à un périmètre de désignation des délégués syndicaux identique à celui des élections au comité d'entreprise, ne peut priver un syndicat du droit de désigner un délégué syndical au niveau d'un établissement, au sens de l'article L. 2143-3 du code du travail, peu important que cet accord n'ait pas été dénoncé ;
Et attendu que le tribunal, qui a constaté, par des motifs non critiqués, que l'établissement de Chelles-Claye-Souilly répondait aux critères exigés par ce texte, a exactement décidé que la désignation de M. X... en qualité de délégué syndical de cet établissement était régulière ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Generis.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le pourvoi reproche au jugement attaqué d'avoir rejeté la requête en annulation de la désignation de Monsieur X... en qualité de délégué syndical de l'Union Locale CGT au sein de l'établissement CHELLES CLAYE-SOUILLY de la société GENERIS et d'avoir condamné la société GENERIS à payer la somme de 600 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la régularité de la désignation de M. X... en qualité de délégué syndical : L'article L 2143-3 du Code du travail dispose, depuis la modification opérée par la Loi du 5 mars 2014 que : « Chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement d'au moins cinquante salariés, qui constitue une section syndicale, désigne parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli à titre personnel et dans leur collège au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, dans les limites fixées à l'article L. 2143-12, un ou plusieurs délégués syndicaux pour la représenter auprès de l'employeur. Si aucun des candidats présentés par l'organisation syndicale aux élections professionnelles ne remplit les conditions mentionnées au premier alinéa du présent article ou s'il ne reste, dans l'entreprise ou l'établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit les conditions mentionnées au premier alinéa, une organisation syndicale représentative peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement. La désignation d'un délégué syndical peut intervenir lorsque l'effectif d'au moins cinquante salariés a été atteint pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédentes. Elle peut intervenir au sein de l'établissement regroupant des salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques ». Cette nouvelle disposition, qui permet sous certaines conditions de désigner un délégué syndical au niveau de l'établissement, niveau plus restreint que celui de l'entreprise, est effectivement en contradiction avec les termes de l'accord collectif signé régulièrement le 6 juin 2013 au sein de la société GENERIS, et qui stipule dans son article 2-1 que « désormais toute nouvelle désignation de délégué syndical s'effectuera au niveau de l'entreprise et non des établissements ». Pour autant il résulte de l'article L 2251-1 du Code du travail que si les salariés ou leurs représentants ne peuvent cumuler les avantages d'un accord collectif ancien et d'une loi nouvelle portant sur la même question, ils ont la faculté de choisir le régime qui leur est globalement le plus favorable. En l'espèce l'entreprise GENERIS est une structure composée de plusieurs établissements. Par conséquent l'application du nouvel article L 2143-3 du Code du travail entraîne la désignation de plusieurs délégués syndicaux, chacun bénéficiant par exemple du crédit d'heure affecté à ce statut, et intervenant à un niveau de proximité des salariés plus important. L'Union locale CGT de Chelles est donc légitime à considérer que ce régime lui est globalement plus favorable que l'application de l'accord collectif conclu antérieurement, et ce même si ce changement entraîne des difficultés pratiques réelles pour l'entreprise, notamment si certains syndicats se réfèrent toujours à l'accord collectif... L'Union locale CGT de Chelles peut donc se prévaloir de l'application de l'article L 2143-3 du Code du travail, mais il convient de vérifier que ses conditions sont remplies. En effet la société GENERIS a invoqué de façon subsidiaire que rien ne démontrait que le site de CHELLES †» CLAYE SOUILLY puisse être qualifié d'établissement distinct et que le courrier de désignation visait uniquement l'établissement de CHELLES. Pour bénéficier des dispositions de l'article L 2143-3 du Code du travail, il faut effectivement établir qu'il s'agit d'un établissement distinct, répondant au critère d'effectifs de plus de 50 salariés, et au critère fonctionnel précisé in fine par cette disposition. En l'espèce les éléments suivants doivent être retenus : - si le courrier du 22 avril 2015 vise effectivement « l'établissement de Chelles », il est établi qu'il s'agit d'une simple erreur matérielle puisqu'est communément visée sous l'appellation « établissement de CHELLES » une structure en réalité composée des sites de CHELLES et de CLAYE SOUILLY. Cela ressort notamment du procès-verbal des élections des délégués du personnel du 1er avril 2015 qui est intitulé « Identification de l'établissement : GENERIS CHELLES » alors que la page 2 du même procès-verbal précise que sont concernés les sites de « Chelles et Claye-Souilly » - la condition d'effectifs est remplie (ce qui ressort des notes échangées en cours de délibéré, le requérant ayant sur ce point abandonné son argument) - le critère fonctionnel est enfin caractérisé dans la mesure où l'organisation des élections des délégués du personnel au sein de l'établissement CHELLES - CLAYE-SOUILLY le 1er avril 2015 démontre que l'employeur reconnaît lui-même que cet établissement constitue une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques (et ce conformément à l'application de l'article L 2312-1 du Code du travail), et que ces délégués du personnel sont nécessairement en lien avec le représentant de l'employeur au sein de l'établissement » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en disposant que la désignation d'un délégué syndical « peut intervenir au sein de l'établissement regroupant des salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques », l'article L. 2143-3 alinéa 4 issu de la loi du 5 mars 2014 qui n'est pas impératif n'a ni pour objet ni pour effet d'invalider les accords collectifs ayant précédemment organisé pour les délégués syndicaux, un niveau de désignation différent de celui qu'autorise la loi nouvelle, de sorte qu'en décidant que l'accord collectif du 6 juin 2013 serait « en contradiction » avec les termes de la loi nouvelle, le tribunal d'instance a violé par fausse application les articles 2 du Code civil et L. 2143-3 du Code du travail qui offre aux partenaires sociaux une simple faculté, et ne leur confère nullement une prérogative d'ordre public, susceptible de les délier d'un accord collectif régulier et non dénoncé ;
ALORS, D'AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT, QU'en faisant prévaloir les dispositions nouvelles de l'article L. 2143-3 au prétexte qu'elles seraient « plus favorables » que les dispositions résultant de l'accord collectif du 6 juin 2013, le juge d'instance, qui s'abstient de constater que les conditions permettant de désigner un délégué syndical d'établissement n'étaient pas déjà remplies au moment de la signature de l'accord susvisé, ne caractérise aucun avantage particulier que la loi du 5 mars 2014 aurait nouvellement conféré au syndicat C.G.T. et ne justifie donc pas légalement sa décision de privilégier la loi nouvelle par rapport à l'accord collectif intervenu dans un contexte qui n'a pas changé ; qu'en statuant comme il l'a fait, le tribunal d'instance a privé sa décision de toute base légale au regard tant des articles L. 2251-1, L. 2143-3, L. 2232-16, L. 2221-1 et L. 2221-2 du Code du travail, que du principe de faveur.
SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
Le pourvoi reproche au jugement attaqué d'avoir rejeté la requête tendant à l'annulation de la désignation de Monsieur X... en qualité de délégué syndical de l'Union Locale CGT au sein de l'établissement CHELLES CLAYE SOUILLY et d'avoir condamné la société GENERIS à payer la somme de 600 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « pour autant il résulte de l'article L 2251-1 du Code du travail que si les salariés ou leurs représentants ne peuvent cumuler les avantages d'un accord collectif ancien et d'une loi nouvelle portant sur la même question, ils ont la faculté de choisir le régime qui leur est globalement le plus favorable. En l'espèce l'entreprise GENERIS est une structure composée de plusieurs établissements. Par conséquent l'application du nouvel article L 2143-3 du Code du travail entraîne la désignation de plusieurs délégués syndicaux, chacun bénéficiant par exemple du crédit d'heure affecté à ce statut, et intervenant à un niveau de proximité des salariés plus important. L'Union locale CGT de Chelles est donc légitime à considérer que ce régime lui est globalement plus favorable que l'application de l'accord collectif conclu antérieurement, et ce même si ce changement entraîne des difficultés pratiques réelles pour l'entreprise, notamment si certains syndicats se réfèrent toujours à l'accord collectif. L'Union locale CGT de Chelles peut donc se prévaloir de l'application de l'article L 2143-3 du Code du travail, mais il convient de vérifier que ses conditions sont remplies. En effet la société GENERIS a invoqué de façon subsidiaire que rien ne démontrait que le site de CHELLES †» CLAYE SOUILLY puisse être qualifié d'établissement distinct et que le courrier de désignation visait uniquement l'établissement de CHELLES. Pour bénéficier des dispositions de l'article L 2143-3 du Code du travail, il faut effectivement établir qu'il s'agit d'un établissement distinct, répondant au critère d'effectifs de plus de 50 salariés, et au critère fonctionnel précisé in fine par cette disposition. En l'espèce les éléments suivants doivent être retenus : - si le courrier du 22 avril 2015 vise effectivement « l'établissement de Chelles », il est établi qu'il s'agit d'une simple erreur matérielle puisqu'est communément visée sous l'appellation « établissement de CHELLES » une structure en réalité composée des sites de CHELLES et de CLAYE SOUILLY. Cela ressort notamment du procès-verbal des élections des délégués du personnel du 1er avril 2015 qui est intitulé « Identification de l'établissement : GENERIS CHELLES » alors que la page 2 du même procès-verbal précise que sont concernés les sites de « Chelles et Claye-Souilly » ; - la condition d'effectifs est remplie (ce qui ressort des notes échangées en cours de délibéré, le requérant ayant sur ce point abandonné son argument) ; - le critère fonctionnel est enfin caractérisé dans la mesure où l'organisation des élections des délégués du personnel au sein de l'établissement CHELLES †» CLAYE-SOUILLY le 1er avril 2015 démontre que l'employeur reconnaît lui-même que cet établissement constitue une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques (et ce conformément à l'application de l'article L 2312-1 du Code du travail), et que ces délégués du personnel sont nécessairement en lien avec le représentant de l'employeur au sein de l'établissement » ;
ALORS QUE l'accord collectif du 6 juin 2013 disposait formellement qu'il pourrait faire l'objet d'une révision ou d'une dénonciation dans le respect des règles prévues aux articles L. 2222-5, L. 2222-6 et L. 2261-9 à L. 2261-14 du Code du travail, de sorte que le tribunal d'instance qui reconnaît, à la demande de la société GENERIS (p. 2 al. 6) que l'accord du 6 juin 2013 n'a fait l'objet d'aucune dénonciation et que, du fait de la superposition du nouveau périmètre de désignation invoquée par la CGT et utilisée par les autres organisations syndicales, l'entreprise va se trouver en présence de « difficultés pratiques réelles », ne tire pas de ses propres constatations les conséquences qui s'en évincent à savoir que, avant toute revendication concernant une définition du périmètre de représentation, le syndicat doit non seulement, en vertu des textes susvisés, respecter un préavis, mais encore notifier une dénonciation aux autres signataires de l'accord collectif et proposer une révision du champ d'intervention des mandataires désignés sous l'empire de l'accord dénoncé ; qu'en statuant comme il l'a fait, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés.
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Délégué syndical
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.