par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



JUGE / CONSEILLER DE LA MISE EN ETAT DEFINITION
Dictionnaire juridique

Définition de Juge / Conseiller de la mise en état

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"Juge de la mise en état", est une fonction attribuée à un ou plusieurs magistrats du Tribunal judiciaire qui, dans chaque Chambre du Tribunal, est désigné parmi les juges des formations collégiales. Leur rôle consiste à suivre l'instruction des affaires, dite aussi "mise en état". Il n'existe de mise en état, que lorsque l'affaire est attribuée à une formation collégiale. Devant le Tribunal de commerce, l'instruction de l'affaire est confiée à un Juge rapporteur qui peut aussi entendre les plaidoiries sur le fond. Il n'y a pas de mise en état devant les Tribunaux ou devant les formations contentieuses devant lesquelles la procédure est orale. Pour assurer le caractère contradictoire de la procédure qui est un principe d'ordre public, il est indispensable que les avocats, se soient réciproquement tranmis leurs conclusions et les documents probatoires (factures, contrats, plans, photographies, documents médicaux, constats et procès verbaux) dont ils se prévaudront à l'audience des plaidoiries. La procédure française ne connaît pas l'effet de surprise. Le Juge de la mise en état, et devant la Cour d'appel, le Conseiller de la mise en état " établissent dès l'ouverture de la phase d'instruction avec les conseils des parties, un calendrier des audiences au cours desquelles il conférera avec eux de l'état de leurs échanges. Il veille au déroulement loyal de la procédure, spécialement à la ponctualité de l'échange des conclusions et de la communication des pièces. Il peut entendre les avocats et leur faire toutes communications utiles. Il peut également, si besoin est, leur adresser des injonctions. Le juge de la mise en état peut inviter les avocats à répondre aux moyens sur lesquels ils n'auraient pas conclu, à fournir les explications de fait et de droit nécessaires à la solution du litige, constater la conciliation, même partielle, des parties, exercer tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l'obtention et à la production des pièces. Il peut statuer sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l'instance, accorder une provision au créancier et toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, ordonner, même d'office, toute mesure d'instruction. En revanche, le Conseiller de la mise en état n'est pas compétent pour statuer sur une exception de procédure soulevée en première instance (1ère Chambre civile 8 juillet 2009, pourvoi n°08-17401, BICC n°715 du 1er février 2010 et Legifrance) et 1ère Civ., 7 mai 2008, pourvoi n°07-14784, Bull. 2008, II, n°107. Dès qu'il constate que les parties "se seront mises en état", le Juge renvoie l'affaire devant la formation collégiale pour être plaidée.

Toute demande de sursis à statuer constitue une exception de procédure : l'ordonnance d'un juge de la mise en état qui statue sur une telle demande peut faire l'objet d'un appel immédiat, sous réserve d'être autorisé par le premier président de la cour d'appel lorsque le sursis a été ordonné. De sorte que lorsque le juge de la mise en état a rejeté la demande de sursis à statuer, c'est alors sans commettre d'excès de pouvoir que la cour d'appel a statué sur l'appel dont elle a été saisie (2e Chambre civile 25 juin 2015, pourvoi n°14-18288, BICC n°833 du 15 décembre 2015 et Legifrance).

Les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ont autorité de chose jugée au principal et peuvent être déférées par simple requête à la cour dans les quinze jours de leur date. (2e Chambre civile 3 septembre 2015, pourvoi n°13-27060, BICC n°835 du 1er février 2016 et Legifrance). De leur côté, les décisions statuant sur la compétence ne sont pas susceptibles de contredit. Si donc, la Cour d'appel est saisie à tort par la voie du contredit elle n'en demeure pas moins saisie et l'arrêt qui s'est borné à confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état qui s'est déclaré compétent n'a pas mis fin à l'instance. Le pourvoi contre cet arrêt n'est pas alors recevable (1ère Chambre civile, 14 mai 2014, pourvoi n°13-14953, BICC n°808 du 1er octobre 2014 et Legifrance).

Notons que lorsque la procédure est orale, les parties ou leurs conseils sont supposés venir à l'audience et, en plaidant, y échanger leurs notes et leurs pièces. En fait, l'usage s'est établi de réaliser d'avocat à avocat, une mise en état officieuse, qui a lieu par transmission de cabinet à cabinet par voie postale ou par voie électronique. Les échanges ont lieu pendant la période qui précède la date de l'audience. Ces échanges se réalisent hors la présence du Juge chargé de statuer sur l'affaire. En l'absence de calendrier de procédure fixé par le conseiller de la mise en état à l'occasion de l'examen de l'affaire auquel il procède après l'expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces, les parties peuvent, jusqu'à la clôture de l'instruction, invoquer de nouveaux moyens et conclure à nouveau, la cour d'appel a violé le texte susvisé (2e Chambre civile 4 juin 2015, pourvoi n°14-10548, BICC n°832 du 1er décembre 2015 et Legifrance). En cas d'interruption de l'instance, dû par exemple, à la cessation des fonctions de de l'avocat, cette situation emporte l'interruption du délai imparti pour conclure et fait courir un nouveau délai à compter de la reprise d'instance. (2e Chambre civile jeudi 4 juin 2015, pourvoi n°13-27218, BICC n°832 du 1er décembre 2015 et Legifrance).

