par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 3 novembre 2016, 15-25427
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
3 novembre 2016, 15-25.427

Cette décision est visée dans la définition :
Moyens et motifs




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 72 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 7 avril 2015), que la commune de la Ronde (la commune) a donné à bail à M. X... diverses parcelles de terre pour une durée de neuf années à compter du 1er janvier 1994 ; que cette convention a été renouvelée jusqu'au 31 décembre 2011 ; que, le 30 juin 2011, la commune a délivré au preneur un congé "sans offre de renouvellement de bail commercial" pour le 31 décembre 2011 "en application de l'article L. 145-14 du code de commerce" et rappelant les termes du dernier alinéa de l'article L. 145-9 du même code relatif à l'exercice du droit du locataire de contester le congé ou de demander une indemnité d'éviction ; que le locataire a saisi le tribunal de grande instance en paiement d'une indemnité d'éviction, demande à laquelle s'est opposée la commune en déniant le statut des baux commerciaux ;

Attendu que, pour dire que le bail consenti par la commune à M. X... était un bail commercial et que ce dernier pouvait prétendre au paiement d'une indemnité d'éviction, l'arrêt retient que la commune soutient qu'il ne s'agit pas d'un bail commercial et ce, en contradiction avec les termes de son acte du 30 juin 2011 et au détriment de M. X... à qui elle conteste désormais le droit à bénéficier du statut des baux commerciaux, alors qu'elle lui reconnaissait ce droit précédemment, l'obligeant ainsi à plaider sur ce point qui était acquis aux termes de l'acte du 30 juin 2011 et qu'il s'induit de cette contradiction, au nom du principe de cohérence, que la contestation opposée par la commune sur la qualification du bail litigieux en bail commercial est sans portée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, les défenses au fond pouvant être invoquées en tout état de cause, un bailleur qui a délivré un congé avec refus de renouvellement peut, au cours de l'instance en fixation de l'indemnité d'éviction, dénier l'application du statut des baux commerciaux, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et de la société VB tourisme, condamne M. X... à payer à la commune de La Ronde la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour la commune de La Ronde

Il est fait grief à l'arrêt attaqué infirmatif D'AVOIR dit que le bail consenti par la commune de la Ronde à M. X... était un bail commercial et que M. X... pouvait prétendre au paiement d'une indemnité d'éviction ;

AUX MOTIFS QUE, sur le principe de l'estoppel, M. X... et la société VB Tourisme soutiennent que ce principe, consacré par la jurisprudence de la Cour de cassation, s'oppose à ce qu'une partie puisse invoquer une argumentation contraire à ce qu'elle a avancée auparavant et qu'en l'espèce, l'action engagée par la commune de la Ronde, par acte extra-judiciaire du 30 juin 2011, tendant à donner congé du bail commercial du 11 avril 1994 empêche celle-ci de soutenir, désormais, que le bail est un simple bail de locaux nus ; que la commune de la Ronde conteste l'application de la théorie de l'estoppel en l'espèce, au motif que les actions précédemment engagées doivent être de même nature, fondées sur les mêmes conventions et opposer les mêmes parties, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la seule action intentée étant celle qui fait l'objet du présent litige ; que la Cour de cassation a consacré un principe normatif selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, sous peine de voir son argumentation ou sa contestation dénuée de toute efficacité et de toute portée ; qu'en l'espèce, la commune de la Ronde a agi en non-renouvellement du bail litigieux existant entre les parties et en congé donné au locataire par acte extra-judiciaire du 30 juin 2011 en ces termes : « Suivant acte sous seing privé du 11 avril 1994, la requérante vous a donné à bail à loyer à usage commercial les parcelles cadastrées... ce bail a été consenti pour une durée de 9 années ayant commencé à courir le 1er janvier 1994 pour se terminer au 31 décembre 2002 et tacitement reconduit depuis lors. La requérante entend en application des dispositions de l'article L. 145-14 du code de commerce (concernant les baux commerciaux) donner congé pour la date du 31 décembre 2011. Vous rappelant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 145-9 du code de commerce, le locataire qui entend soit contester le congé, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans » ; que dans le cadre de la présente instance, la commune de la Ronde soutient qu'il ne s'agit pas d'un bail commercial et ce, en contradiction totale avec les termes de son acte du 30 juin 2011 et au détriment de M. X... à qui elle conteste désormais le droit à bénéficier du statut des baux commerciaux, alors qu'elle lui reconnaissait ce droit précédemment, l'obligeant ainsi à plaider sur ce point qui était acquis aux termes de l'acte du 30 juin 2011 ; qu'il s'induit de cette contradiction, au nom du principe de cohérence, que la contestation opposée par la commune de la Ronde sur la qualification du bail litigieux en bail commercial est sans portée et qu'il s'agit donc bien d'un bail relevant du statut des baux commerciaux et donc de l'application de l'article L. 145-14 du code de commerce, ouvrant droit à une indemnité au locataire évincé ;

ALORS, 1°), QUE les défenses au fond peuvent être invoquées en tout état de cause et, pour justifier leurs prétentions, les parties peuvent toujours invoquer des moyens nouveaux, fussent-ils contradictoires avec ceux précédemment invoqués ; qu'en l'espèce, en jugeant que le principe suivant lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, interdisait à la commune de la Ronde, pour s'opposer à la demande en paiement d'une indemnité d'éviction, de dénier l'application du statut des baux commerciaux dès lors que cette argumentation était en contradiction avec les termes du congé qu'elle avait délivré à M. X... et qui reconnaissaient à ce dernier le bénéfice de ce statut, cependant que la dénomination que la commune de la Ronde avait pu faire du contrat de bail dans le congé ne pouvait lui interdire, dans le cadre d'une action en paiement d'une indemnité d'éviction, de contester l'application du statut des baux commerciaux, la cour d'appel a violé les articles 12 et 73 du code de procédure civile, ensemble le principe suivant lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ;

ALORS, 2°), QU'en statuant comme elle l'a fait et en jugeant que le bail litigieux était un bail commercial, cependant que la seule circonstance que le congé délivré à M. X... l'ait été sur le fondement des règles du bail commercial et qu'il ait rappelé qu'en application de l'article L.145-9 du code de commerce, le locataire pouvait saisir le juge d'une demande en paiement d'une indemnité d'éviction, ne pouvait suffire à caractériser la volonté non équivoque de la commune de la Ronde à renoncer à se prévaloir des conditions auxquelles était subordonnée l'application du statut des baux commerciaux, pour faire échec à la demande de paiement d'une indemnité d'éviction, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 145-1 du code de commerce ;


ALORS, 3°), QUE le juge, tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui son applicables, doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; qu'en déduisant l'existence d'un bail commercial des seules termes du congé du 30 juin 2011, sans rechercher si le bail litigieux, en raison de ses caractéristiques ou de ses conditions d'exécution, relevait du statut des baux commerciaux, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Moyens et motifs


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.