par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
TRANSACTION DEFINITION
Dictionnaire juridique
Définition de Transaction
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Dans le langage du commerce, "transaction" est un mot souvent utilisé comme ayant un sens équivalent à celui de "négociation". C'est dans cette acception que le décret n°72-678 du 20 juillet 1972 a prévu que la carte qui est remise aux professionnels de l'immobilier porte la mention " Transactions sur immeubles et fonds de commerce ". En droit civil le mot à un sens plus étroit. Il désigne la convention conclue sous seing privé ou par acte authentique par laquelle chacune des parties, décide d'abandonner, tout ou partie de ses prétentions pour mettre fin au différend qui l' oppose à l'autre. La transaction est une convention comportant des concessions réciproques des parties, ayant entre elles autorité de la chose jugée, stipulant des engagements réciproques interdépendants. Les juges du fond apprécient souverainement l'existence de concessions réciproques dont la présence implique que les accords des parties soient qualifiés de transaction. (3e Civ., 28 novembre 2007).
Il résulte de l'article 2048 du code civil que les transactions se renferment dans leur objet ; la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu. Le sort d'un dépôt de garantie n'étant pas expressément spécifié dans la transaction conclue entre un bailleur et un preneur, il reste acquis au bailleur. (3e Chambre civile 11 avril 2019, pourvoi n°18-16061, BICC n°909 du 15 octobre 2019 et Legifrance). Consulter la note de Madame Pauline Fleury, RLDC 2019, n°6596, p. 7.
Cependant compte tenu des dispositions particulières du droit du travail, une transaction ne peut avoir pour objet de mettre fin à un contrat de travail (Chambre sociale 5 décembre 2012, pourvoi n°11-15471, BICC n°780 du 15 avril 2013 et Legifrance). A cet égard il convient de préciser que la Loi 2008596 du 25 juin 2008 a ajouté un article L1237-11 au Code du travail qui permet une rupture conventionnelle du contrat de travail. Voir le mot : Licenciement.
Une salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence. Un arrêt a retenu que l'employeur ne justifiait pas avoir expressément levé la clause de non-concurrence prévue au contrat de travail tant à l'occasion du licenciement que postérieurement à ce dernier. que la transaction litigieuse ne comprenait aucune mention dont il résulterait que les parties au protocole avaient entendu régler la question de l'indemnité de non-concurrence due à la salariée. L'employeur ne pouvait donc exciper de l'autorité de la chose jugée s'attachant au protocole transactionnel pour s'opposer à la demande en paiement formée la salariée. La Chambre sociale a jugé qu'en statuant ainsi, alors qu'aux termes de la transaction, les parties reconnaissaient que leurs concessions réciproques étaient réalisées à titre transactionnel, forfaitaire et définitif, ceci afin de les remplir de tous leurs droits et pour mettre fin à tout différend né ou à naître des rapports de droit ou de fait ayant pu exister entre elles, la Cour d'appel avait violé les textes applicables. (Chambre sociale 17 février 2021, pourvoi n°19-20635, Legifrance)
Concernant l'exécution ou l'inexécuton d'une transaction invoquée dans le cadre des opérations d'une entreprise en difficulté, si celle ci a été mise en redressement judiciaire avant la date de la première échéance de règlement convenue à la transaction, le défaut d'exécution de la transaction par la société placée en redressement judiciaire, ne peut être invoquée par le créancier pour faire échec à l'autorité de la chose jugée qui s'y attache (1ère Chambre civile 10 septembre 2015, pourvoi n°14-20917, BICC n°835 du 15 février 2016 et Legifrance). Consulter la note de Madame Cecile Le Gallou, RLDC 2015, n°5998.
