par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



SUSPICION LEGITIME DEFINITION
Dictionnaire juridique

Définition de Suspicion légitime

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La demande de renvoi pour suspicion légitime est une demande de dessaisissement d'une Chambre de la juridiction saisie lorsqu'une des parties fait valoir que les magistrats qui la composent pris collectivement et non individuellement, font preuve, ou risquent de faire preuve d'inimitié, ou d'animosité à son égard (articles 356 et suivants du Nouveau Code de Procédure civile). Constitue ainsi une infraction à la règle d'impartialité la circonstance que le délibéré d'une cour d'appel se soit déroulé en présence de l'un des membres de la formation du tribunal ayant prononcé le jugement qui lui était déféré (2e chambre civile 11 mars 2010, pourvoi n°08-19320, BICC n°726 du 15 juillet 2010 et Legifrance). Mais le fait qu'une décision rendue par une juridiction ait été cassée ne fait pas peser sur celle-ci un soupçon légitime de partialité pour connaître des points du litige restant à juger (Cass. 2ème CIV. - 27 janvier 2005, BICC n°168 1er mai 2005). De même, les magistrats d'une Cour d'appel qui ont rouvert les débats et qui ont invité les parties à présenter leurs observations quant à la recevabilité du recours n'ont fait qu'observer le principe de la contradiction. Il ne résulte donc pas de leur décision l'existence de motifs de nature à faire peser sur eux un soupçon légitime de partialité. (2e Civ., 20 mars 2008, BICC n°865 du 1er juillet 2008). Le défaut d'impartialité d'une juridiction ne peut résulter non plus du seul fait que les magistrats saisis d'une requête aux fins d'interprétation et de rectification d'un jugement soient les mêmes que ceux qui ont rendu cette décision. (2ème Chambre civile 3 mars 2011 pourvoi n°11-01191, BICC n°745 du 1er juillet 2011 et Legifrance). En revanche, justifie le renvoi pour cause de suspicion légitime devant une autre juridiction le fait qu'un des magistrats de la formation de jugement avait fait valoir son avis sur certains des éléments de la décision qui pourrait être adoptée en cas d'échec de la tentative de conciliation qu'il avait mission de mener (2ème Chambre civile 15 mars 2012, pourvoi n°11-01194, BICC n°764 du 15 juin 2012 et Legifrance).

Le défaut d'impartialité d'une juridiction ne peut résulter du seul fait qu'elle ait rendu une ou plusieurs décisions défavorables à la partie demanderesse à la récusation ou favorables à son adversaire. Fût-il démontré que les magistrats concernés auraient commis des erreurs de procédure ou des applications erronées des règles de droit, de telles erreurs, qui ne pourraient donner lieu qu'à l'exercice de voies de recours, ne sauraient établir la partialité ni des magistrats qui ont rendu les décisions critiquées ni des magistrats de la cour d'appel, pris dans leur ensemble, non plus que faire peser sur eux un doute légitime sur leur impartialité (2e Chambre civile 24 novembre 2016, pourvoi n°16-01646, BICC n°860 du 15 avril 2017 et Legifrance).

La demande est assujettie aux mêmes conditions de recevabilité et de forme que la demande de récusation, elle doit être formée par acte remis au secrétariat de la juridiction, ou par une déclaration qui est consignée par le secrétaire dans un procès-verbal. : la demande formée par acte d'huissier de justice délivré au greffe de la juridiction est irrecevable. (2e Civ. - 8 janvier 2009, pourvoi n°08-01797, BICC n°702 du 15 mai 2009, et Legifrance). Elle doit, à peine d'irrecevabilité, indiquer avec précision les motifs de la demande et être accompagnée des pièces propres à la justifier. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par une partie contre l'ordonnance d'un conseiller de la mise en état d'une cour d'appel, qui avait déclaré irrecevable l'appel contre l'ordonnance d'un juge de la mise en état énonçant les raisons pour lesquelles l'ordonnance lui semblait critiquable. Elle avait exposé à l'appui de sa demande que son conseil l'avait mise en garde à plusieurs reprises sur le fait que la Cour d'appel allait probablement confirmer l'ordonnance et qu'il en résultait de manière certaine et prévisible que cette juridiction était partiale, cet argument motivait sa demande de renvoi pour cause de suspicion légitime. La Cour de cassation a estimé dans cette affaire, que l'information donnée par son conseil, des faibles chances de succès d'une procédure ne constituait pas un fait de nature à faire peser sur les magistrats de la Cour d'appel un soupçon légitime de partialité (2e chambre civile, 18 mars 2010, pourvoi n°10-01088, Legifrance)