Par la réforme du code de procédure civile résultant du décret du 13 octobre 1965 créant la mise en état, le législateur a entendu éviter que l'affaire ne soit instruite qu'in extremis, quelques jours avant l'audience des plaidoiries, sinon la veille, et que les pièces probatoires ne soient échangées qu'à la dernière heure. Il n'était pas concevable qu'on impose à l''avocat d'une partie qui vient seulement d'avoir connaissance, tant de l'argumentation de son adversaire que du contenu des documents dont il entendait faire état à l'audience. Lire à ce sujet : H. Motulsky JCP 1966, I, 1996, La réforme du code de procédure civile par le décret du 13 octobre 1965 et les principes directeurs du procès et, sur les conclusions déposées le jour de la clôture, la note de M. Roger Perrot. Ces deux études sont référencée dans la Bibliographie ci-après.

Le Juge de la mise en état ou, devant les Cour d'appel, le Conseiller de la mise en état, rend des ordonnances qui sont assorties de l'exécution provisoire. Ces ordonnances ne sont pas susceptibles d'un contredit sur la compétence (2e Chambre Civ. 31 janvier 2013, pourvoi n°11-25242, BICC n°782 du 15 mai 2013 et Legifrance). .La partie qui a demandé l'autorisation d'interjeter un appel immédiat contre une ordonnance d'un juge de la mise en état ordonnant une expertise, et dont la demande a été déclarée irrecevable comme tardive, a la possibilité d'interjeter appel de la décision ordonnant l'expertise avec le jugement sur le fond (. 2ème CIV. - 1er février 2006. BICC n°640 du 15 mai 2006). Aux termes de l'article 911 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état est compétent pour déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel. Dès lors que ce texte ne distingue pas selon que la voie de recours intentée tend à la réformation, à l'annulation ou à la nullité du jugement, le conseiller de la mise en état est compétent pour apprécier la recevabilité de l'appel-nullité (Chambre commerciale. - 14 mai 2008, BICC n°688 du 1er octobre 2008). Voir : Appel. En revanche les ordonnances du juge de la mise en état n'ont pas autorité de chose jugée, à l'exception de celles statuant sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l'instance (3e Chambre civile, 8 juillet 2009, pourvoi n°08-14611, BICC n°715 du 1er février 2010 et Legifrance).

Textes

  • Décret n°65-872 du 13 octobre 1965 modifiant certaines dispositions du Code de procédure civile et relatif à la mise en état des causes.
  • Code de l'organisation judiciaire, articles R311-13, R311-29-1.
  • Code de procédure civile, articles 514 al.2, 763 et s.
  • Bibliographie

  • Bolze (A.), l'office du juge en matière de contrôle du contradictoire : la forte résistance des juges du fond à la position de la Cour de cassation à propos de 1ère Civ., 17 février 2004, D. 2004, p. 1995.
  • Lafortune (M.), Conclusions sous Ch. Mixte 3 février 2006. BICC n°634 du 15 février 2006.
  • Perrot (R.), Observations sous 1ère Civ., 12 avril 2005, Bull., I, n°182, p. 154, Procédures, juin 2005, n°6, commentaires, 151, p. 12-13.
  • Perrot (P.), Conclusions déposées le jour de la clôture, revue, Procédures, n°12, décembre 2010, commentaire n°398, p. 12, note à propos de 1ère Civ. - 6 octobre 2010.
  • Motulsky (H.), La réforme du code de procédure civile par le décret du 13 octobre 1965 et les principes directeurs du procès. JCP 1966, I, 1996.
  • Service de documentation et d'Etudes de la Cour de cassation, Le conseiller de la mise en état -compétence et pouvoirs - recours, contre ses décisions. BICC n°677 du 1er mars 2008 p.6.
  • Service de Documentation et d'Etudes de la Cour de cassation, Fiche méthodologique, L'exigence d'impartialité du juge dans le procès civil et les procédures de récusation et de renvoi pour cause de suspicion légitime. BICC n°679 du 1er avril 2008.

  • Liste de toutes les définitions