La conciliation est un accord qui intervient entre les parties pour faire cesser leur différend. La procédure de conciliation comme celle de la médiation, lorsqu'elle réussit, se termine par une transaction. La Cour de cassation a jugé que du fait qu'au jour de la conclusion de la convention de rupture amiable un différend existait entre les parties, cet accord ne pouvait constituer qu'une transaction (Soc. - 11 février 2009, pourvoi : 08-40095, BICC n°704 du 15 juin 2009 et Legifrance). L'effet de la transaction est limité à son objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions. L'instance introduite après la transaction reste recevable lorsqu'il est constaté qu'elle a un objet différent de celui pour lequel les parties ont précédemment transigé (Soc. - 2 décembre 2009. pourvoi n°08-41665, BICC n°722 du 15 mai 2010 et Legifrance). Voir aussi la note de M. Martinon référencée dans la Bibliographie ci-après. Les parties peuvent toujours saisir la juridiction prud'homale d'une action en contestation d'une transaction quand bien même elle aurait été constatée dans un procès-verbal dressé par le Bureau de conciliation. Cependant le désistement résultant d'une transaction ne fait pas obstacle à une nouvelle action ayant pour objet de contester cette transaction (Chambre sociale 29 septembre 2010 pourvoi n°s 09-42084 09-42085, BICC n°734 du 15 janvier 2011 et Legifrance. Consulter aussi la note de M. Lionel Sébille référencée dans la Bibliographie ci-après
Lorsqu'une action a été engagée, le juge peut, à la requête conjointe des parties ou par conclusions concordantes, constater l'accord des parties. A condition que les dispositions quelles ont convenues ne soient pas contraires à l'ordre public. Il dresse alors, si elles déclarent le souhaiter, un procès verbal de leurs déclarations. Il peut encore, également, si les parties le demandent, prononcer un jugement reprenant les termes de la transaction qu'elles ont convenue hors du prétoire. L'intérêt de l'homologation judiciaire réside dans le fait que la décision du Juge est exécutoire. Si l'une des parties refuse ou omet de s'y conformer, l'autre partie peut alors, après commandement, la forcer en utilisant les voies d'exécution. Le jugement qui intervient dans ces conditions, est dit " jugement d'expédient ". Il n'est susceptible d'aucune voie de recours. La transaction, ne met fin au litige que sous réserve de son exécution. Elle ne peut être opposée par l'une des parties que si celle-ci en a respecté les conditions. Si la juridiction constate que l'une des parties n'a pas réalisé, dans le délai convenu, les travaux qu'elle s'était engagée à effectuer et qu'elle a ainsi caractérisé l'inexécution de la transaction, elle a pu exactement en déduire que la demande indemnitaire de l'autre partie à cette transaction était recevable (1ère Chambre civile 12 juillet 2012, pourvoi n°09-11582, BICC n°773 du 15 décembre 2012 et Legifrance).
L'homologation d'un accord transactionnel qui a pour seul effet de lui conférer force exécutoire ne fait pas obstacle à une contestation de la validité de cet accord devant le juge de l'exécution (2e Chambre civile 28 septembre 2017, pourvoi n°16-19184, BICC n°875 du 1er février 2018 et Legifrance).
Ainsi que précisé ci-dessus, la transaction peut être formalisée par un acte authentique : les dispositions de l'article 1441-4 du code de procédure civile ne font pas obstacle à ce qu'elle soit reçue par un notaire et que celui-ci lui confère force exécutoire. Si le dépôt a été reçu en la forme authentique, la copie exécutoire de la transaction délivrée par le notaire peut servir de fondement une saisie-attribution. (2e Chambre civile 21 octobre 2010, pourvoi n°09-12378, BICC n°736 du 15 février 2011 et Legifrance). Consulter aussi 1ère Civ., 16 mai 2006, pourvoi n° 04-13467, Bull. 2006, I, n° 243 et Legifrance. (cassation d'un arrêt refusant de conférer la force exécutoire à une transaction valant cession de droits réels immobiliers).
Comme toute convention, la transaction est gouvernée par le principe de l'effet relatif des contrats, qui interdit aux tiers de se prévaloir de l'autorité d'une transaction à laquelle ils ne sont pas intervenus. Cependant cet effet ne prive pas un tiers, de la possibilité d'invoquer la renonciation à un droit contenue dans la transaction. Si une cour d'appel a déclaré à tort irrecevable l'action indemnitaire de salariés, au motif que, dans une transaction conclue avec un précédent employeur, ils avaient expressément renoncé à toute demande en rapport avec leur licenciement, le moyen pris de la violation des articles 1165 et 2049 à 2052 du code civil est néanmoins inopérant, dès lors que le liquidateur judiciaire, qui avait prononcé les licenciements, était fondé à se prévaloir de la renonciation à leurs droits. (Soc. - 14 mai 2008., BICC n°688 du 1er octobre 2008). Et l'Assemblée plénière de la Cour de cassation a estimé "que constitue un droit fondamental, en vue d'un procès équitable, le droit d'être pleinement informé de la faculté de contester devant un juge une transaction opposée à celui qui n'y était pas partie " (Assemblée plénière, Mme Kamara, conseiller rapporteur et M. de Gouttes, premier avocat général, 29 mai 2009, N° de pourvoi : 08-11422, Legifrance).