En cas de renvoi pour suspicion légitime ordonné au cours d'une instance en résolution d'un plan de redressement et en ouverture de la liquidation judiciaire pour survenance de la cessation des paiements pendant l'exécution du plan, seules sont réputées non avenues les décisions de la juridiction dessaisie qui remplissent les critères posés par l'article 347, alinéa 3, précité et ont été rendues à l'occasion de cette instance. (Chambre commerciale 8 avril 2021, pourvoi n°19-22580, Lejifrance).

Les greffiers ne peuvent pas faire l'objet d'une requête en récusation ou en suspicion légitime, de sorte que toute demande en ce sensd est irrecevable (2e Chambre civile 4 mai 2017, pourvoi n°17-01683, BICC n°870 du 1er nvembre 2017 et Legifrance.

Il a été pareillement jugé irrecevable comme sans objet, une requête tendant au renvoi pour cause de suspicion légitime, dirigée contre une Cour d'appel pour des affaires dont cette juridiction n'était pas saisie. (2e Chambre civile 3 avril 2003, BICC 1er août 2003, N° 1005 et Legifrance). De même, la Cour a pu estimer qu'une telle demande ne peut être dirigée contre toutes les juridictions du ressort d'une Cour d'appel et ne peut être formée à titre préventif, avant qu'une juridiction ne soit saisie. (2e Civ., 11 décembre 2008, N° de pourvoi : 08-01802, BICC n°700 du 15 avril 2009 et Legifrance).

En l'absence d'autre élément, le simple fait qu'un magistrat ait été stagiaire, pour une durée non précisée, et plusieurs années auparavant, dans une juridiction située dans le ressort de la cour d'appel ne constitue pas, en soi, un motif permettant de douter objectivement de l'impartialité de l'ensemble des magistrats de cette cour d'appel dans le jugement d'une affaire le concernant. (Chambre civile 20 juin 2013, pourvoi n°13-01367, BICC n°793 du 15 décembre 2013 et Legifrane). Sur la définition des obligations déontologiques applicables aux magistrats qui peuvent faire éventuellement l'objet d'un renvoi pour cause de suspicion légitimes, voir "Le Recueil des obligations déontologiques des magistrats" édité sur papier par la Librairie Dalloz.

A noter que dans un arrêt du 21 février 2002 la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation a jugé qu'il résultait des articles 356, 358, 359, 364 et 1027 du Code de procédure civile que la procédure de renvoi pour cause de suspicion légitime n'était pas applicable à la Cour de cassation.

La Loi 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation et de réforme dite "Loi Belloubet" qui est d'application immédiate, a fixé un certain nombre de règles relatives aux conditions dans lesquelles doivent se dérouler les procédures non-cotentieuses de résolution des litiges et quelles sont les dispositions de la Loi relatives aux règles auxquelles sont soumises les personnes et les organismes qui s'offrent à s'impliquer dans ces opérations.

Voir aussi : "Récusation" et "Renvoi".

Textes

  • Code de procédure civile, articles 356 et s.

    Décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence.

  • Décret n° 2017-1227 du 2 août 2017 modifiant les modalités d'entrée en vigueur du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile. >

  • Liste de toutes les définitions