Les transactions ayant, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort elles ne peuvent donc être attaquées pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lésion la transaction, des parties ont donc confirmé irrévocablement la vente d'un tableau litigieux en se désistant de toutes instances et actions relatives à celui-ci. L'annulation ultérieure d'une telle vente n'est pas de nature à fonder l'annulation de la transaction (1ère Chambre civile 17 mars 2016, pourvoi n°14-27168, BICC n°846 du 15 juillet 2016 et Legifrance).
Le décret 98-1231 du 28 novembre 1998 a ajouté au Code de procédure civil un nouvel article 1441-4 qui permet à l'une des parties à une transaction de requérir le Président du Tribunal de conférer force exécutoire à l'acte qui lui est présenté. Il convient de remarquer la similitude de cette nouvelle institution avec celle de l'exequatur en matière d' arbitrage. Le Président est devenu compétent quelque soit l'objet du différend ayant opposé les parties et ce encore quelle que soit l'importance des sommes sur lesquelles les parties ont transigé. Quant à l''ordonnance donnant force exécutoire à une transaction rendue suite au dépôt d'une requête par l'une des parties à un accord, ayant reçu mandat à cet effet des autres parties, elle n'est pas une ordonnance sur requête au sens de l'article 812, alinéa 1er, du code de procédure civile, et elle ne peut faire l'objet d'aucun recours (2e Chambre civile 1er septembre 2016, pourvoi n°15-22915, BICC n°856 du 15 février 2017 et Legifrance).
Le pouvoir de transiger peut être subordonné à des conditions que fixe la Loi. Ainsi le tuteur ne peut transiger au nom du mineur ou d'un majeur protégé qu'après avoir fait approuver par le conseil de famille les clauses de la transaction. La constatation, dans le dispositif, de l'accord des parties, sans aucun motif dans le corps du jugement, ne peut s'analyser qu'en un contrat judiciaire. La loi du 5 juillet 1985 instituant un régime d'indemnisation des victimes d'accident de la circulation, d'ordre public, dérogatoire au droit commun, qualifie de transaction la convention qui se forme entre la victime et l'assureur (1ère Chambre civile 20 janvier 2010, pourvoi n°08-19627, BICC n°724 du 15 juin 2010 et Legifrance). Un avocat, comme tout mandataire, ne peut transiger pour le compte de son client qu'en exécution d'un pouvoir spécial. En droit du travail, la transaction ne peut avoir d'effet que si au moment où elle est conclue, le salarié ne se trouve plus sous la direction et le contrôle de l'employeur. Est dès lors nulle une transaction conclue avant que le salarié ait retiré la lettre recommandée avec demande d'avis de réception de licenciement. (Soc. - 14 juin 2006, BICC n° 648 du 15/10/2006). Si la date portée sur le protocole transactionnel n'est pas celle à laquelle il a été signé, il appartenait au juge du fond de rechercher à quelle date la transaction a été effectivement conclue. A défaut de pouvoir en déterminer la date, il doit considérer que l'employeur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ce que la transaction a été conclue postérieurement au licenciement. (Chambre sociale 1er juillet 2009, pourvoi n°08-43179, BICC n°714 du 15 janvier 2010 et Legifrance).
Toute erreur fût-elle de droit, portant sur l'objet même de la contestation, peut conduire à la rescision d'une transaction. (1ère Chambre civile 17 juin 2010, pourvoi n°09-14144, BICC n°731 du 15 novembre 2010 et Legifrance). Consulter sur ce sujet la note de Madame Cécile Le Gallou référencée dans la Bibliographie ci-après et 1ère Civ., 22 mai 2008, pourvoi n°06-19643, Bull. 2008, I, n°151.
Voir aussi les mots : Dommage, Responsabilité civile et Réparation.
Textes
Bibliographie